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16/11/2007 | FRANCE | N°06LY02537

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 16 novembre 2007, 06LY02537


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 21 décembre 2006, présentée pour Mlle Achraf X, domiciliée ..., par Me Couderc, avocat au barreau de Lyon ;

Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607032 en date du 22 novembre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 7 novembre 2006, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la d

cision distincte du même jour fixant le pays dont elle a la nationalité comme de...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 21 décembre 2006, présentée pour Mlle Achraf X, domiciliée ..., par Me Couderc, avocat au barreau de Lyon ;

Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607032 en date du 22 novembre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 7 novembre 2006, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont elle a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 15 jours et de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1200 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;



……………………………………………………………………………………………………...
Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 novembre 2007 :

- le rapport de M. du Besset, président ;

- les observations de Me Petit, avocat de Mlle X ;

- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Rhône :

Considérant que, contrairement à ce que soutient le préfet du Rhône, l'original du mémoire introductif d'instance, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 21 décembre 2006, est signé par l'avocat de Mlle X ; que la requête n'est, ainsi, pas entachée d'irrégularité sur ce point ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière et de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cour de validité (…) » ;

Considérant qu'à la date de l'arrêté attaqué, le 7 novembre 2006, Mlle X, ressortissante de nationalité tunisienne, ne justifiait ni être entrée régulièrement en France, ni détenir un titre de séjour en cours de validité ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X est née en France en 1979 et y a vécu avec sa famille jusqu'à l'âge de 13 ans ; qu'elle soutient, en produisant de nombreux témoignages, dont l'authenticité n'est pas contestée, que ce n'est que contrainte par son père que, ses parents et ses frères continuant à résider en France, elle a dû elle-même, à la fin des vacances d'été de 1992, rester en Tunisie, où elle a rencontré de grandes difficultés d'intégration compte tenu notamment de ce qu'elle ne parlait pas la langue, avant de pouvoir revenir en France en 2003, son père, alors gravement malade et décédé depuis, ne s'opposant plus à son retour ; que, dans ces conditions, Mlle X, dont la mère est titulaire d'une carte de résident valable dix ans et les deux frères sont de nationalité française, doit être regardée comme ayant le centre de ses attaches familiales en France ; qu'ainsi, alors même qu'au 7 novembre 2006, date de l'arrêté de reconduite à la frontière, Mlle X était âgée de 27 ans, célibataire et sans enfant et n'était à nouveau installée en France que depuis trois ans, cet arrêté porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et méconnaît, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mlle X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 novembre 2006 par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et, par voie de conséquence, de la décision distincte du même jour désignant la Tunisie comme pays de destination de la reconduite ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » ; et qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas. » ;

Considérant, qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;



Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet du Rhône de délivrer à Mlle X une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours et de se prononcer sur sa situation dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1 000 euros, au titre des frais exposés par Mlle X et non compris dans les dépens ;


DECIDE :


Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon en date du 22 novembre 2006, ensemble l'arrêté du 7 novembre 2006 du préfet du Rhône ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mlle X une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours et de réexaminer sa situation administrative dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mlle X la somme de 1 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 06LY02537


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06LY02537
Date de la décision : 16/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Emmanuel du BESSET
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : ALAIN COUDERC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-11-16;06ly02537 ?
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