Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 30 novembre 2006, présentée pour M. Safouane X, domicilié ..., par Me Deschamps, avocat au barreau de Grenoble ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0604867 en date du 27 octobre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 4 octobre 2006, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;
2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur son droit à un titre de séjour dans le délai d'un mois, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 novembre 2007 :
- le rapport de M. du Besset, président ;
- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;
Considérant que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 12 mai 2006, de la décision du préfet de l'Isère du 9 mai 2006 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté en litige, le 4 octobre 2006, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;
Considérant que, d'une part, il est constant que la soeur de M. X, qui vivait régulièrement en France avec son mari, de nationalité française, y est décédée le 6 novembre 2005 en laissant quatre enfants, dont deux de 10 et 11 ans et des jumeaux de 7 ans, que, d'autre part, il ressort des pièces versées au dossier d'appel, que selon plusieurs attestations, émanant non seulement de parents de M. X mais aussi de responsables de l'école où sont scolarisés ces enfants et d'un ancien élu local, parlementaire, il est établi que M. X s'occupe régulièrement de ses quatre neveux et nièces alors que leur père, qui dirige une entreprise artisanale, n'a pas toute la disponibilité nécessaire à cet effet ; que, dans ces circonstances très particulières, et alors même que M. X n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie, le préfet de l'Isère, en décidant sa reconduite à la frontière, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis ; que l'arrêté en litige a ainsi été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et doit, pour ce motif, être annulé ; que la décision désignant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite à la frontière doit l'être également, par voie de conséquence ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le présidant du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » et qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas. » ;
Considérant, qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet de l'Isère de délivrer, dans un délai de quinze jours, à M. X une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que M. X, pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, son avocat n'a pas demandé, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la mise à la charge de l'Etat de la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0604867 du 27 octobre 2006 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble, ensemble l'arrêté du préfet de l'Isère du 4 octobre 2006 prononçant la reconduite à la frontière de M. X et la décision du même jour désignant l'Algérie comme pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. X, dans le délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un nouvel examen de sa situation administrative dans le délai d'un mois, à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 06LY02357