Vu, I, sous le numéro 06LY02364, le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 30 novembre 2006, présenté par le PREFET DE LA DROME ;
Le PREFET DE LA DROME demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 064920-064923 en date du 31 octobre 2006 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble, en ce qu'il a annulé son arrêté du 19 octobre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Gegam X ainsi que sa décision distincte du même jour désignant le pays de destination de la reconduite ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Gegam X devant le Tribunal administratif de Grenoble ;
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Vu, II, sous le numéro 06LY02365, le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 30 novembre 2006, présenté par le PREFET DE LA DROME ;
Le PREFET DE LA DROME demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0604920-064923 en date du 31 octobre 2006 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble, en ce qu'il a annulé son arrêté du 19 octobre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Ruzanna Y épouse X ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Ruzanna Y épouse X devant le Tribunal administratif de Grenoble ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2007 :
- le rapport de M. Chabanol, président ;
- les observations de Me Coudrais, avocat de Mme X ;
- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les deux recours du préfet sont dirigés contre un même jugement et présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme X :
Considérant qu'aux termes de l'article 45 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 : « En cas d'absence ou d'empêchement du préfet, sans que ce dernier ait désigné par arrêté un des sous-préfets en fonction dans le département pour assurer sa suppléance, celle-ci est exercée de droit par le secrétaire général de la préfecture (…) » ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date du dépôt du recours introductif d'appel, le PREFET DE LA DROME n'était pas absent ou empêché ; que, dès lors, Mme X n'est pas fondée à soutenir que le recours est irrecevable en ce qu'il est signé par le seul secrétaire général de la préfecture ;
Sur la légalité des arrêtés de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code : « Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (…) 4º La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente.(…) » et qu'aux termes de l'article L. 742-6 dudit code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement (…) ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que M. et Mme X se sont vus refuser l'asile par décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 9 décembre 2004, confirmées par la commission des recours des réfugiés le 30 novembre 2005 ; que les intéressés ont sollicité le réexamen de leurs demandes d'asile en se bornant à joindre à leur demande un témoignage de tiers, télécopié le 17 décembre 2005, faisant état de ce qu'ils seraient toujours recherchés par des membres de la défense nationale de l'Arménie, qui a été regardé comme dépourvu de force probante par l'office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, par décisions du 19 décembre 2005, le PREFET DE LA DROME a ainsi pu légalement signifier à M. et Mme X que leur admission provisoire au séjour leur était refusée sur le fondement de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par décisions du 11 janvier 2006, l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté les demandes de réexamen ; que, par décisions du 31 janvier 2006, notifiées aux intéressés le même jour, le PREFET DE LA DROME a refusé le séjour à M. et Mme X et les a invités à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date des arrêtés de reconduite à la frontière litigieux, le 19 octobre 2006, M. et Mme X, qui s'étaient maintenus sur le territoire français plus d'un mois après la notification des refus de séjour, se trouvaient dans le cas où, en application des dispositions combinées du 3° de l'article L. 511-1 et de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le PREFET DE LA DROME pouvait légalement prononcer leur reconduite à la frontière, sans attendre que la commission des recours des réfugiés ait statué sur les recours, non suspensifs, formés devant elle par les intéressés ; que, par suite, le PREFET DE LA DROME est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé, pour ce motif, les arrêtés litigieux ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme X, tant devant le Tribunal administratif de Grenoble que devant la Cour ;
Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de Mme X, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé ;
Considérant que Mme X soutient que le PREFET DE LA DROME, en ne précisant pas les motifs de son refus de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, n'a pas suffisamment motivé sa décision de refus de titre de séjour du 31 janvier 2006 sur laquelle se fonde la mesure d'éloignement prise à son encontre ; que cette décision du 31 janvier 2006, qui rappelle notamment le refus d'autorisation provisoire de séjour intervenu le 19 décembre 2005, en application de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le rejet de la demande de réexamen d'admission à l'asile prononcé par l'office français de protection des réfugiés et apatrides et le caractère non suspensif, en raison de la mise en oeuvre de la procédure prioritaire, du recours pouvant éventuellement être formé devant la commission des recours des réfugiés, est régulièrement motivée et n'avait pas à mentionner les raisons qui avaient motivé le refus d'autorisation provisoire de séjour intervenu par décision distincte du 19 décembre 2005 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;
Considérant que M. et Mme X sont entrés en France le 25 juin 2004, accompagnés de leurs deux enfants mineurs ; qu'ils n'allèguent pas être dépourvus d'attaches familiales en Arménie où la cellule familiale a été créée et pourra se reconstituer ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour des intéressés en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, les arrêtés contestés n'ont pas porté au droit de M. et Mme X au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ils ont été pris ; qu'ils n'ont, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité des décisions distinctes fixant le pays de destination :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;
Considérant que si les intéressés soutiennent que le père de Mme X n'accepterait pas l'union mixte de son ex-épouse et aurait menacé la famille de sa fille et que cette dernière et son époux seraient recherchés par des membres de la défense nationale de l'Arménie, ils n'établissent pas, par leur récit et le témoignage produit, qui est dépourvu de caractère probant, la réalité des faits allégués ni des risques et menaces qui pèseraient sur eux en cas de retour en Arménie et l'incapacité dans laquelle se trouveraient les autorités arméniennes de leur apporter la protection éventuellement nécessaire ; qu'ainsi, les décisions fixant ce pays comme destination des reconduites ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA DROME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses arrêtés du 19 octobre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme X ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 31 octobre 2006 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Grenoble sont rejetées.
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