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04/10/2007 | FRANCE | N°06LY01889

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 04 octobre 2007, 06LY01889


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 5 septembre 2006, présentée pour Mme Nabintou X, domiciliée ..., par Me Isabelle Faure Cromarias, avocat au barreau de Clermont-Ferrand ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604741 en date du 4 août 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 1er août 2006 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a décidé sa reconduite à la frontière et

des décisions distinctes du même jour, d'une part, fixant la Guinée comme pays de ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 5 septembre 2006, présentée pour Mme Nabintou X, domiciliée ..., par Me Isabelle Faure Cromarias, avocat au barreau de Clermont-Ferrand ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604741 en date du 4 août 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 1er août 2006 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a décidé sa reconduite à la frontière et des décisions distinctes du même jour, d'une part, fixant la Guinée comme pays de destination de la reconduite et, d'autre part, ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler l'arrêté et les décisions susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire avec autorisation de travailler, dans le délai de 8 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, dans un délai de 8 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à lui verser au titre des frais irrépétibles ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 683,24 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;
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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2007 :

- le rapport de M. Chabanol, président ;

- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que Mme X avait soutenu, devant le premier juge, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination de la reconduite, que son enfant serait privé des soins nécessaires à son état de santé en cas de retour en Guinée, et que cette privation de soins pouvait s'analyser comme un traitement inhumain et dégradant au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon, qui ne s'est pas prononcé sur ce point, a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance, par cette décision, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en second lieu, que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a omis de statuer sur les conclusions et moyens présentés devant lui, dirigés contre la décision ordonnant le placement en rétention administrative de Mme X ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ce qu'il se prononce sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination de la reconduite, et omet de se prononcer sur les conclusions dirigées contre la décision ordonnant le placement en rétention administrative ; qu'il doit être annulé dans cette mesure ; qu'il y a lieu d'une part d'évoquer ces conclusions et d'y statuer immédiatement et d'autre part de statuer par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de Mme X ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité guinéenne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 22 mars 2004, de la décision du préfet du Puy-de-Dôme du 18 mars 2004 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 1er août 2006, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas utilement contesté que si M. Jean-Michel Berard, préfet du Puy-de-Dôme, a été nommé préfet de la Région Centre, préfet du Loiret, par décret du 20 juillet 2006, publié au journal officiel le 22 juillet 2006, il n'a été installé dans ses nouvelles fonctions que le 28 août 2006, soit postérieurement à l'édiction, le 1er août 2006, de la décision attaquée ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que si Mme X fait valoir l'ancienneté du séjour sur le territoire français de son époux, sa propre présence en France depuis près de six ans, pays où elle dispose d'un logement et où sont nés ses deux enfants, dont l'un nécessite des soins dont le défaut pourrait entraîner son infirmité et qui ne pourraient pas lui être dispensés en Guinée, compte tenu de l'état sanitaire du pays, il ressort des pièces du dossier que l'ancienneté de la présence en France de son époux n'est pas établie, que ce dernier fait lui aussi l'objet d'une mesure d'éloignement et que rien ne s'oppose à ce que l'aîné de ses enfants présents en France bénéficie, en Guinée, de la surveillance médicale annuelle que son état de santé nécessite, lequel suivi médical ne justifie, en tout état de cause, pas sa présence continue sur le territoire français ; que la fille aînée du couple, née en 1998, demeure en Guinée ; que, par suite, l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il ne méconnaît ainsi pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière, la décision fixant le pays de renvoi n'a pas été prise par une autorité incompétente ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant, d'une part, que si Mme X soutient qu'elle encourt personnellement un risque de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Guinée, elle n'apporte, à l'appui de cette allégation, aucune précision relative à sa situation de nature à établir une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, que si elle fait valoir que son fils serait dans l'impossibilité de bénéficier, en Guinée des soins que son état de santé requiert, en raison de l'état sanitaire du pays, il ne ressort pas des pièces du dossier que la prise en charge médicale de cet enfant, qui ne nécessite, à la date de la décision contestée, qu'une surveillance médicale annuelle constituée par une radiographie de contrôle du bassin et une consultation auprès d'un praticien spécialisé, serait impossible en Guinée ; que, par suite, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas méconnu les stipulations précitées ;
Sur la mesure de placement en rétention administrative :

Considérant, en premier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière, la décision ordonnant le placement de la requérante en rétention administrative n'a pas été prise par une autorité incompétente ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Le placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger : / (…) 3° Soit, faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application des articles L. 511-1 à L. 511-3 et édicté moins d'un an auparavant, (…) ne peut quitter immédiatement le territoire français ; (…) » ;

Considérant que si Mme X soutient qu'elle justifie d'un domicile stable, connu de l'administration, des incertitudes demeurent quant au domicile effectif de la requérante, eu égard aux différentes adresses figurant dans les pièces du dossier ; qu'ainsi, Mme X ne disposait pas de garanties de représentation suffisantes et le préfet a, dès lors, pu ordonner son placement en rétention administrative sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation ni méconnaître les dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les conditions de son interpellation sont, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de cette mesure de rétention administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté en date du 1er août 2006 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a décidé sa reconduite à la frontière et des décisions distinctes du même jour, d'une part, fixant la Guinée comme pays de destination de la reconduite et, d'autre part, ordonnant son placement en rétention administrative ; que ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence ; qu'enfin les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui ne peut être regardé comme partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par Mme X et non compris dans les dépens ;

DECIDE :


Article 1er : Le jugement n° 0604741 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon en date du 4 août 2006 est annulé en ce qu'il a statué sur les conclusions de Mme X dirigées contre la décision fixant le pays de destination de sa reconduite, et en ce qu'il a omis de se prononcer sur les conclusions de Mme X dirigées contre la décision de placement en rétention administrative la concernant.
Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme X mentionnées à l'article précédent et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
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N° 06LY01889


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 06LY01889
Date de la décision : 04/10/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Daniel CHABANOL
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : FAURE CROMARIAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-10-04;06ly01889 ?
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