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12/07/2007 | FRANCE | N°04LY00592

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 5, 12 juillet 2007, 04LY00592


Vu, I, la requête, enregistrée le 28 avril 2004, présentée pour la SA TRANSPORTS ISSOIRIENS, dont le siège est zone industrielle Les Listes à Issoire (63500), par Me Turot, avocat ;

La SA TRANSPORTS ISSOIRIENS demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 020957 en date du 3 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la restitution, au titre de l'année 1996, de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les péages qu'elle a acquittés pour l'usage d'ouvrages de circulation routière et la condamnation de l

'Etat à lui rembourser les frais de timbre exposés ainsi qu'à lui payer une ...

Vu, I, la requête, enregistrée le 28 avril 2004, présentée pour la SA TRANSPORTS ISSOIRIENS, dont le siège est zone industrielle Les Listes à Issoire (63500), par Me Turot, avocat ;

La SA TRANSPORTS ISSOIRIENS demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 020957 en date du 3 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la restitution, au titre de l'année 1996, de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les péages qu'elle a acquittés pour l'usage d'ouvrages de circulation routière et la condamnation de l'Etat à lui rembourser les frais de timbre exposés ainsi qu'à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

22) de prononcer la restitution demandée pour un montant de 31 267 euros au titre de l'année 1996 ;

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Vu, II, le recours, enregistré le 19 juin 2006, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :

1°) à titre principal d'annuler le jugement n° 030597 en date du 24 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a accordé à la SA Transports Issoiriens la restitution d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible de 72 844 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur les péages autoroutiers entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 1997 et a condamné l'Etat à verser à la SA Transports Issoiriens une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de remettre à la charge de la société 72 844 euros de TVA dont la restitution a été ordonnée à tort par les premiers juges ;

2°) à titre subsidiaire, au cas où la Cour n'estimerait pas nécessaire la présentation de factures rectificatives mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée, de réformer le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 24 janvier 2006 rendu en faveur de la SA Transports Issoiriens et de remettre à la charge de la société 7 573 euros de taxe sur la valeur ajoutée ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et son premier protocole additionnel ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes n° C-276/97 du 12 septembre 2000 ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi de finances rectificative n° 2000-1353 du 30 décembre 2000, notamment le I et le VII de son article 2 ;

Vu la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux n° 268681 du 29 juin 2005 ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2005-531 DC du 29 décembre 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2007 :

- le rapport de M. Bourrachot, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Pourny, commissaire du gouvernement ;

Sur la jonction :

Considérant que la requête et le recours susvisés sont dirigés contre deux jugements statuant sur deux demandes présentant à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement du 24 janvier 2006 :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : « Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition … » ;

Considérant que si la SA TRANSPORTS ISSOIRIENS a présenté devant l'administration fiscale, le 28 décembre 2001, une première réclamation tendant à la restitution des sommes correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée sur les péages qu'elle a acquittés en 1996 pour un montant de 223 321 francs, soit 34 045 euros, sa seconde réclamation du 17 décembre 2002 tendait au versement de la somme de 41 618 euros au titre de la même année ; qu'il suit de là que la SA TRANSPORTS ISSOIRIENS était recevable à demander la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée dans la limite de cette seconde réclamation ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à soutenir que c'est irrégulièrement que le tribunal administratif a accordé une restitution excédant la somme de 34 045 euros ;

Sur le bien-fondé :

Considérant, en premier lieu, que, par l'arrêt du 12 septembre 2000 susvisé, rendu sur un recours en manquement, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé contraires aux dispositions des articles 2 et 4 de la sixième directive du 17 mai 1977 les dispositions du code général des impôts desquelles il résultait que n'étaient pas imposables à la TVA les péages perçus en contrepartie de l'utilisation d'ouvrages de circulation routière ;

Considérant, en deuxième lieu, que, par la décision du 29 juin 2005 susvisée, le Conseil d'Etat a annulé pour excès de pouvoir la lettre du 27 février 2001 par laquelle le secrétaire d'Etat au budget a informé le délégué général de la Fédération nationale des transports routiers de ce que les usagers redevables de la TVA ne pourront prétendre au remboursement de la taxe afférente aux péages qu'ils ont acquittés avant le 1er janvier 2001 ; qu'il a également annulé la lettre du 15 janvier 2003 par laquelle le directeur de la législation fiscale avait demandé au président du comité des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes de veiller à ce que ces sociétés ne délivrent pas de factures rectificatives faisant apparaître dans le prix du péage une TVA acquittée par les usagers avant le 1er janvier 2001 ;

Considérant, en troisième lieu, que le I de l'article 111 de la loi de finances rectificative pour 2005 complétait l'article 272 du code général des impôts par un 3 ainsi rédigé : « La taxe sur la valeur ajoutée qui aurait dû grever le prix d'une opération non soumise à la taxe en application de dispositions jugées incompatibles avec les règles communautaires ne peut être déduite que sur présentation d'une facture rectificative attestant que son montant a été payé en sus du prix figurant sur la facture initiale » ; que le II du même article prévoyait que les dispositions de ce I s'appliquent aux factures rectificatives émises à compter du 8 décembre 2005 ; que la décision du Conseil constitutionnel n° 2005-531 DC du 29 décembre 2005 a déclaré l'article 111 de la loi de finances rectificative pour 2005 contraire à la Constitution, cet article ayant eu pour principal objet, par la condition qu'il pose, de priver d'effet, pour la période antérieure au 1er janvier 2001, l'arrêt précité de la Cour de justice des Communautés européennes ainsi que la décision précitée du Conseil d'Etat et portant dès lors atteinte au principe de séparation des pouvoirs et à la garantie des droits ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : « 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable » ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, les péages versés aux sociétés concessionnaires d'autoroutes avant le 1er janvier 2001 doivent être regardés comme ayant été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée qui était ainsi exigible ; que, dans ces conditions, les dispositions précitées de l'article 271 du code général des impôts ouvrent aux transporteurs routiers assujettis à cette taxe le droit de déduire, sous réserve des conditions relatives à l'exercice du droit à déduction et tenant notamment à la détention de factures, la taxe exigible au titre de ces péages, dont le montant doit être déterminé dans les conditions prévues aux articles 266 et suivants du même code, desquels il résulte que l'assiette imposable est constituée du prix de ces péages, diminué de la taxe exigible ; que, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, la circonstance que la taxe sur la valeur ajoutée n'aurait pas été acquittée par les sociétés concessionnaires d'autoroutes au titre des péages perçus avant le 1er janvier 2001 ne saurait faire obstacle à l'exercice du droit à déduction, qui est subordonné par les dispositions précitées du 2 de l'article 271 du code général des impôts à l'exigibilité de la taxe, et non à son versement effectif par le redevable ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du I de l'article 289 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : « Tout assujetti doit délivrer une facture ou un document en tenant lieu pour les biens livrés ou les services rendus à un autre assujetti ou à une personne morale non assujettie, ainsi que pour les acomptes perçus au titre de ces opérations lorsqu'ils donnent lieu à exigibilité de la taxe ; qu'aux termes du II du même article : La facture ou le document en tenant lieu doit faire apparaître : / 1°) par taux d'imposition, le total hors taxe et la taxe correspondante mentionnés distinctement (…) » ; qu'il résulte de ces dispositions, combinées avec les dispositions précitées du VII de l'article 2 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2000, que les sociétés concessionnaires d'autoroutes, dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée est exigible au titre des péages acquittés par les transporteurs routiers assujettis à cette imposition, doivent délivrer à ces derniers, à leur demande, une facture mentionnant cette taxe ;

Considérant toutefois que les dispositions précitées des articles 271 et 289 du code général des impôts ne peuvent avoir pour effet, par la condition qu'elles posent, de priver de portée, pour la période antérieure au 1er janvier 2001, l'arrêt précité de la Cour de justice des Communautés européennes, et doivent donc être interprétées à la lumière des objectifs et des dispositions de la sixième directive susvisée et du principe de proportionnalité, principe général du droit communautaire ;

Considérant que dès lors que le redevable est en possession d'une facture initiale ou d'un document en tenant lieu, que la taxe sur la valeur ajoutée est comprise dans le prix stipulé par cette facture, que le litige ne porte pas sur l'étendue du droit à déduction et en l'absence de toute fraude ou évasion fiscale alléguées, le principe de proportionnalité s'oppose à ce que l'exercice du droit à déduction soit subordonné à la production de factures rectificatives dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 289 du code général des impôts et des articles 224 et 242 nonies A de l'annexe II audit code ;

Considérant qu'il est constant que la SA TRANSPORTS ISSOIRIENS est en possession de documents tenant lieu de factures émanant des sociétés gestionnaires des voies et ouvrages à péage que ses véhicules avaient empruntés au cours de l'année 1996 ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut le prix stipulé en contrepartie de l'utilisation de ces voies et ouvrages comprenait la taxe sur la valeur ajoutée ; que pour les raisons susindiquées il n'y a pas lieu de subordonner l'exercice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces péages à la production de factures rectificatives mentionnant expressément la taxe sur la valeur ajoutée y afférente ; qu'il n'y a pas davantage lieu de distinguer entre, d'une part, les péages acquittés à la société Tunnel Alpin du Fréjus et à la société des autoroutes Paris-Normandie et, d'autre part, les péages acquittés aux autres sociétés ; que pour ce qui concerne les courriers du 22 avril 2002 adressés d'une part à la société Tunnel Alpin du Fréjus, mentionnant un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 5 931,15 euros et d'autre part à la société des autoroutes Paris-Normandie, mentionnant un montant de 11 081, 65 euros, le ministre ne conteste pas sérieusement l'étendue du droit à déduction en se bornant, sans autres précisions, à se référer à la position de la société Tunnel Alpin du Fréjus contestant la méthode de calcul et le montant de la déduction de taxe sur la valeur ajoutée demandée par la requérante ; que pour ce qui concerne les autres sociétés le ministre ne conteste pas l'étendue du droit à déduction de la SA TRANSPORTS ISSOIRIENS ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 24 janvier 2006 ;

Considérant que le présent arrêt confirmant le jugement du 24 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a intégralement fait droit à la seconde demande de restitution de la SA TRANSPORTS ISSOIRIENS relative à l'année 1996, sa requête tendant à l'annulation du jugement en date du 3 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa première demande tendant à la restitution de la même taxe sur la valeur ajoutée devient sans objet ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 04LY000592 de la SA TRANSPORTS ISSOIRIENS.

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N° 04LY00592…


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 04LY00592
Date de la décision : 12/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. CHABANOL
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : TUROT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-07-12;04ly00592 ?
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