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12/07/2007 | FRANCE | N°02LY01536

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 5, 12 juillet 2007, 02LY01536


Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 29 juillet 2002 et 7 février 2003, présentés pour la SOCIETE ARCHE SA, dont le siège social est 10 avenue de Norvège, B.P. 742, Les Ulis (91962), par Me Delélis, avocat au barreau de Paris ;

La SOCIETE ARCHE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0100846 du 6 juin 2002 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision par laquelle la région Rhône-Alpes a attribué à la société France Télécom le marché de mise en oeuvre et d'administrat

ion d'un réseau régional d'informatique « haut débit », et d'autre part, à la conda...

Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 29 juillet 2002 et 7 février 2003, présentés pour la SOCIETE ARCHE SA, dont le siège social est 10 avenue de Norvège, B.P. 742, Les Ulis (91962), par Me Delélis, avocat au barreau de Paris ;

La SOCIETE ARCHE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0100846 du 6 juin 2002 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision par laquelle la région Rhône-Alpes a attribué à la société France Télécom le marché de mise en oeuvre et d'administration d'un réseau régional d'informatique « haut débit », et d'autre part, à la condamnation de la région Rhône-Alpes à lui verser la somme de 1 844 653, 26 euros hors-taxe, à titre d'indemnisation des préjudices subis à la suite de son éviction dudit marché ;

2°) d'annuler la décision de passer le marché litigieux ;

3°) de condamner la région Rhône-Alpes au versement de ladite indemnité de 1 844 653,26 euros hors-taxe, avec intérêts à compter du 20 février 2001, date de la demande préalable d'indemnisation adressée à la région Rhône-Alpes et capitalisés au 7 février 2003 ;

4°) de mettre à la charge de la région Rhône-Alpes le remboursement à son profit d'une somme de 9146,94 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 juin 2007 :

- le rapport de M. Kolbert, premier conseiller ;

- les observations de Me Deygas, avocat de la région Rhône-Alpes ;

- et les conclusions de M. Besle, commissaire du gouvernement ;

Considérant que dans le cadre de la procédure d'appel d'offres sur performances engagée par la région Rhône-Alpes en vue de l'attribution d'un marché relatif à un réseau informatique régional haut-débit, la commission d'appel d'offres a d'abord autorisé les sociétés France Télécom et ARCHE à présenter leurs offres respectives portant sur six ensembles de fonctionnalités composant le programme des besoins à satisfaire, et a ensuite retenu l'offre de la société France Télécom ; qu'elle a toutefois limité l'étendue du marché à cinq des ensembles fonctionnels sur les six initialement programmés ; que la SOCIETE ARCHE a été informée le 22 décembre 2000, par la présidente de la région, de ce que sa candidature n'avait pas été retenue par la commission d'appel d'offres réunie le 15 novembre 2000 ; que la SOCIETE ARCHE demande ensemble l'annulation de la décision d'attribuer le marché à France Télécom et du jugement en date du 6 juin 2002 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté une telle demande, ainsi que ses demandes tendant à la condamnation de la région Rhône-Alpes à l'indemniser des préjudices qu'elle prétend avoir subis pour avoir été irrégulièrement évincée de la procédure d'attribution ;

Sur la légalité de la décision d'attribution du marché à France Télécom

Considérant qu'au terme de l'article 303 du code des marchés publics en sa rédaction applicable à la procédure litigieuse : « Il est procédé à un appel d'offres sur performances pour des motifs d'ordre technique ou financier lorsque la personne publique contractante définit les prestations dans un programme fonctionnel détaillé sous la forme d'exigences de résultats vérifiables à atteindre ou de besoins à satisfaire. Les moyens de parvenir à ces résultats ou de répondre à ces besoins sont proposés par chaque candidat dans son offre. Cet appel d'offres est toujours restreint… Les offres sont examinées et classées par la commission prévue à l'article 279... Chaque concurrent est entendu par la commission dans des conditions de stricte égalité définies préalablement. A la suite de cette audition, les concurrents peuvent préciser, compléter ou modifier leur offre… » ; qu'aux termes de l'article 272 du même code : « Les prestations qui font l'objet des marchés doivent répondre exclusivement à la nature et à l'étendue des besoins à satisfaire. La collectivité ou l'établissement est tenu de déterminer aussi exactement que possible les spécifications et la consistance de ces prestations avant tout appel à la concurrence ou à la négociation. » ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que si les prescriptions du programme fonctionnel détaillé peuvent être modifiées après la remise des offres, ces modifications ne peuvent porter sur la nature et l'étendue des besoins de la personne publique, lesquelles peuvent seulement faire l'objet des précisions nécessaires pour répondre aux éléments d'information complémentaires apparus au cours de la procédure et à la condition que ces précisions soient portées en temps utile à la connaissance de tous les candidats ayant fait une offre pour leur permettre de l'adapter ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que les deux entreprises soumissionnaires ont toutes deux élaboré leur offre à partir d'un dossier de consultation composé notamment, selon le règlement de consultation établi par la personne responsable du marché, du cahier des clauses administratives particulières et d'un programme fonctionnel qui décomposaient les prestations à fournir en 6 ensembles fonctionnels ; que contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, l'ensemble fonctionnel n°6 correspondant à des services dits « à valeur ajoutée » ou complémentaires ne pouvait être regardé comme susceptible d'être exclu du périmètre de la consultation, dès lors, d'une part, que le programme fonctionnel détaillé qui a défini les caractéristiques de cet ensemble, a expressément précisé que les soumissionnaires devaient pouvoir fournir lesdits services en fonction des besoins spécifiques de chaque communauté d'utilisateurs, à charge pour eux seuls, d'exercer, le moment venu, l'option d'acquisition correspondante, et que, d'autre part, aux termes de l'article 5 du règlement de consultation relatif au jugement des offres : « Le jugement portera sur l'offre dans son ensemble, selon les critères suivants : compréhension des attentes de la région et satisfaction des spécifications du programme fonctionnel… conditions financières proposées… » ; qu'ainsi, c'est illégalement qu'après avoir procédé d'office dans ses réunions des 18 octobre et 8 novembre 2000, à la ventilation des différents éléments contenus dans les deux offres qui lui étaient soumises, entre une « offre de base », composée des cinq premiers ensembles fonctionnels définis par le programme, et des offres complémentaires issues de l'ensemble fonctionnel n°6, la commission d'appel d'offres a décidé de restreindre l'étendue des besoins de la région, tels qu'ils étaient définis dans le programme fonctionnel détaillé, en ne faisant porter son appréciation que sur les offres relatives aux fonctionnalités de base ; que par suite, en l'absence de nouvelle consultation sur ce nouveau programme fonctionnel, c'est irrégulièrement que la commission d'appel d'offres a retenu la candidature de France Télécom et écarté celle de la SOCIETE ARCHE ; que la SOCIETE TELINDUS, venant aux droits de cette dernière, est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a refusé d'annuler la décision attaquée ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit, en principe, au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; que, de plus dans le cas où elle a des chances sérieuses d'obtenir le marché, l'entreprise a droit à être indemnisée du manque à gagner calculé à partir du montant du marché attribué à son concurrent, et incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique;

Considérant, en premier lieu, que si la société ARCHE a figuré parmi les deux seules entreprises admises à déposer une offre après un premier examen des candidatures et n'était, eu égard au contenu de son offre, pas dépourvue de toute chance de remporter le marché, ce qui lui ouvrait droit, en principe et à tout le moins, au remboursement des frais engagés pour présenter son offre, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des explications techniques fournies par la société ARCHE, que le projet qu'elle avait présenté, avait une chance sérieuse d'être finalement retenu par la région ; qu'il en résulte que la SOCIETE TELINDUS ne peut par suite, prétendre à l'indemnisation du manque à gagner escompté sur le marché dont la société ARCHE a été évincée ;

Considérant, en second lieu, que s'agissant de l'évaluation du seul préjudice indemnisable, constitué par les frais de présentation de l'offre, la SOCIETE ARCHE doit être regardée comme justifiant de manière suffisante qu'elle a affecté, sur plusieurs semaines, sept personnes à l'élaboration du projet de marché ; qu'il sera fait, en l'état des éléments qu'elle a produits, et déduction faite de l'indemnité de 50 000 francs déjà perçue sur le fondement de l'article 5 du règlement de consultation, une juste appréciation des circonstances de l'espèce en fixant à 42 000 euros le montant de l'indemnité qui lui est due à ce titre ; que la SOCIETE ARCHE est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a, dans cette mesure, rejeté ses conclusions indemnitaires ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Considérant que la SOCIETE TELINDUS a droit aux intérêts sur le montant de l'indemnité qui lui est due, non à compter du 20 février 2001, comme elle le réclame, dès lors qu'elle ne justifie pas que sa réclamation préalable a été reçue à cette date par la région, mais du 23 février 2001, date d'enregistrement de sa demande devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Considérant que la SOCIETE TELINDUS est également fondée à demander que ces intérêts portent eux-même intérêts et que cette capitalisation doit être fixée à la date du 23 février 2002, dès lors qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. »;

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de la région Rhône-Alpes, qui est dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la SOCIETE TELINDUS d'une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions précitées et de rejeter les conclusions présentées au même titre contre ladite société ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0100846 du 6 juin 2002 du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La décision de la commission d'appel d'offres en date du 15 novembre 2000 est annulée .

Article 3 : La région Rhône-Alpes est condamnée à verser à la SOCIETE TELINDUS, venant aux droits de la SOCIETE ARCHE, une somme de 42000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 février 2001, capitalisés au 23 février 2002 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 4 : La région Rhône-Alpes versera à la SOCIETE TELINDUS une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE TELINDUS et de la région Rhône-Alpes est rejeté.

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N° 02LY01536


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 02LY01536
Date de la décision : 12/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GRABARSKY
Rapporteur ?: M. Eric KOLBERT
Rapporteur public ?: M. BESLE
Avocat(s) : LEROY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-07-12;02ly01536 ?
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