Vu la requête, enregistrée le 30 décembre 2002, présentée pour Mme Martine X, domiciliée ..., par Me Sadurni ;
Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9903864-9904007 du 6 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 juillet 1999 du directeur des Hospices civils de Lyon qui a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont elle est atteinte et à ce que les Hospices civils de Lyon soient condamnés à lui réparer les préjudices subis ;
2°) de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser la somme de 304 898,03 euros en réparation du préjudice subi du fait de la décision du 16 juillet 1999 et une somme de 6 117 053 francs en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait d'un retard de diagnostic et de traitement de sa maladie ;
3°) de condamner les Hospices civils de Lyon au paiement des frais d'expertise ;
4°) à titre subsidiaire ordonner une nouvelle expertise par un collège d'experts ;
5°) de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser la somme de 3 048,98 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 9 janvier 1986 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2007 :
- le rapport de Mme Marginean-Faure, premier conseiller ;
- les observations de Me Demailly, avocat des Hospices civils de Lyon ;
- et les conclusions de M. d'Hervé, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme X, infirmière titulaire, a été vaccinée contre l'hépatite B, dans le cadre des obligations afférentes à son activité professionnelle par trois injections effectuées entre 1993 et 1994 ; que si le diagnostic d'un syndrome de Gougerot Sjögren a été tout d'abord retenu, le diagnostic de sclérose en plaques a été finalement posé en mai 1997 ; que par une décision en date du 16 juillet 1999, le directeur des Hospices civils de Lyon a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme X et a également rejeté la mise en cause de la responsabilité des Hospices civils de Lyon sur le terrain de la faute dans les soins donnés à l'intéressée à l'hôpital Edouard Herriot ;; que par jugement en date du 6 novembre 2002, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme X tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation des Hospices civils de Lyon à lui réparer les préjudices subis ; que Mme X relève appel de ce jugement ;
Sur l'imputabilité au service de l'affection dont est atteinte Mme X :
En ce qui concerne la légalité de la décision du 16 juillet 1999 :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 : « Le fonctionnaire en activité a droit … 2° A des congés de maladie … Toutefois, si la maladie provient … d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite » ; qu'aux termes de l'article 80 de la même loi : « Les établissements mentionnés à l'article 2 ci-dessus sont tenus d'allouer aux fonctionnaires qui ont été atteints d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 pour 100 ou d'une maladie professionnelle, une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec leur traitement dans les mêmes conditions que les fonctionnaires de l'Etat. Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par voie réglementaire » ; qu'aux termes de l'article R. 417-11 du code des communes : « La réalité des infirmités invoquées par l'agent, leur imputabilité au service, les conséquences ainsi que le taux d'invalidité qu'elles entraînent sont appréciés par la commission départementale de réforme prévue par le régime des retraites des agents des collectivités locales. Le pouvoir de décision appartient, sous réserve de l'avis conforme de la caisse des dépôts et consignations, à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination » ;
Considérant que si l'expert dans son rapport déposé le 15 janvier 1999 exclut l'existence d'un lien de causalité eu égard au long délai entre la dernière vaccination et l'apparition des premiers signes neurologiques, il résulte de l'instruction et notamment de l'avis de la commission amiable des accidents vaccinaux rendu le 29 octobre 2001 suite à un deuxième examen du dossier de Mme X, dans le cadre de la procédure d'instruction mise en oeuvre pour l'application des dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, que la vaccination contre l'hépatite B pouvait être regardée comme un facteur aggravant de l'état de santé de Mme X compte tenu d'un terrain personnel prédisposant ; que cet avis est également partagé par le professeur Longy-Boursier qui dans un avis du 19 octobre 2000 relève l'état antérieur de l'intéressée et la nécessité d'un réexamen si le diagnostic de sclérose en plaques était confirmé ; que, dans ces conditions, la vaccination subie par Mme X a constitué en raison du terrain génétique prédisposant de l'intéressée un facteur déclenchant de sa maladie ; qu'il y a lieu, dès lors, de regarder comme établie l'existence d'un lien de cause à effet entre la vaccination contre l'hépatite B et la sclérose en plaques dont souffre Mme X ; que, par suite, Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 juillet 1999 par laquelle le directeur des Hospices civils de Lyon a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont elle est atteinte ;
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
Considérant que l'annulation par le présent arrêt de la décision de refus du directeur des Hospices civils de Lyon de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont est atteinte Mme X oblige l'administration dans le cadre des dispositions de la loi du 9 janvier 1986 susvisée à réparer l'atteinte subie par celle-ci dans son intégrité physique ; que l'application de ces dispositions ne fait pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui a enduré du fait de la maladie des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne également de la collectivité qui l'emploie même en l'absence de faute de celle-ci une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ; que toutefois, en l'espèce, Mme X qui, dans le cadre de cette demande, sollicite le versement d'une somme globale de 304 898,03 euros, ne justifie d'aucun préjudice autre que ceux qui seront automatiquement réparés du seul fait de l'annulation ci-dessus prononcée et dont elle pourrait demander réparation ;
Sur la responsabilité du service public hospitalier :
Considérant en premier lieu qu'il résulte de l'instruction que d'une part Mme X a fait l'objet de nombreux examens et investigations en rapport avec son état ; que, d'autre part, compte tenu de la symptomatologie très progressive et extrêmement complexe présentée par Mme X, qui ne s'est traduite par des signes neurologiques caractéristiques qu'à partir d'avril 1997, la circonstance que la pathologie de sclérose en plaques n'ait été posée qu'en mai 1997 ne saurait, dans les circonstances de l'espèce, caractériser soit une erreur fautive de diagnostic soit un retard dans l'intervention du traitement ;
Considérant en deuxième lieu que s'agissant d'une vaccination obligatoire, Mme X qui ne pouvait s'y soustraire, ne peut utilement faire valoir qu'elle n'a pas été informée du risque de sclérose en plaques consécutif à la vaccination contre l'hépatite B ;
Considérant en dernier lieu que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ; que la vaccination contre l'hépatite B dont a bénéficié Mme X ne constitue pas un acte médical de traitement ou de diagnostic ; que, par suite, Mme X n'est pas fondée à invoquer la responsabilité sans faute des Hospices civils de Lyon ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre les frais d'expertise à la charge des Hospices civils de Lyon ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;
Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés par Mme X et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 6 novembre 2002 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme X tendant à l'annulation de la décision du 16 juillet 1999 du directeur des Hospices civils de Lyon.
Article 2 : La décision du 16 juillet 1999 du directeur des Hospices civils de Lyon est annulée en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont est atteinte Mme X.
Article 3 : Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge des Hospices civils de Lyon.
Article 4 : Les Hospices civils de Lyon verseront à Mme X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus de la requête de Mme X est rejeté.
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N° 02LY02415