Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 13 juillet 2006, présentée pour M. Rabah X, domicilié ..., par Me Deschamps, avocat au barreau de Grenoble ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0602744 en date du 15 juin 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 1er juin 2006, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;
2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
……………………………………………………………………………………………
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2007 :
- le rapport de M. Fontanelle, président ;
- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision du préfet de l'Isère du 13 avril 2005 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 1er juin 2006, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant que par arrêté du 27 mars 2006, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère du mois de mars 2006, M. Dominique Blais, secrétaire général de la préfecture de l'Isère, a reçu régulièrement délégation de signature du préfet de l'Isère pour signer notamment les décisions de reconduite à la frontière ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la mesure d'éloignement doit donc être écarté ;
En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour du 13 avril 2005 et du rejet du recours gracieux formulé à l'encontre de ce refus de séjour :
Considérant que par arrêté du 23 novembre 2004, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère, M. Dominique Blais, secrétaire général de la préfecture de l'Isère, a reçu régulièrement délégation de signature du préfet de l'Isère pour signer notamment les décisions de refus de titre de séjour ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire du refus de séjour du 13 avril 2005 doit donc être écarté ;
Considérant que par arrêté du 27 mars 2006, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère, Mme Marie Borne, chef du bureau des étrangers à la préfecture de l'Isère, a reçu régulièrement délégation de signature du préfet de l'Isère pour signer notamment les rejets de recours gracieux ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision de rejet du recours gracieux doit donc être écarté ;
Considérant que si la décision de rejet de recours gracieux, qui a été prise après avis du médecin inspecteur de santé publique du 6 mars 2006 et qui a été notifiée à M. X le 6 avril 2006, est, à tort, datée du 3 mars 2006 au lieu du 3 avril 2006, cette erreur matérielle, qui n'emporte aucune conséquence juridique au détriment de M. X, n'est, par suite, pas de nature à faire regarder cette décision comme illégale ;
Considérant que tant le refus de séjour du 13 avril 2005 que le rejet du recours gracieux formulé à l'encontre de cette décision, qui ont été pris après examen préalable de la situation particulière de l'intéressé, sont suffisamment motivés et que les avis du médecin inspecteur de santé publique du 15 novembre 2004 et du 6 mars 2006, sur lesquels se fondent ces décisions, répondent aux conditions fixées à l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » et qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : « (…) Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : (…) 5) Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories (…) qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (…) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l 'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d' un traitement approprié dans son pays. (…) » ;
Considérant que si M. X soutient que le refus de séjour du 13 avril 2005 et la décision rejetant le recours gracieux déposé à l'encontre de ce dernier méconnaîtraient les stipulations précitées du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et seraient entachés d'erreur manifeste d'appréciation eu égard à son intégration dans la société française, il n'apporte, à l'appui de ces moyens, aucun élément de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué ; qu'il y a donc lieu, par adoption des motifs du premier juge, de rejeter ces moyens ;
Considérant que M. X n'apporte pas la preuve, par les pièces médicales qu'il produit, que ses problèmes physiques liés aux accidents survenus au cours de l'année 2004 nécessiteraient une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni qu'il ne pourrait bénéficier, en Algérie, d'un traitement médical approprié ; que s'il démontre que les troubles psychiatriques dont il souffre nécessitent une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'affection psychiatrique dont il est atteint serait insusceptible de faire l'objet d'un traitement approprié en Algérie ; que, notamment, s'il expose que des médicaments qui lui sont administrés en France ne sont pas commercialisés en Algérie, il n'établit pas qu'il ne pourrait disposer dans ce pays d'un accès effectif à des médicaments équivalents à ceux qui lui sont prescrits et à des personnels spécialisés et des structures sanitaires aptes à lui prodiguer les soins que requiert son état de santé et, par suite, bénéficier, en Algérie, de soins adaptés aux maux dont il souffre ; que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent donc être écartés ;
Considérant que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés ; que le requérant ne peut donc utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant, que si l'arrêté du 1er juin 2006 est entaché d'une erreur de fait en ce qu'il est mentionne que la mère de M. X est domiciliée en Algérie, alors qu'elle est décédée le 30 juillet 2003, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas commis cette erreur de fait, laquelle est, dès lors, sans incidence sur la légalité de la mesure d'éloignement contestée ;
Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-avant dans le cadre de l'examen de l'exception d'illégalité du refus de séjour opposé à l'intéressé le 13 avril 2005 et du rejet du recours gracieux déposé à l'encontre de ce dernier, l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. X ne méconnaît, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 5° et du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien sus-visé et n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant que le moyen tiré des risques encourus dans le pays d'origine est inopérant à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière qui ne fixe pas le pays de destination ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
Considérant que par arrêté du 27 mars 2006, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère, M. Dominique Blais, secrétaire général de la préfecture de l'Isère, a reçu régulièrement délégation de signature du préfet de l'Isère pour signer notamment les décisions fixant le pays de destination des reconduites à la frontière ; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence du signataire de ladite décision ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;
Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;
Considérant que si M. X soutient qu'il a été victime de menaces, d'actes de violence et de racket de la part de groupes islamiques armés en 1997, soit près de quatre ans avant son arrivée sur le territoire français, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour en Algérie ; que les moyens tirés de la méconnaissance, par la décision fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée cette décision doivent donc être écartés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
1
2
N° 06LY01512