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22/03/2007 | FRANCE | N°06LY01229

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 22 mars 2007, 06LY01229


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 9 juin 2006, présenté par le PREFET DE L'ISERE ;

Le PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602047 en date du 11 mai 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé, d'une part, son arrêté du 11 avril 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Tahar X et, d'autre part, sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destin

ation de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 9 juin 2006, présenté par le PREFET DE L'ISERE ;

Le PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602047 en date du 11 mai 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé, d'une part, son arrêté du 11 avril 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Tahar X et, d'autre part, sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;
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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 Juin 1946 modifié par le décret n° 99-352 du 5 mai 1999, réglementant les conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2007 :

- le rapport de Mme Lorant, présidente ;

- et les conclusions de M. d'Hervé, commissaire du gouvernement ;


Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 9 janvier 2006, de la décision du PREFET DE L'ISERE du 4 janvier 2006 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 11 avril 2006, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le PREFET DE L'ISERE, le 11 avril 2006, à l'encontre de M. X, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a jugé que cette mesure d'éloignement était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, en raison de la volonté particulière et durable d'intégration de l'intéressé, qui séjourne depuis près de six ans en France, pays dont il maîtrise la langue, où il a noué de nombreux et réels liens personnels, où il bénéfice de promesses d'embauche correspondant à sa qualification et où son père vit régulièrement depuis plus de quarante ans et où son frère est également présent ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. X, qui est célibataire et sans enfant, a conservé des attaches familiales en Algérie où résident notamment sa mère ainsi que sa soeur et l'un de ses frères et où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de trente ans et que s'il n'est pas contesté que son père vit en France depuis plus de quarante ans, la présence sur le territoire français de son frère Rabah n'est pas régulière ; qu'ainsi, nonobstant la volonté d'intégration dont l'intéressé a pu faire preuve au cours de ses six années de séjour en France, la mesure d'éloignement prise à son encontre n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation et le PREFET DE L'ISERE est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté litigieux ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X, tant devant le Tribunal administratif de Grenoble que devant la Cour ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par M. X ;

Considérant que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de délivrer à M. X un certificat de résidence avait déjà été soulevé devant les premiers juges et qu'à l'appui de ce moyen, l'intéressé invoquait un vice de procédure tiré du défaut de consultation de la commission de séjour ; que par suite le moyen tiré du caractère irrégulier de l'avis du médecin inspecteur tendant à démontrer l'illégalité du refus de titre ne présente pas le caractère d'un moyen nouveau en appel ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco ;algérien modifié : « (…) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (…) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (…) » ; qu'aux termes de l'article 7 ;5, dans sa rédaction alors en vigueur, introduit dans le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 par le décret n° 99-352 du 5 mai 1999 : « Pour l'application du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 (…), le préfet délivre la carte de séjour temporaire, au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé. (…) Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'intégration, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur (…) » ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999, pris pour l'application de ces dispositions : « (…) le médecin inspecteur de santé publique (…) émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; / - et la durée prévisible du traitement. / Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi (…) » et qu'aux termes de l'article R. 4127-76 du code de la santé publique : « Tout certificat, ordonnance, attestation ou document délivré par un médecin doit (…) permettre l'identification du praticien dont il émane et être signé par lui (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 4 janvier 2006 du PREFET DE L'ISERE rejetant la demande de certificat de résidence que M. X avait déposée au titre du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien a été prise au vu de l'avis du médecin inspecteur de santé publique du 29 novembre 2005 qui indiquait que si l'état de santé de M. X nécessitait une prise en charge médicale et si le défaut d'une telle prise en charge pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pouvait en bénéficier dans son pays d'origine ; qu'à la suite du recours gracieux formé par l'intéressé, le PREFET DE L'ISERE a saisi à nouveau le médecin inspecteur de santé publique qui, le 14 février 2006, a confirmé son premier avis ; que le PREFET DE L'ISERE a rejeté, par décision du 7 mars 2006, le recours gracieux ainsi déposé ; que les copies de ces deux avis médicaux en cause, qui comportent une signature illisible, ne mentionnent pas les nom et prénom de leur auteur ; qu'il n'est allégué par le PREFET DE L'ISERE aucune circonstance qui aurait permis, en l'espèce, d'identifier l'auteur ou les auteurs de ces avis, lesquels sont, dès lors, et tels qu'ils figurent au dossier, irréguliers au regard des dispositions précitées de l'article R. 4127-76 du code de la santé publique ; que la décision du 4 janvier 2006, qui a été prise au vu d'un avis irrégulier du médecin inspecteur de santé publique, est elle-même entachée d'irrégularité et que l'arrêté de reconduite à la frontière du 11 avril 2006, qui a été pris sur le fondement de ce refus de séjour illégal, est, par suite, entaché d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'ISERE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 11 avril 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ainsi que, par voie de conséquence, sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. X :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » et qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas. » ;

Considérant que dans son article 2, le jugement attaqué du Tribunal administratif de Grenoble a enjoint au PREFET DE L'ISERE de réexaminer la situation de M. X dans le délai d'un mois suivant la notification dudit jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ; qu'ainsi les conclusions de M. X, présentées par la voie de l'appel incident, tendant à ce qu'une telle injonction soit prononcée sont dépourvues d'objet et, par suite, irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :
Considérant que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Coutaz, avocat de M. X, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 820 euros au profit de Me Coutaz, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :


Article 1er : Le recours du PREFET DE L'ISERE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 820 euros à Me Coutaz, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de l'appel incident de M. X est rejeté.
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N° 06LY01229


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 06LY01229
Date de la décision : 22/03/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nicole LORANT
Rapporteur public ?: M. D'HERVE
Avocat(s) : COUTAZ CLAUDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-03-22;06ly01229 ?
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