Vu la requête, enregistrée le 13 avril 2005, présentée pour la SCEA MORET-MELOUX, dont le siège est «Les Brandons» à Treban (03240), par la SELARL d'avocats Rivière-Beaugyn, avocats au barreau de Moulins ;
Elle demande à la Cour :
1°) L'annulation du jugement n° 0301070 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 3 février 2005 qui a rejeté sa demande tendant à l'indemniser des préjudices consécutifs à l'abattage de son cheptel d'ovins ;
2°) Condamner l'Etat à lui verser une somme de 86 170,91 euros en réparation du préjudice exposé, incluant une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre intérêts de droits capitalisés à compter de son recours préalable ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu l'arrêté du 15 mars 2002 fixant les mesures de police sanitaire relatives à la tremblante ovine et caprine ;
Vu l'arrêté du 15 mars 2002 fixant les mesures financières relatives à la police sanitaire de la tremblante ovine et caprine ;
Vu l'arrêté du 30 mars 2001 fixant les modalités de l'estimation des animaux abattus sur ordre de l'administration ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er février 2007 :
- le rapport de M. Picard, premier-conseiller ;
- les observations de Me Beaugy, avocat de la SCEA MORET-MELOUX ;
- et les conclusions de M. Besson, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par un arrêté du 22 mars 2002, le préfet de l'Allier a mis sous surveillance sanitaire l'exploitation de la SCEA MORET MELOUX suspectée d'héberger des animaux atteints de tremblante ; que par un arrêté du 9 avril 2002, le préfet a déclaré l'exploitation infectée par la tremblante, prévoyant notamment le marquage et l'abattage des ovins considérés comme sensibles ou très sensibles à la tremblante, soit 819 animaux, auxquels doivent être ajoutés 403 animaux moyennement résistants que l'Etat a accepté d'indemniser, soit un total de 1 222 animaux sur les 1 434 que compte l'exploitation ; que l'expertise réalisée le 11 juillet 2002 a estimé le montant de la valeur de remplacement des ovins à 321 410,92 euros ; que l'abattage des animaux, prévu le 28 juillet 2002 n'a finalement eu lieu qu'entre le 16 décembre 2002 et le 3 février 2003 ; que, sur avis conforme de la direction générale de l'alimentation, le préfet, par un arrêté du 28 janvier 2003, a fixé le montant de l'indemnisation versée à la SCEA MORET MELOUX à la somme de 265 314 euros ; qu'à la suite du rejet par le préfet de sa demande préalable du 18 mars 2003, la société requérante a saisi le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande de condamnation de l'Etat au versement de sommes de 56 096,92 euros correspondant à la différence entre le montant alloué et le montant estimé par les experts, de 45 082 euros couvrant les frais de maintien du troupeau en attendant son abattage, de 8 000 euros en réparation de son préjudice moral et, à titre subsidiaire, de 25 008 euros au titre du montant majoré à 245 euros ; que, par un jugement du 3 février 2005, le Tribunal a rejeté sa demande ;
Considérant d'une part qu'aux termes de l'article L. 221-1 du code rural : « Suivant les modalités prévues par un arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'économie et des finances, le ministre chargé de l'agriculture peut prendre toutes mesures destinées à prévenir l'apparition, à enrayer le développement et à poursuivre l'extinction des maladies des animaux réputées contagieuses, en vertu du présent titre(…) » ; qu'aux termes de l'article L. 221-2 du même code : « Des arrêtés conjoints du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'économie et des finances fixent les conditions d'indemnisation des propriétaires dont les animaux ont été abattus sur l'ordre de l'administration, ainsi que les conditions de la participation financière éventuelle de l'Etat aux autres frais obligatoirement entraînés par l'élimination des animaux(…)» ; qu'aux termes de l'article 8 de l'arrêté susvisé du 15 mars 2002 alors en vigueur « I. - Lorsque la suspicion de tremblante est confirmée par le résultat d'un des examens prévus à l'article 3, le préfet prend, sur proposition du directeur départemental des services vétérinaires, un arrêté portant déclaration d'infection (APDI) des exploitations identifiées à risque mentionnées à l'article 6. L'arrêté préfectoral portant déclaration d'infection entraîne l'application des mesures suivantes : 1° Euthanasie sans délai, sur instruction du directeur départemental des services vétérinaires, de tous les animaux de l'exploitation présentant des signes cliniques de tremblante et destruction de leurs cadavres par le service public d'équarrissage ; 2° Isolement et marquage de tous les caprins de l'exploitation dans un cheptel mixte ou caprin ; 3° Prélèvement et génotypage du gène PrP de l'ensemble des ovins de l'exploitation ; 4° Isolement et marquage, dans les conditions définies par instruction du ministre chargé de l'agriculture, des ovins de l'exploitation appartenant aux catégories considérées comme génétiquement sensibles et très sensibles à la tremblante selon l'annexe du présent arrêté ; 5° Interdiction d'introduire de nouveaux animaux dans l'exploitation, à l'exception du cas prévu au II ci-dessous ; 6° Interdiction de sortir de l'exploitation des animaux sauf à destination directe d'un établissement d'études et de recherches sur autorisation du directeur départemental des services vétérinaires sous couvert d'un laissez-passer ; 7° Euthanasie dans un délai d'un mois de tous les animaux marqués de l'exploitation et destruction de leurs cadavres par le service public d'équarrissage. Les femelles gestantes marquées devront être euthanasiées avant la mise bas(…)» ; qu'aux termes de l'article 11 de l'arrêté susvisé du 15 mars 2002 alors en vigueur : « L'Etat indemnise les propriétaires d'ovins ou caprins marqués et euthanasiés conformément aux dispositions de l'article 8 de l'arrêté du 15 mars 2002 susvisé sous réserve du respect par le propriétaire des mesures déterminées par l'arrêté préfectoral portant déclaration d'infection. L'indemnisation du propriétaire des animaux s'effectue dans les conditions définies par l'arrêté du 30 mars 2001 modifié fixant les modalités de l'estimation des animaux abattus sur ordre de l'administration » ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté susvisé du 30 mars 2001 dans sa rédaction issue de l'arrêté du 2 août 2002: « Lorsque : - un troupeau fait l'objet d'un abattage total ou partiel sur ordre de l'administration dans le cadre des dispositions prises pour l'application de l'article L. 221-1 du code rural … les animaux abattus … ci-dessus mentionnés faisant l'objet d'une indemnisation en application de l'article L. 221-2 du code rural sont estimés aux frais de l'administration par deux experts sur la base de la valeur de remplacement des animaux et de la valeur commerciale des denrées et des produits. La valeur de remplacement inclut la valeur marchande objective de chaque animal considéré et les frais directement liés au renouvellement du cheptel. Lorsqu'une valorisation en boucherie des animaux abattus est possible, le montant de cette valorisation est déduit du montant de l'estimation réalisée conformément au présent article » ; qu'aux termes de l'article 5 de cet arrêté dans sa version alors en vigueur : « Les modalités de réalisation de l'expertise sont définies par instruction du ministre chargé de l'agriculture. Lorsque le montant de l'expertise visée à l'article 4 est supérieur au montant de base tel que défini en annexe en moyenne par catégorie d'animaux des espèces visées, le rapport doit détailler les raisons de cette majoration, notamment au regard des caractéristiques et des performances du troupeau » ; qu'aux termes de l'article 6 de ce même arrêté dans sa rédaction alors applicable : « Le préfet arrête le montant définitif de l'indemnisation et le notifie au propriétaire des animaux, des denrées ou des produits. Si, à titre très exceptionnel, dans les cas définis par instruction du ministre chargé de l'agriculture, ce montant dépasse, pour les espèces visées, le montant majoré tel que défini en annexe en moyenne par catégorie d'animaux, le préfet arrête le montant définitif de l'indemnisation après avis conforme de la directrice générale de l'alimentation et au vu du rapport des experts et des justificatifs des éléments visés à l'article 5 » ;
Considérant d'autre part qu'aux termes de l'article L. 224-4 du code rural : « Les propriétaires ou détenteurs d'animaux soumis aux opérations de prophylaxie collective des maladies des animaux dirigées par l'Etat sont tenus de faire assurer l'exécution de ces opérations, y compris l'abattage. En cas de carence ou de refus, ces opérations peuvent être exécutées d'office aux frais des intéressés par l'autorité administrative » ; qu'aux termes de l'article 10 de l'arrêté susvisé du 15 mars 2002 alors en vigueur fixant les mesures de police sanitaire relatives à la tremblante ovine : « Il incombe aux propriétaires ou à leurs représentants détenteurs des animaux de prendre sous leur responsabilité toutes dispositions nécessaires pour aider à la réalisation des mesures prescrites par le présent arrêté, notamment en assurant la contention de leurs animaux, ainsi que leur recensement et leur identification » ;
Sur le montant de l'indemnisation versée au titre de l'article L. 221-2 du code rural :
Considérant que, à la date d'intervention de l'arrêté du 28 janvier 2003 par lequel le préfet a fixé le montant de l'indemnisation versée à la SCEA MORET-MELOUX, le régime d'indemnisation prévu par l'arrêté du 30 mars 2001, tel qu'il a été modifié par un arrêté du 8 août 2002, entré en vigueur le 14 septembre 2002, pour prendre en compte les ovins était applicable ; que, par suite, alors même qu'à la date d'intervention de l'arrêté du 9 avril 2002 portant déclaration d'infection de l'exploitation, l'arrêté ainsi modifié du 30 mars 2001 n'était pas encore en vigueur, la société requérante ne saurait utilement se plaindre de ce que l'administration n'aurait pas retenu à titre d'indemnisation le seul montant figurant dans l'expertise ; qu'au demeurant, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait générateur de l'indemnisation est constitué par l'abattage effectif des animaux ;
Considérant que, en application de l'arrêté du 30 mars 2001, lorsque le montant de l'indemnisation proposé par les experts dépasse le montant majoré tel qu'il est défini en annexe, le préfet arrête le montant définitif de l'indemnisation après avis conforme du directeur général de l'alimentation ; que la somme de 321 410,92 euros proposée en l'espèce pour indemniser la société requérante excédait les montants majorés visés en annexe audit arrêté ; qu'ainsi, et alors même qu'il n'aurait pas contesté les conclusions des experts, le préfet était tenu d'arrêter le montant définitif de l'indemnisation à la somme de 265 314 euros fixée par le directeur général de l'alimentation ; que, d'ailleurs, l'administration a fourni des indications précises sur les justifications et sur les modalités de calcul de cette indemnité, fondées sur une valeur de remplacement établie à partir de taux majorés par application d'une grille établie avec la participation de la profession agricole et des Unités Nationales de Sélection et de Promotion de Race (UPRA) des races ovines et prenant en considération les caractéristiques zootechniques des animaux abattus ; qu'elles ne sont pas sérieusement contredites par la société requérante ; que, par suite, celle-ci n'est pas fondée à se plaindre de ce que le préfet n'a pas arrêté le montant de son indemnité à la somme proposée par les experts ;
Sur l'indemnité réclamée en réparation du préjudice résultant de la nécessité d'assurer l'entretien du troupeau :
Considérant qu'il résulte des dispositions ci-dessus, et notamment des prescriptions de l'article L. 224-4 du code rural et de l'article 10 de l'arrêté du 15 mars 2002, que l'abattage des animaux incombe à l'exploitant indépendamment de toute décision prise par l'administration pour l'indemnisation des frais résultant d'une telle mesure ; que si la décision d'abattre les animaux, qui a été arrêtée le 9 avril 2002, a été mise en oeuvre à compter du 16 décembre 2002, soit au delà du délai d'un mois fixé par le 7° du paragraphe I de l'article 8 précité de l'arrêté du 15 mars 2002, il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante, bien que faisant valoir qu'elle était favorable à l'abattage de ses animaux même en l'absence d'indication précise sur les conditions de son indemnisation, aurait cherché à faire assurer l'exécution de cet abattage ni que l'administration s'y serait opposée alors même que cette dernière avait indiqué, en juillet 2002, qu'elle diffèrerait le paiement de l'indemnité d'abattage en l'absence, dans l'annexe à l'arrêté du 30 mars 2001, d'une grille concernant les ovins ; que la SCEA MORET-MELOUX n'est dès lors pas fondée à prétendre que le retard pris à abattre les animaux résulterait d'une carence fautive de l'administration engageant la responsabilité de l'Etat à son égard ;
Sur l'indemnité réclamée en réparation du préjudice moral :
Considérant que la SCEA MORET-MELOUX n'est pas fondée à se prévaloir d'un préjudice moral dont l'indemnisation n'est pas prévue par les dispositions précitées de l'article L. 221-2 du code rural et de l'arrêté du 30 mars 2002 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCEA MORET-MELOUX n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal a rejeté sa demande ;
Sur les frais irrépetibles :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la SCEA MORET-MELOUX demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCEA MORET-MELOUX est rejetée.
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N° 05LY00573