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08/02/2007 | FRANCE | N°06LY00850

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 5ème chambre, 08 février 2007, 06LY00850


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 26 avril 2006, présenté par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601584-0601586 en date du 14 avril 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses arrêtés du 17 mars 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Milomir X et Mme Lidija X ainsi que ses décisions distinctes du même jour fixant le pays dont les intéressés ont la nation

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Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 26 avril 2006, présenté par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601584-0601586 en date du 14 avril 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses arrêtés du 17 mars 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Milomir X et Mme Lidija X ainsi que ses décisions distinctes du même jour fixant le pays dont les intéressés ont la nationalité comme destination des reconduites et lui a enjoint de délivrer aux intéressés une autorisation provisoire de séjour ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. Milomir X et Mme Lidija X devant le Tribunal administratif de Grenoble ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2007 :

- le rapport de M. Bernault, président ;

- les observations de Me Dubray, pour M. et Mme X ;

- et les conclusions de M. Raisson, commissaire du gouvernement ;


Sur la régularité du jugement attaqué :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen tiré de la régularité du jugement attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-12 du code de justice administrative, « Jusqu'au moment où l'affaire est appelée, les parties peuvent présenter des conclusions ou observations écrites. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que M. Milomir X et Mme Lidija X ont transmis au Tribunal administratif de Grenoble, par télécopies reçues au greffe respectivement le 13 avril 2006 à 00 h 56 et le 14 avril 2006 à 1 h 21, des mémoires complémentaires dans lesquels ils exposaient les moyens qu'ils entendaient soulever dans le cadre des demandes tendant à l'annulation des mesures d'éloignements litigieuses qu'ils avaient présentées le 12 avril 2006 ; que ces mémoires complémentaires n'ont été communiqués, par télécopie, au PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE, que le 14 avril 2006 à 11 h 59 et 12 h 04 ; que dès lors que ces mémoires complémentaires, qui contenaient des éléments nouveaux, avaient été produits par les demandeurs avant que leur affaire soit appelée à l'audience devant le Tribunal administratif de Grenoble, qui s'est tenue le 14 avril 2006 à partir de 9 h 30 et que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE, qui n'était pas présent ni représenté à cette audience, n'avait pas été mis à même d'en prendre connaissance avant l'audience, il appartenait au premier juge, qui a fondé sa décision sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont seraient entachées les mesures d'éloignement en litige, qu'il n'avait pas à relever d'office et dont il ressort des pièces des dossiers et notamment des visas du jugement attaqué, qu'il n'a pas été soulevé par les demandeurs oralement à l'audience mais qu'il était énoncé dans ces seuls mémoires complémentaires, de soumettre ce moyen au débat contradictoire en renvoyant l'affaire à une audience ultérieure ; qu'en l'absence d'un tel renvoi, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu et à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement, tant sur les demandes présentées par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Grenoble que sur le surplus de leurs conclusions présentées devant la Cour ;


Sur la légalité des arrêtés de reconduite à la frontière contestés :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme X, de nationalité serbe, se sont maintenus sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 25 janvier 2006, des décisions du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE du 24 janvier 2006 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et les invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date des arrêtés contestés, le 17 mars 2006, ils étaient dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que par arrêté du 3 février 2006, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Savoie, M. Dominique Fétrot, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Savoie, a reçu régulièrement délégation de signature du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de ces mesures d'éloignement doit, par suite, être écarté ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les arrêtés du 17 mars 2006, par lesquels le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE a décidé la reconduite à la frontière de M. et Mme X, qui énoncent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et qui n'ont pas à préciser en quoi la situation particulière des intéressés ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de cette procédure, sont ainsi suffisamment motivés, alors même qu'ils ne mentionnent pas que les parents de M. X résident en France ;


En ce qui concerne l'exception d'illégalité des refus de séjour :

Considérant que par arrêté du 25 novembre 2005, publié le 30 novembre 2005 au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Savoie, M. Jean-Claude Bellour, sous-préfet de Bonneville, a reçu régulièrement délégation de signature du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE pour signer notamment les décisions de refus de titre de séjour, dans le cadre de ses fonctions de secrétaire-général de la préfecture de la Haute-Savoie par intérim ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions de refus de séjour du 24 janvier 2006 doit, par suite, être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : « La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (…) » et qu'aux termes de l'article L. 313-11 dudit code : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 7°) A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories (…) qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d' autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus » ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;

Considérant que M. et Mme X, qui sont entrés en France à l'âge de trente-cinq ans, un an et demi seulement avant la date des décisions litigieuses et qui n'établissent pas être dépourvus d'attaches familiales en Serbie et Monténégro, ne remplissent pas les conditions fixées à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment celles fixées au 7° de cet article ; que le moyen tiré de ce que les décisions du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE du 24 janvier 2006 seraient irrégulières faute d'avoir été précédées de la consultation de la commission du titre de séjour doit donc être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, les refus de séjour qui ont été opposés à M. et Mme X le 24 janvier 2006, après que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ait procédé à l'examen préalable de la situation personnelle des intéressés au regard tant de leur vie privée que familiale, n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas davantage entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que si la décision du 24 janvier 2006 par laquelle le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE a refusé de délivrer un titre de séjour à M. X, qui n'avait pas à citer l'ensemble des membres de la famille de M. X présents sur le territoire français et qui indique, sans que cette circonstance soit utilement démentie par l'intéressé, que M. X n'établit pas être démuni de famille proche dans son pays d'origine, mentionne à tort que les parents de ce dernier sont titulaires d'une carte de séjour temporaire valable un an alors qu'ils sont munis d'une carte de résident valable dix ans et qu'ils sont bien intégrés en France, il ressort des pièces du dossier qu'en appréciant la situation familiale et privée de l'intéressé, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE aurait pris la même décision s'il n'avait pas commis cette erreur de fait, qui est, dès lors, sans incidence sur la légalité de la décision ;






En ce qui concerne les autres moyens :

Considérant que si les intéressés soutiennent que les membres de leur famille sont majoritairement installés en France, où notamment les parents de M. X, sa mère étant gravement malade, résident depuis plus de trente ans et sont parfaitement intégrés et que M. X bénéficie d'une promesse d'embauche, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme X sont entrés irrégulièrement en France moins de deux ans avant les mesures d'éloignement en litige et que rien ne fait obstacle à ce qu'ils repartent ensemble, accompagnés de leurs deux enfants mineurs âgés de onze et quatre ans, dans leur pays d'origine où ils ont tous deux vécus jusqu'à l'âge de trente-cinq ans, M. X ayant été élevé par ses grands-parents, où ils ne sont pas dépourvus de liens familiaux et où leurs enfants sont nés et pourront poursuivre leur scolarité ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour de M. et Mme X en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, les arrêtés de reconduite à la frontière en litige, qui ont été pris après que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ait procédé à l'examen préalable de la situation personnelle des intéressés au regard tant de leur vie privée que familiale, ne méconnaissent, dès lors, pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne sont pas davantage entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que le moyen tiré des risques encourus par les intéressés dans leur pays d'origine est inopérant à l'encontre des arrêtés de reconduite à la frontière, lesquels ne fixent pas le pays de destination des reconduites ;


Sur la légalité des décisions distinctes fixant le pays de destination :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les décisions du 17 mars 2006, par lesquelles le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE, après avoir procédé à l'examen préalable de la situation personnelle des intéressés, a désigné le pays de destination de la reconduite à la frontière de M. et Mme X, énoncent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et sont, par suite, suffisamment motivées ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que si les intéressés soutiennent que M. X aurait été victime de menaces et d'agressions en Serbie et Monténégro et qu'il aurait fait l'objet d'insultes en raison de ses opinions politiques, M. et Mme X, dont les demandes d'admission au statut de réfugié ont par ailleurs été rejetées, tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Commission des recours des réfugiés, n'établissent pas la réalité des menaces et risques auxquels ils seraient personnellement exposés en cas de retour dans leur pays d'origine ; que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent, par suite, qu'être écartés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à demander l'annulation, d'une part, des arrêtés du 17 mars 2006 par lesquels le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE a ordonné leur reconduite à la frontière et, d'autre part, des décisions distinctes du même jour désignant le pays de destination des reconduites ; que leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées, tant en première instance qu'en appel, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :


Article 1er : Le jugement n° 0601584-0601586 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble en date du 14 avril 2006 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Grenoble et le surplus des conclusions d'appel, sont rejetés.
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N° 06LY00850


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 06LY00850
Date de la décision : 08/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François BERNAULT
Rapporteur public ?: M. RAISSON
Avocat(s) : DUBRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-02-08;06ly00850 ?
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