Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2002, présentée pour la MANUFACTURE FRANCAISE DES PNEUMATIQUES MICHELIN, dont le siège est place des Carmes Déchaux à Clermont-Ferrand (63000), par la SCP. Vignancour-Dischamp, avocats ;
La MANUFACTURE FRANCAISE DES PNEUMATIQUES MICHELIN demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9901144 du 6 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 18 juin 1999 par laquelle le ministre de l'emploi et de la solidarité a confirmé la décision en date du 16 décembre 1998, par laquelle l'inspecteur du travail de la 3ème section du Puy-de-Dôme a fait droit à la demande de dérogation présentée par le syndicat C.G.T. Michelin portant sur le transfert d'un siège du collège des agents de maîtrise et des cadres au collège des agents, employés et techniciens au sein des comités d'hygiène et de sécurité désignés par les lettres C, D et F, ensemble cette décision ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 décembre 2006 :
- le rapport de Mlle Vinet, conseiller ;
- les observations de Me Pothier, de la SCP Vignancour-Dischamp, avocat de la MANUFACTURE FRANCAISE DES PNEUMATIQUES MICHELIN ;
- et les conclusions de M. Aebischer, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'en jugeant que l'inspecteur du travail avait légalement pu accorder une dérogation aux dispositions de l'article R. 236-1 du code du travail appliquées par l'accord du 19 octobre 1998, le tribunal administratif a nécessairement répondu au moyen tiré de ce que l'autorisation accordée par l'inspecteur du travail avait porté une atteinte illégale à un accord approuvé par la majorité des salariés ; que, par suite, le moyen tiré de l'omission de répondre à ce moyen, dont serait entaché le jugement attaqué, doit être écarté ;
Sur la légalité des décisions en litige :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 236-5 du code du travail : « Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail comprend le chef d'établissement ou son représentant et une délégation du personnel dont les membres sont désignés par un collège constitué par les membres élus du comité d'entreprise ou d'établissement et les délégués du personnel. Le chef d'établissement transmet à l'inspecteur du travail le procès-verbal de la réunion de ce collège./ La composition de cette délégation, compte tenu du nombre de salariés relevant de chaque comité, les autres conditions de désignation des représentants du personnel ainsi que la liste des personnes qui assistent avec voix consultative aux séances du comité, compte tenu des fonctions qu'elles exercent dans l'établissement, sont fixées par voie réglementaire (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 236-6 du même code : « Dans les établissements occupant habituellement cinq cents salariés et plus, le comité d'entreprise ou d'établissement détermine, en accord avec l'employeur, le nombre des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui doivent être constitués, eu égard à la nature, la fréquence et la gravité des risques, aux dimensions et à la répartition des locaux ou groupes de locaux, au nombre des travailleurs occupés dans ces locaux ou groupes de locaux ainsi qu'aux modes d'organisation du travail. (…) » ; qu'aux termes de l'article R. 236-1 : « (…) Dans les établissements occupant de 500 à 1 499 salariés, la délégation comprend 6 salariés dont 2 appartiennent au personnel de maîtrise ou des cadres. Dans les établissements occupant au moins 1 500 salariés, la délégation comprend 9 salariés, dont 3 appartiennent au personnel de maîtrise ou des cadres. L'inspecteur du travail peut autoriser des dérogations aux règles déterminant la répartition des sièges entre les représentants du personnel de maîtrise ou des cadres et ceux des autres catégories de personnel. » ;
Considérant que, par un accord approuvé le 19 octobre 1998, la MANUFACTURE FRANCAISE DES PNEUMATIQUES MICHELIN et son comité d'établissement ont défini, notamment, le nombre des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail au sein de l'établissement de Clermont-Ferrand, leur répartition et leur compétence géographique, ainsi que le nombre de représentants élus ; que, s'agissant de la répartition des sièges au sein de chacun de ces comités, entre représentants du personnel de maîtrise et des cadres et représentants des agents, employés et techniciens, les dispositions précitées de l'article R. 236-1 du code du travail ont été appliquées ; que, suite à cet accord, le syndicat C.G.T. Michelin a saisi l'inspecteur du travail d'une demande de dérogation portant sur le transfert d'un siège du collège des agents de maîtrise et des cadres au collège des agents, employés et techniciens au sein des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail désignés par les lettres C, D, E et F ; que, par décision du 16 décembre 1998, l'inspecteur du travail de la 3ème section du Puy-de-Dôme a fait droit à cette demande s'agissant des comités C, D et F et l'a rejetée s'agissant du comité E ; que, par une décision en date du 18 juin 1999, le ministre de l'emploi et de la solidarité, saisi d'un recours hiérarchique par le directeur de l'établissement de Clermont-Ferrand, a confirmé la décision de l'inspecteur du travail ; que la MANUFACTURE FRANCAISE DES PNEUMATIQUES MICHELIN conteste ces deux décisions en ce qu'elles accordent la dérogation sollicitée pour les comités C, D et F ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte rendu de la réunion extraordinaire du comité d'établissement en date du 19 octobre 1998 approuvant l'accord susmentionné, que le syndicat C.G.T. Michelin était partie à cet accord ; qu'en tant qu'organisme syndical représentant et défendant les intérêts d'une partie des salariés de l'entreprise Michelin, le syndicat C.G.T. Michelin pouvait saisir l'inspecteur du travail de la demande de dérogation litigieuse ;
Considérant, en deuxième lieu, que la décision par laquelle l'inspecteur du travail accorde ou refuse une autorisation de dérogation aux dispositions de l'article R. 236-1 du code du travail, sur le fondement de ces dispositions mêmes, n'a pas le caractère d'une décision individuelle ; que, par suite, la décision de l'inspecteur du travail en litige n'est pas au nombre des mesures individuelles qui doivent être motivées sur le fondement de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ; que cette obligation ne résulte d'aucun autre texte ni d'aucun principe ;
Considérant, en troisième lieu, que le comité d'entreprise et l'employeur n'ont, en vertu de l'article L. 236-6 précité du code du travail, compétence que pour déterminer le nombre de comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail par voie d'accord ; que si l'article L. 236-13 prévoit que des dispositions plus favorables que celles prévues par le code du travail s'agissant, notamment de la composition des comités, peuvent être adoptées, la répartition des sièges au sein de ces comités entre les différentes catégories de personnels, n'est pas susceptible de faire l'objet de dispositions qui pourraient être regardées comme plus favorables pour l'ensemble des salariés ; que s'agissant de cette répartition, prévue à l'article R. 236-1 précité du code du travail, le comité d'entreprise et l'employeur ne pouvaient que faire application des dispositions de cet article ou, en vertu de ces mêmes dispositions, saisir l'inspecteur du travail d'une demande de dérogation ; que, par suite, l'autorisation délivrée par l'inspecteur du travail n'a porté aucune atteinte illégale à l'accord du 19 octobre 1998 ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 236-2 du code du travail, les dispositions de l'article R. 236-1 précité sont applicables à chacun des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail créés dans les entreprises de plus de 500 salariés, conformément aux prescriptions de l'article L. 236-6 ; que la répartition des sièges entre les représentants des différentes catégories de personnels s'apprécie ainsi de façon autonome pour chaque comité ; qu'il s'ensuit que l'accord du 19 octobre 1998 n'était pas revêtu d'un caractère indivisible, de nature à faire obstacle aux décisions litigieuses, qui ne portent que sur certains comités ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées des articles L. 236-5, L. 236-6 et R. 236-1 du code du travail que les dérogations aux règles de répartition des représentants entre les catégories de personnel, qui ne sont pas fonction de leur poids respectif dans l'établissement, ne peuvent être fondées que sur des spécificités propres à l'établissement concerné telle qu'une proportion de personnel relativement beaucoup plus importante dans une catégorie que la proportion des sièges prévue par l'article R. 236-1 précité ; qu'il ressort des pièces du dossier que la proportion des personnels de maîtrise et des cadres était, dans les comités C, D et F, respectivement de 8,20 %, 6,55 % et 7,38 % alors que les dispositions de l'article R. 236-1 attribuent à cette catégorie de personnel un tiers des sièges au sein de chaque comité ; que la sur-représentation de ces personnels étant importante, l'inspecteur du travail pouvait accorder une dérogation à la répartition réglementaire appliquée par l'accord du 19 octobre 1998, afin que la répartition des sièges corresponde davantage à la situation de l'établissement ; qu'il ressort également des pièces du dossier que les décisions litigieuses n'ont eu ni pour objet ni pour effet de fixer une répartition strictement proportionnelle aux effectifs de chaque catégorie ;
Considérant, en dernier lieu, que la société requérante se prévaut de la circulaire n° 93 ;15 du 25 mars 1993 ; que, cependant, le passage qu'elle invoque de cette circulaire commente les dispositions du second alinéa de l'article L. 236-6 du code du travail, dont l'application est étrangère au présent litige ; que, s'agissant de la décision de l'inspecteur du travail intervenant dans l'hypothèse prévue au dernier alinéa de l'article R. 236-1, la circulaire ne fait pas, en tout état de cause, de la loi une interprétation différente de celle qui vient d'être faite ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la MANUFACTURE FRANCAISE DES PNEUMATIQUES MICHELIN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la MANUFACTURE FRANCAISE DES PNEUMATIQUES MICHELIN est rejetée.
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N° 02LY00456