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28/11/2006 | FRANCE | N°06LY00783

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 5, 28 novembre 2006, 06LY00783


Vu la requête, enregistrée le 18 avril 2006, présentée pour la COMMUNE DE VILLEURBANNE, par la société d'avocats Philippe Petit et associés, avocats au barreau de Lyon ;

La COMMUNE DE VILLEURBANNE demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0508714 du 24 mars 2006 par laquelle le président délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une provision de 993 759,63 euros à valoir sur l'indemnité qui lui est due en réparation du préjudice que lui a causé la mise en oeuvr

e des dispositions illégales du décret n° 99-973 du 25 novembre 1999 et du décret n...

Vu la requête, enregistrée le 18 avril 2006, présentée pour la COMMUNE DE VILLEURBANNE, par la société d'avocats Philippe Petit et associés, avocats au barreau de Lyon ;

La COMMUNE DE VILLEURBANNE demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0508714 du 24 mars 2006 par laquelle le président délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une provision de 993 759,63 euros à valoir sur l'indemnité qui lui est due en réparation du préjudice que lui a causé la mise en oeuvre des dispositions illégales du décret n° 99-973 du 25 novembre 1999 et du décret n° 2001-185 du 26 février 2001 par lesquels l'Etat a confié aux maires, en qualité d'agents de l'Etat, la gestion des cartes d'identité et des passeports ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser ladite somme ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 octobre 2006 :

- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller ;

- les observations de Me Baltassat, avocat de la COMMUNE DE VILLEURBANNE ;

- et les conclusions de M. Besle, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions indemnitaires de la requête :

En ce qui concerne le caractère non sérieusement contestable de la créance de l'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (…). » ; qu'aux termes de l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales : « Aucune dépense à la charge de l'Etat (…) ne peut être imposée directement ou indirectement aux collectivités territoriales qu'en vertu de la loi. » ;

Considérant, en premier lieu, que l'article 4 du décret n° 99-973 du 25 novembre 1999 et l'article 7 du décret n° 2001-185 du 26 février 2001, lequel a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, n'ont pu légalement transférer aux maires agissant en tant qu'agents de l'Etat la gestion des demandes de délivrance des cartes nationales d'identité, des passeports et la remise de ces documents aux pétitionnaires, dès lors que ces missions imposaient aux collectivités concernées de nouvelles dépenses ; que, contrairement à ce qu'a soutenu le ministre de l'intérieur en première instance, la rédaction des dispositions illégales n'ouvrait pas aux communes concernées d'option entre l'accueil des demandeurs en mairie et le maintien du dispositif antérieur de réception des demandeurs auprès des services de l'Etat, de telle sorte que les dépenses qui résulteraient de la mise en oeuvre de cette mesure de déconcentration puissent être regardées comme découlant du choix de chaque collectivité territoriale ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte ni de l'article L. 1611-1 ni des articles L. 2334-7 et suivants du code général des collectivités territoriales, qui définissent le régime de liquidation et d'actualisation de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation de solidarité urbaine, que de nouveaux critères de calcul de ces contributions forfaitaires de l'Etat auraient été introduits afin de compenser les charges induites pour les communes par la gestion matérielle des demandes de documents d'identité ; qu'en outre, la circonstance que la requérante, au lieu de créer des postes budgétaires afin de les pourvoir d'agents recrutés pour recueillir les demandes de documents d'identité, ait affecté des agents occupant des postes existants est sans incidence sur l'appréciation de la réalité des frais de personnels que la commune a, en tout état de cause, dû supporter pour remplir les missions que lui avait confiées l'Etat et qu'elle n'a pu, de ce fait, consacrer à d'autres tâches ;

Considérant, en troisième lieu, que si l'attribution aux maires agissant comme représentants de l'Etat de la gestion matérielle des demandes de documents d'identité n'a eu pour effet que de réorganiser la répartition des tâches entre agents de l'Etat et que, contrairement aux transferts de compétences, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'Etat de dégager au bénéfice des collectivités concernées les ressources correspondant aux charges que de tels réaménagements sont susceptibles d'entraîner, il n'en demeure pas moins que les mesures de déconcentration des décrets du 25 novembre 1999 et du 26 février 2001 ont imposé aux communes intéressées l'engagement de dépenses qu'elles n'auraient pas dû supporter au cours des années en litige, dès lors que le législateur n'avait pas pris de mesure de déconcentration en matière de traitement des demandes de pièces d'identité ; que, par suite et alors même que le législateur, s'il avait été saisi conformément aux exigences de l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales, aurait pu décider de confier sans contrepartie financière aux services communaux la réception des demandes et la remise des documents d'identité, le préjudice dont se prévaut la COMMUNE DE VILLEURBANNE, constitué de frais de fonctionnement supplémentaires, résulte directement de l'illégalité des décrets du 25 novembre 1999 et du 26 février 2001 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que pour rejeter la demande de provision de la COMMUNE DE VILLEURBANNE, le juge des référés, d'une part, a regardé l'augmentation des dotations forfaitaires qui ont été allouées à ladite collectivité entre 2001 et 2005 comme une compensation des dépenses induites par la gestion matérielle des demandes de documents d'identité et, d'autre part, a neutralisé les charges de personnels affectés à ces nouvelles tâches au seul motif qu'elles ne correspondaient pas à des créations de postes budgétaires ; qu'en l'absence d'autres contestations élevées en première instance par l'Etat sur le principe de sa responsabilité, il y a lieu d'annuler l'ordonnance attaquée et d'entrer en voie de condamnation ;

En ce qui concerne le montant de la provision :

Considérant que la COMMUNE DE VILLEURBANNE demande à être indemnisée des frais de personnels affectés du 1er janvier 2000 au mois de novembre 2005 au traitement de 36 329 demandes de passeports, soit 340 158,05 euros, alors que les statistiques dont se prévaut l'Etat démontrent qu'il n'a été traité que 30 133 demandes sur la commune de Villeurbanne ; que l'allégation de la commune selon laquelle la période prise en compte par le ministre de l'intérieur débuterait au 1er mars 2001 n'est appuyée d'aucune démonstration ; que, par suite, la créance de ladite collectivité doit être regardée comme non sérieusement contestable à hauteur de la quantité de prestations réellement exécutées pour le compte de l'Etat, soit 282 331,18 euros ; qu'il y a lieu, également d'indemniser la commune des frais de personnels affectés au cours de la même période à la réception de 62 661 demandes de cartes nationales d'identité et à la délivrance des documents correspondants, évalués à la somme non contestée de 611 812,79 euros ainsi que les frais de fournitures spécifiques d'un montant non contesté de 13 892,53 euros ;

Considérant, en revanche, que, d'une part, les pièces produites au dossier ne permettent pas d'identifier de dépenses téléphoniques exposées spécialement par la ville pour la réception et la délivrance des documents d'identité ; qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que le logiciel acquis, dont les références ne sont pas même indiquées, soit spécifique à cette activité et ne puisse être utilisé à d'autres tâches ; que, d'autre part, le matériel informatique et le mobilier demeurent la propriété de la collectivité et peuvent être réaffectés ; que le coût de son acquisition ne saurait, dès lors, représenter une créance non sérieusement contestable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE VILLEURBANNE est fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser une provision de 908 036,50 euros ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la COMMUNE DE VILLEURBANNE la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 0508714 du président délégué du président du tribunal administratif de Lyon en date du 24 mars 2006 est annulée.

Article 2 : L'Etat versera à la COMMUNE DE VILLEURBANNE une provision de 908 036,50 euros et la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE VILLEURBANNE est rejeté.

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N° 06LY00783


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 06LY00783
Date de la décision : 28/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GRABARSKY
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: M. BESLE
Avocat(s) : CABINET PHILIPPE PETIT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-11-28;06ly00783 ?
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