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19/10/2006 | FRANCE | N°03LY00582

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 19 octobre 2006, 03LY00582


Vu la requête, enregistrée le 1er avril 2003, présentée pour la SARL RANNOU METAL FORMING, dont le siège est 37, avenue du Général de Gaulle à Caluire-et-Cuire (69300), représentée par sa gérante en exercice, par Me Chastel, avocat au barreau de Lyon ;

La SARL RANNOU METAL FORMING demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 9905001 du 22 janvier 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande en décharge des droits complémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à son nom au titre de la période 1995-1997

sous l'avis de mise en recouvrement n° 99 05 05022 en date du 14 juin 1999 ;

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Vu la requête, enregistrée le 1er avril 2003, présentée pour la SARL RANNOU METAL FORMING, dont le siège est 37, avenue du Général de Gaulle à Caluire-et-Cuire (69300), représentée par sa gérante en exercice, par Me Chastel, avocat au barreau de Lyon ;

La SARL RANNOU METAL FORMING demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 9905001 du 22 janvier 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande en décharge des droits complémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à son nom au titre de la période 1995-1997 sous l'avis de mise en recouvrement n° 99 05 05022 en date du 14 juin 1999 ;

2°) de prononcer la décharge complète de l'imposition contestée et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 525 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 septembre 2006 :

- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;

- les observations de Me Chastel, pour la SARL RANNOU METAL FORMING ;

- et les conclusions de M. Pourny, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, la SARL RANNOU METAL FORMING (RMF) a été assujettie à un complément de taxe sur la valeur ajoutée résultant notamment de l'imposition de commissions que lui a versées de 1995 à 1997 la société de droit américain PCC Speciality Products Inc (anciennement société Reed Rico Eldorado Astro Punch) à raison de ventes conclues directement par ce fournisseur américain avec des clients dans le champ de contrats de représentation exclusive réservant en principe à la société requérante la vente et la représentation en France, en Belgique, au Luxembourg et en Afrique du Nord, des machines et outillages de formage, roulage à froid et taraudage qu'il produit ; qu'elle relève appel de l'article 2 du jugement du 22 janvier 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des droits complémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ainsi mis à son nom au titre de la période 1995-1997 ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par des décisions en date des 23 janvier et 9 juin 2004, postérieures à l'introduction de la requête, le directeur du contrôle fiscal de Rhône-Alpes Bourgogne a prononcé, sur le complément de taxe sur la valeur ajoutée en litige, des dégrèvements, en droits et pénalités, s'élevant au total à 14 415,43 euros en droits simples et à 2 492,09 euros en pénalités ; que les conclusions de la requête de la SARL RANNOU METAL FORMING relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que les circonstances que les premiers juges auraient inexactement apprécié les faits de la cause, que les motifs de leur décision seraient incorrects et qu'ils se seraient trompés sur la dévolution de la charge de la preuve et sur l'administration de celle-ci ne sauraient constituer des irrégularités entraînant l'annulation du jugement entrepris ; qu'il en va de même du fait que le tribunal aurait tiré des conclusions erronées sur la portée du contrat conclu le 10 janvier 1997 par la société requérante avec son fournisseur américain ; que les premiers juges n'ont commis aucune irrégularité et n'ont pas entaché leur décision d'une insuffisance de motifs ou d'un défaut de réponse à un moyen en ne réinterprétant pas le moyen tiré par la société de la seule référence à une documentation d'un éditeur privé en fonction du texte légal - l'article 262-II-14° du code général des impôts en l'espèce - commenté par cette publication ; que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments développés à l'appui des moyens présentés devant lui, n'a pas commis en l'espèce d'irrégularité en n'apportant pas une réponse spécifique à l'argument émis par la société selon lequel une clause du contrat du 10 janvier 1997 n'avait pas reçu application, dès lors qu'il a suffisamment analysé l'économie générale de ce contrat au regard des moyens présentés ; qu'ainsi la SARL RANNOU METAL FORMING n'est pas fondée à soutenir que le jugement entrepris serait irrégulier ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les notifications de redressement qui lui ont été adressées les 22 décembre 1998 et 26 janvier 1999 et la lettre de réponse à ses observations en date du 22 mars 1999 sont suffisamment motivées sur les points demeurant en litige ; que si, dans ce dernier document, le service des impôts a omis de répondre à l'argument selon lequel le vérificateur avait compris par erreur dans la base taxable les commissions reçues d'autres clients que la société Reed Rico, tels que THP, Streicher et Rol Flo, les mesures de dégrèvement mentionnées plus haut ont réparé cette erreur ; que l'administration s'y est prononcée de manière suffisante sur les éléments de preuve fournis par la société redevable en réponse aux notifications de redressement ; que, le différend, à ce stade, portant en définitive sur la qualification à donner aux commissions en litige au regard des dispositions du 14° du II de l'article 262 du code général des impôts, et par conséquent sur une question de droit ne relevant pas de la compétence de la commission départementale des impôts, la saisine de cet organisme a été refusée à bon droit par l'administration ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Sur la portée des moyens formulés :

Considérant que si la SARL RANNOU METAL FORMING soutient que ces dégrèvements, motivés par l'abandon des redressements relatifs aux commissions versées par les sociétés THP, Streicher et Rol Flo, incluses par erreur dans les versements estimés provenir de la société PCC Speciality Products Inc, sont insuffisants par rapport à ce motif, il résulte de l'instruction, et notamment du détail des calculs des dégrèvements produit par le ministre, que cette affirmation n'est pas fondée ; que, si la société continue à soutenir que le litige persistant porte sur des montants supérieurs aux sommes de 8 566,26 euros en droits simples et 1 489,12 euros en pénalités que le ministre estime, compte tenu des moyens présentés, demeurer finalement en débat, elle n'apporte aucun élément circonstancié propre à combattre sur ce point les allégations de l'administration ; que ses conclusions, en tant qu'elles excèdent ces sommes, doivent donc en tout état de cause être écartées ;

Sur l'application de la loi fiscale :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 262 du code général des impôts : « (...) II. Sont également exonérés de taxe sur la valeur ajoutée :(...) 14° Les prestations de services se rapportant à l'importation de biens et dont la valeur est comprise dans la base d'imposition de l'importation » ; qu'il résulte de l'instruction que la société requérante n'intervient à aucun titre dans la réalisation des opérations à propos desquelles les commissions litigieuses lui sont versées par la société américaine, puisque celle-ci passe alors directement commande avec les clients ; que la société requérante ne saurait donc invoquer les dispositions précitées du 14 ° du II de l'article 262 du code général des impôts, non plus, en tout état de cause, que les termes d'une documentation privée traitant des opérations d'entremise ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'art 259 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période en litige : « Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France (...) 9° Obligation de ne pas exercer, même à titre partiel, une activité professionnelle ou un droit mentionné au présent article (...). Le lieu de ces prestations est réputé ne pas se situer en France même si le prestataire est établi en France lorsque le preneur est établi hors de la communauté européenne ou qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ou qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la communauté » ; que la SARL RANNOU METAL FORMING soutient en appel que les commissions en cause, versées à l'occasion de ventes conclues directement avec des clients par le fournisseur américain, opérations qui dérogent à son droit de représentation exclusif sur les produits de ce fournisseur, rémunèrent une renonciation de sa part à exercer ce droit ; que, cependant, cette analyse n'est en tout état de cause pas fondée dans la mesure où ce sont en l'espèce les mêmes contrats conclus avec le fournisseur qui prévoient et le principe de l'exclusivité de représentation, et son exception, de sorte que la société requérante ne peut se prévaloir d'un droit exclusif vis-à-vis de son fournisseur qu'elle aurait été en mesure de lui opposer et auquel elle aurait renoncé ; qu'en réalité, ainsi que le soutient le ministre, les commissions en cause, telles qu'elles sont prévues par les contrats successifs dont il s'agit, rémunèrent, selon des modalités particulières réservant au fournisseur la possibilité de ventes directes au client final, l'activité générale de représentation, dans le secteur géographique qui lui est dévolu, de la SARL RANNOU METAL FORMING ; que, d'ailleurs, le terme « indemniser » n'a pas été repris dans le second des contrats de représentation en cause ; que la société ne peut donc se prévaloir, sur le fondement du 9° précité de l'article 259 B du code général des impôts, de ce que ces commissions ne devraient pas être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en France ;

Sur l'application de la doctrine administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales : « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente » ; que la SARL RANNOU METAL FORMING entend opposer aux rehaussements relatifs aux commissions versées dans les conditions susdécrites par la société PCC Speciality Products Inc la doctrine figurant dans la documentation administrative de base référencée 3 A-2132 à jour au 1er mai 1992, commentant le 9° de l'article 259 B du code général des impôts, selon laquelle : « Les sommes versées par une entreprise étrangère à son concessionnaire ou son représentant exclusif français à l'occasion de ventes qu'elle effectue directement en France par dérogation au contrat d'exclusivité sont considérées comme rémunérant un service d'organisation des ventes dans notre pays, rendu par le concessionnaire à l'entreprise étrangère. En règle générale, cette rémunération est allouée à l'occasion de l'exécution d'une clause contractuelle par laquelle le concessionnaire s'oblige à renoncer à son droit d'exclusivité. Dans ces conditions, il est admis que le service dont il s'agit constitue une prestation de l'article 259 B du code général des impôt. » ; que la situation de la SARL RANNOU METAL FORMING, telle qu'elle est régie par le contrat du 1er juin 1979 couvrant la période correspondant aux années 1995 et 1996, et par le contrat du 10 janvier 1997 couvrant l'année 1997, est celle d'un représentant exclusif d'un fournisseur bénéficiant d'une clause contractuelle indemnisant ou rémunérant sa renonciation à cette exclusivité ; que ce cas correspond exactement à la situation visée par cette doctrine ; que la SARL RANNOU METAL FORMING est donc fondée à s'en prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A précité du code général des impôts, en ce qui concerne les ventes directes faites en France par son fournisseur, qui ont généré pour elle des commissions d'un montant de 86 185 francs à raison des opérations de 1995, de 79 760,65 francs à raison des opérations de 1996, et de 11 006,45 francs à raison de celles de 1997, sommes que le service des impôts a imposées en les considérant taxe incluse ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice des communautés européennes de questions dont ne dépend pas l'issue du présent litige, que la SARL RANNOU METAL FORMING est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à des montants en bases, taxe incluse, s'élevant à 86 185 francs (13 138,82 euros) à raison des opérations de 1995, à 79 760, 65 francs (12 159,43 euros) à raison des opérations de 1996, et à 11 006, 45 francs (1 677, 92 euros) à raison de celles de 1997 ;

Sur les conclusions de la SARL RANNOU METAL FORMING tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, au profit de la SARL RANNOU METAL FORMING, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : A concurrence des sommes de 14 415,43 euros en droits simples et de 2 492,09 euros en pénalités, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL RANNOU METAL FORMING.

Article 2 : La SARL RANNOU METAL FORMING est déchargée, à hauteur des sommes correspondant à des montants en base, taxe incluse, de 13 138,82 euros à raison des opérations de 1995, 12 159,43 euros à raison des opérations de 1996, et 1 677,92 euros à raison de celles de 1997, du complément de taxe sur la valeur ajoutée restant à sa charge au titre de la période 1995-1997.

Article 3 : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Lyon en date du 22 janvier 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la SARL RANNOU METAL FORMING une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL RANNOU METAL FORMING est rejeté.

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N° 03LY00582


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 03LY00582
Date de la décision : 19/10/2006
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : CHASTEL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-10-19;03ly00582 ?
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