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26/09/2006 | FRANCE | N°06LY00899

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique -1ère chambre, 26 septembre 2006, 06LY00899


Vu, I. le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 2 mai 2006 sous le n° 06LY00899, présenté par le PREFET DU RHÔNE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602317 en date du 24 avril 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 4 avril 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Afrim X et sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite

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2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal admini...

Vu, I. le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 2 mai 2006 sous le n° 06LY00899, présenté par le PREFET DU RHÔNE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602317 en date du 24 avril 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 4 avril 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Afrim X et sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon ;

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Vu, II. le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 2 mai 2006 sous le n° 06LY00900, présenté par le PREFET DU RHÔNE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602318 en date du 24 avril 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 4 avril 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Mimoza X et sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressée a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Lyon ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2006 :

- le rapport de M. Vialatte, président ;

- les observations de M. Guinet, représentant du préfet du Rhône ;

- et les conclusions de M. Besson, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les recours susvisés du PREFET DU RHONE présentent à juger des mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme X, ressortissants de Serbie, sont entrés irrégulièrement en France et ne justifiaient pas, à la date des arrêtés en litige, être titulaires d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'ils étaient ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que pour annuler les arrêtés de reconduite à la frontière pris par le PREFET DU RHONE à l'encontre de M. et Mme X le 4 avril 2006, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a jugé que ces mesures d'éloignement méconnaissaient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que les intéressés faisaient preuve d'une bonne faculté d'adaptation et avaient établi le centre de leur vie privée et familiale en France où ils résidaient depuis cinq ans et où leurs deux enfants, dont l'un est né sur le territoire national, étaient scolarisés ; qu'il ressort toutefois des pièces des dossiers que M. et Mme X sont entrés en France le 8 mars 2001, à l'âge respectivement de vingt-huit et de vingt-six ans et que, faisant tous deux l'objet d'une mesure d'éloignement, rien ne les empêche de repartir ensemble dans leur pays d'origine, où il n'est pas établi que leurs enfants, qui sont âgés seulement de six et de quatre ans, ne pourraient poursuivre leur scolarité et que l'aîné d'entre eux ne pourrait bénéficier du suivi médico-psychologique que son état de santé serait susceptible de nécessiter ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour des époux X en France, nonobstant les efforts d'intégration réalisés par les intéressés et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, les arrêtés contestés n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ils ont été pris ; qu'ils n'ont, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que c'est donc à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour ce motif, les arrêtés de reconduite à la frontière en litige et, par voie de conséquence, les décisions fixant le pays de destination ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen présenté par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que si M. et Mme X soutiennent qu'ils encourraient de graves risques en cas de retour en Serbie, ils n'accompagnent pas leurs allégations des précisions et justifications de nature à établir la réalité des risques auxquels ils seraient personnellement exposés en cas de retour dans ce pays ; que le PREFET DU RHONE n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en désignant leur pays d'origine comme destination des mesures d'éloignement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses arrêtés du 4 avril 2006 par lesquels il a ordonné la reconduite à la frontière de M. et Mme X et, par voie de conséquence, ses décisions du même jour fixant le pays de renvoi ;
DECIDE :

Article 1er : Les jugements du 24 avril 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon sont annulés.
Article 2 : les demandes présentées par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Lyon sont rejetées.
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N° 06LY00899-06LY00900


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique -1ère chambre
Numéro d'arrêt : 06LY00899
Date de la décision : 26/09/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul VIALATTE
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : MARIE NOELLE FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-09-26;06ly00899 ?
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