Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 20 mars 2006, présentée pour Mme Galia X, domiciliée ..., par Me Faure Cromarias, avocat au barreau de Clermont-Ferrand ;
Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0502086 en date du 25 novembre 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2005, par lequel le préfet du Cantal a ordonné sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler le jugement n° 0502087 en date du 25 novembre 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision distincte du 10 novembre 2005, par laquelle le préfet du Cantal a fixé le Tadjikistan comme pays de destination de la reconduite ;
3°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;
4°) d'enjoindre au préfet du Cantal de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative, dans le délai de huit jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juillet 2006 :
- le rapport de M. Chabanol, président de la Cour ;
- et les conclusions de Mme Verley-Cheynel, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées contre le jugement n° 0502087 :
Considérant que, par ledit jugement, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, comme le lui demandait Mme X, annulé la décision par laquelle le préfet du Cantal a désigné le Tadjikistan comme pays de destination de la reconduite à la frontière prononcée contre elle ; que Mme X, qui ne conteste pas d'autres éléments du dispositif dudit jugement, n'est ainsi pas recevable à demander l'annulation de cette décision, qui, lui ayant donné satisfaction, ne lui fait pas grief ;
Sur le surplus des conclusions :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8 du code de justice administrative : « Le délibéré du juge est secret » ;
Considérant qu'il ressort des témoignages concordant versés au dossier que, à l'issue de l'audience du 25 novembre 2005, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, après s'être retiré pour en délibérer, annoncé publiquement, à douze heures, qu'il annulait la décision ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X et a renvoyé au lundi 28 novembre suivant la production des motifs de cette décision, puis s'est repris quelques minutes plus tard pour exposer qu'il ne rendrait sa décision que le lundi 28 novembre ; que cependant, le jugement attaqué, qui rejette les conclusions de Mme X, mentionne qu'il a été lu en audience publique le 25 novembre ;
Considérant que les interventions orales du magistrat, le 25 novembre, qui ne se sont accompagnées de la délivrance d'aucun écrit pouvant être regardé comme constituant le dispositif de la décision, mentionné à l'article R. 776-17 du code de justice administrative, ont eu pour effet de révéler aux parties présentes les hésitations de ce magistrat en son délibéré et ont ainsi méconnu l'obligation du secret à laquelle même le juge statuant seul est tenu par les dispositions précitées ; que par suite, Mme X est fondée à demander l'annulation du jugement rendu à la suite de ce délibéré ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par Mme X qui avaient fait l'objet dudit jugement ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité tadjike, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 1er septembre 2005, de la décision du préfet du Cantal du 26 août 2005 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 10 novembre 2005, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 10 novembre 2005, par lequel le préfet du Cantal a décidé la reconduite à la frontière de Mme X, qui énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et qui n'a pas à préciser en quoi la situation particulière de l'intéressée ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de cette procédure, est ainsi suffisamment motivé, alors même qu'il ne mentionne pas explicitement les raisons pour lesquelles le préfet n'a pas cru devoir utiliser en l'occurrence sa faculté de régularisation de la situation administrative de Mme X ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort également des pièces du dossier que le préfet a effectivement procédé à l'examen de la situation personnelle de l'intéressée et ne s'est pas estimé lié par les décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la commission des recours des réfugiés ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que si Mme X a déposé, par l'intermédiaire du représentant d'une association, un dossier de demande de réexamen de sa demande d'asile, en préfecture du Cantal, le 10 novembre 2005 à 14 H 00, elle n'établit pas que ce dépôt serait intervenu antérieurement à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière contesté, dont le préfet affirme, sans être contredit, qu'il a été pris le 10 novembre 2005 au matin ; que cette demande réitérée d'admission au statut de réfugié est, par suite, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la mesure d'éloignement contestée qui s'apprécie à la date de son édiction et non à celle de sa notification ;
Considérant, en cinquième lieu, que la demande de régularisation à titre exceptionnel qui a été formulée par courrier du 12 septembre 2005 et à laquelle, contrairement aux affirmations de la requérante, il a été répondu par le préfet du Cantal par lettre du 11 octobre 2005, n'obligeait, en tout état de cause, pas le préfet à surseoir à l'édiction d'un arrêté de reconduite à la frontière jusqu'à ce qu'il ait statué sur cette demande ;
Considérant, en sixième lieu, que les moyens tirés des risques que la requérante encourrait en cas de retour dans son pays d'origine sont, en tout état de cause, inopérants à l'encontre d'un arrêté de reconduite à la frontière, lequel ne désigne pas le pays de destination ; que les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent, par suite, qu'être écartés ;
Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;
Considérant que Mme X, qui est entrée irrégulièrement en France le 1er décembre 2003, n'établit pas ni même n'allègue disposer, sur le territoire national, d'autres attaches familiales que celles de son époux et de son beau-frère qui sont tous deux en situation irrégulière et ont également fait l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'il ne ressort pas du dossier, et n'est pas même allégué, que, nonobstant leur nationalité différente, M. et Mme ZASSIEV ne seraient pas légalement admissibles dans un même pays ; que, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour de la requérante en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté, qui ne fixe pas le pays de destination de la reconduite, n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2005 du préfet du Cantal ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de Mme X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de délivrer à Mme X un titre de séjour ou de réexaminer sa situation administrative doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui ne doit pas être regardé comme étant la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de Mme X ou de son conseil, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0502086 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 25 novembre 2005 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand et enregistrée au greffe de ce Tribunal sous le n° 0502086 et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
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N° 06LY00579