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27/07/2006 | FRANCE | N°00LY02721

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 27 juillet 2006, 00LY02721


Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 26 décembre 2000, 27 décembre 2000 et 12 mars 2001, présentés pour Mme Michèle X, domiciliée ..., par Me Salaun, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9503197-9603658-980283 du 4 octobre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a condamné l'Etat à lui verser diverses indemnités, en tant que ledit jugement a rejeté le surplus de ses demandes ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser :

- une somme de 151 924 francs au titre des indemnités journalières ;



- une somme de 98 360 francs, à majorer en conséquence d'un avancement d'échelon, au titre...

Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 26 décembre 2000, 27 décembre 2000 et 12 mars 2001, présentés pour Mme Michèle X, domiciliée ..., par Me Salaun, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9503197-9603658-980283 du 4 octobre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a condamné l'Etat à lui verser diverses indemnités, en tant que ledit jugement a rejeté le surplus de ses demandes ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser :

- une somme de 151 924 francs au titre des indemnités journalières ;

- une somme de 98 360 francs, à majorer en conséquence d'un avancement d'échelon, au titre des traitements dus pour la période du 19 septembre 1994 au 1er mai 1995 ;

- une indemnité relative aux congés payés des années 1992 à 1995 ;

- une somme totale de 1 339 000 francs en réparation de divers préjudices ;

- les intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 1993 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 francs au titre des frais irrépétibles ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 26 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juillet 2006 :

- le rapport de M. Aebischer, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Pourny, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X, alors inspecteur principal de police, a été victime d'un grave accident de la circulation le 19 septembre 1989 ; qu'après des périodes de congé de maladie et de disponibilité sans traitement, elle a fait l'objet d'une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ; que, par un jugement du 3 février 1994 devenu définitif, le Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 13 octobre 1992 qui l'avait maintenue en disponibilité jusqu'au 28 décembre 1992 et lui avait enjoint de reprendre ses fonctions à cette date, ainsi que l'arrêté du 15 mars 1993 prononçant sa radiation ; que l'intéressée relève appel du jugement du 4 octobre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Lyon, après jonction de ses requêtes n° 9503197, n° 9603658 et n° 9800283, a limité à la somme de 240 988 francs (36 738,38 euros), outre les intérêts et une somme de 10 000 francs (1 524,49 euros) au titre des frais irrépétibles, la condamnation prononcée contre l'Etat à son profit, a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ses conclusions relatives aux indemnités journalières et ses conclusions relatives à la « perte de protection sociale » et a rejeté au fond le surplus de ses conclusions ;

Sur les conclusions relatives aux indemnités journalières et à la « perte de protection sociale » :

En ce qui concerne la compétence de la juridiction administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale : « Il est institué une organisation du contentieux général de la sécurité sociale. Cette organisation règle les différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale (…) et qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux » ; que le critère de la compétence des organismes du contentieux de la sécurité sociale est, en ce qui concerne les agents publics, lié non à la qualité des personnes en cause, mais à la nature même du différend ;

Considérant que Mme X fait valoir qu'elle avait droit aux indemnités journalières pour la période précédant sa reprise de fonctions effective du 2 mai 1995, lors de laquelle elle ne disposait plus de droits à traitement, et que les services de l'Etat, gestionnaires de cette prestation pour les fonctionnaires concernés, ont commis une faute en négligeant de lui verser les sommes dues ; qu'elle soutient en outre que les mêmes services de l'Etat ont anormalement refusé de procéder à sa réaffiliation au régime général de la sécurité sociale au titre de la période du 26 mars 1994 au 1er mai 1995 et que cette faute lui a occasionné une « perte de protection sociale » dont elle entend obtenir réparation ; que le Tribunal administratif de Lyon a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions de l'intéressée dirigées contre l'Etat et tendant, d'une part, au versement des indemnités journalières susmentionnées, assorties de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la faute commise par les services de l'Etat dans le cadre de la gestion desdites indemnités journalières et, d'autre part, au versement de dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice enduré en matière de prestations d'assurance maladie par l'effet du refus de réaffiliation au régime général de la sécurité sociale ;

Considérant que le litige opposant Mme X à l'Etat au sujet des indemnités journalières susceptibles de lui être versées en application du code de la sécurité sociale, et notamment de l'article D. 712-12 dudit code relatif aux indemnités journalières auxquelles peut prétendre le fonctionnaire à l'expiration de ses droits à congé de maladie, concerne la gestion même d'un régime de sécurité sociale et ressortit, eu égard à sa nature, à la seule compétence des juridictions en charge du contentieux général de la sécurité sociale ; que c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Lyon a décliné la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur les conclusions à fin de versement des indemnités journalières et de dommages et intérêts fondés sur le caractère fautif du refus de versement de ces indemnités ; qu'en se bornant à affirmer, sans produire aucune justification sur ce point, que les juridictions du contentieux de la sécurité sociale ont déjà décliné leur compétence pour statuer sur le litige relatif aux indemnités journalières, Mme X n'établit pas que les conditions de mise en oeuvre de la procédure de prévention des conflits négatifs prévue par l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 auquel renvoie l'article R. 771-1 du code de justice administrative, seraient remplies ;

Considérant, par contre, que le litige relatif à la faute imputée aux services de l'Etat par Mme X en ce qui concerne sa réaffiliation au régime général de la sécurité sociale pour la période du 26 mars 1994 au 1er mai 1995, et à la « perte de protection sociale » ayant résulté de cette faute, ne saurait être regardé comme découlant de la simple application des dispositions du code de la sécurité sociale en vertu desquelles les personnes ayant la qualité d'assurés sociaux peuvent prétendre à diverses prestations pour l'accès aux soins ; que, dès lors, c'est à tort que le Tribunal administratif de Lyon a décliné la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur les conclusions de Mme X tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle aurait subi par l'effet du comportement fautif susmentionné ; que la requérante est fondée à demander l'annulation du jugement du 4 octobre 2000 en tant qu'il a rejeté les conclusions relatives à la « perte de protection sociale » comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur lesdites conclusions ;

En ce qui concerne le bien-fondé des conclusions relatives à la « perte de protection sociale » :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les services de l'Etat ont négligé, à la suite du jugement mentionné ci-dessus en date du 3 février 1994, d'accomplir auprès des organismes concernés, au profit de Mme X, les formalités inhérentes à l'immatriculation et à l'affiliation des assurés sociaux qui incombent à tout employeur en vertu des dispositions du code de la sécurité sociale, et que cette carence fautive a fait obstacle à ce que l'intéressée demeurât affiliée au régime général de la sécurité sociale pour la période du 26 mars 1994 au 1ermai 1995 ; que, toutefois, les allégations de la requérante selon lesquelles cette situation a entraîné pour elle une « perte de protection sociale » ou un « refus de paiement de prestations de toute sorte » ne sont assorties d'aucune précision ni justification et ne permettent pas d'établir l'existence d'un préjudice qui serait la conséquence directe de la faute commise par les services de l'Etat ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser des dommages et intérêts au titre d'une « perte de protection sociale » ;

Sur le surplus des conclusions :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

Considérant que les trois requêtes présentées par Mme X devant le Tribunal administratif de Lyon et enregistrées sous les n°s 9503197, 9603658 et 9800283 concernaient la situation d'un même fonctionnaire et soulevaient des questions qui étaient étroitement liées, alors même que les préjudices invoqués portaient sur des préjudices subis lors de périodes distinctes et ayant des causes différentes ; que, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, les premiers juges ont pu estimer qu'il y avait lieu d'en prononcer la jonction ; que le jugement n'est pas irrégulier de ce chef ;

Considérant, par ailleurs, que le tribunal, saisi le 11 septembre 2000 d'une demande de report d'audience qui se bornait à faire état, sans aucune précision, d'un « désintérêt » de l'avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle, ainsi que des séquelles de l'accident ayant entraîné la mise à la retraite pour invalidité, n'était pas tenu de faire droit à une telle demande ; que le jugement rendu après maintien de l'audience à la date prévue du 20 septembre 2000 n'est pas non plus irrégulier de ce chef ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que le jugement du 4 octobre 2000 serait irrégulier en tant qu'il a statué sur ses conclusions autres que celles relatives à la « perte de protection sociale » ;

En ce qui concerne le bien-fondé des conclusions relatives aux pertes de traitement :

Quant à la période du 29 septembre 1992 au 18 septembre 1994 :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour l'ensemble de la période susmentionnée, Mme X se trouvait inapte à reprendre ses fonctions en raison de son état de santé ; que si les décisions des 13 octobre 1992 et 15 mars 1993 prononçant le renouvellement de sa disponibilité sans traitement, puis sa radiation des cadres, ont été annulées par un jugement du Tribunal administratif de Lyon en date du 3 février 1994 devenu définitif, il ne résulte ni des motifs de ce jugement, ni d'aucune pièce versée au dossier que l'intéressée remplissait les conditions légales pour bénéficier, au cours de ladite période, de l'un des congés avec traitement définis par les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 ; que si Mme X impute à l'administration un défaut d'information à l'égard d'un éventuel congé de longue maladie et se prévaut de l'illégalité de la décision de radiation du 15 mars 1993, aucune des circonstances invoquées n'est de nature à établir que les services de l'Etat auraient commis une faute en la replaçant, à la suite du jugement du 3 février 1994, dans la position de disponibilité sans traitement pour la période du 8 octobre 1992 au 18 septembre 1994 ;

Quant à la période du 19 septembre 1994 au 1er mai 1995 :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X, qui était apte à reprendre ses fonctions dès le 19 septembre 1994 et dont la réintégration effective n'est intervenue que le 2 mai 1995, a été anormalement privée de tous revenus pendant cette période ; qu'alors même qu'un droit à traitement ne peut lui être reconnu en l'absence de service fait, la faute commise par les services de l'Etat en tardant à lui redonner une affectation conforme à son statut lui ouvre droit à réparation ; qu'en fixant à la somme de 100 988 francs (15 395,52 euros) l'indemnité due au titre de la privation de revenus pour la période allant du 19 septembre 1994 à la reprise de fonctions effective, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a limité à la somme de 100 988 francs (15 395,52 euros) l'indemnité mise à la charge de l'Etat au titre des pertes de traitement ;

En ce qui concerne le bien-fondé des autres conclusions indemnitaires :

Considérant que les fautes commises par les autorités et services de l'Etat en prenant les décisions illégales susmentionnées en date des 13 octobre 1992 et 15 mars 1993 et en tardant à procéder à la réintégration effective de Mme X ont été, comme l'ont estimé les premiers juges, de nature à faire subir à cette dernière des troubles dans les conditions d'existence et un important préjudice moral ;

Considérant, par contre, que l'intéressée n'a pas été en mesure d'établir, en première instance comme en appel, que l'administration aurait manifesté une attitude négligente ou délibérément hostile, qui serait constitutive d'une faute, à l'égard de ses demandes tendant à obtenir, en vue d'une indemnisation par son assureur, des documents retraçant ses pertes de salaires ; qu'en outre, elle n'est pas fondée, en l'absence de dispositions prévoyant une indemnisation au profit des fonctionnaires qui n'ont pas pris leurs congés annuels, à soutenir que l'administration serait redevable d'une indemnité au titre de ses « congés payés » des années 1992 à 1995 ; que le rejet des conclusions indemnitaires présentées sur ces deux points doit être confirmé ;

Considérant qu'en condamnant l'Etat à verser à Mme X une somme totale de 140 000 francs (21 342,86 euros) au titre des troubles dans les conditions d'existence, intégrant les difficultés rencontrées par l'intéressée auprès de son établissement bancaire, et du préjudice moral enduré en conséquence des fautes susmentionnées relatives à l'illégalité des décisions des 13 octobre 1992 et 15 mars 1993 et au retard de réintégration, les premiers juges n'ont pas fixé à un niveau insuffisant l'indemnité octroyée à la requérante en sus de celle afférente aux pertes de traitement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a limité à la somme de 140 000 francs (21 342,86 euros) l'indemnité mise à la charge de l'Etat au titre des préjudices autres que les pertes de traitement ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

En ce qui concerne la première instance :

Considérant que les premiers juges n'ont pas fait une inexacte application des dispositions, alors applicables, de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en condamnant l'Etat à verser une somme de 10 000 francs (1 524,49 euros) à Mme X au titre des frais qu'elle a exposés pour ses demandes de première instance ;

En ce qui concerne l'instance d'appel :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser quelque somme que ce soit à Mme X au titre des frais que cette dernière a exposés pour sa requête d'appel ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions au profit de l'Etat ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 9503197-9603658-9800283 du Tribunal administratif de Lyon du 4 octobre 2000 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme X relatives à la « perte de protection sociale ».

Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Lyon et relative à la « perte de protection sociale » est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de Mme X est rejeté.

Article 4 : Les conclusions du ministre de l'intérieur relatives aux frais irrépétibles sont rejetées.

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N° 00LY02721


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 00LY02721
Date de la décision : 27/07/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Dominique MARGINEAN-FAURE
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SALAUN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-07-27;00ly02721 ?
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