Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 1er mars 2006, présentée pour M. Bekheda X, domicilié chez ..., par la SCP Khatibi-Seghier, avocat au barreau de Grenoble ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0600253 en date du 27 janvier 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 17 janvier 2006, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;
2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence d'un an, dans le délai de trente jours, sous astreinte de 155 euros par jour de retard, en cas d'annulation des décisions sur le fond ou d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation administrative dans le délai de trente jours, sous astreinte de 155 euros par jour de retard, en cas d'annulation des décisions sur la forme ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 juin 2006 :
- le rapport de M. Fontanelle, président ;
- et les conclusions de Mme Verley-Cheynel, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que l'arrêté du 2 avril 2004, qui a accordé à Mme Ariane Pariente, signataire de la décision de rejet de la demande d'asile territorial, délégation de signature du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales pour signer les décisions individuelles de refus d'asile territorial, a été régulièrement publié au journal officiel de la République française le 3 avril 2004 ; que dès lors, cet arrêté de délégation de signature, qui comporte un caractère réglementaire, n'avait pas à être communiqué à M. X et le premier juge n'a pas méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure en se fondant sur cet acte sans en avoir ordonné préalablement la communication à l'intéressé ; que le jugement attaqué n'est, par suite, pas entaché d'irrégularité ;
Sur l'arrêté de reconduite à la frontière contesté :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 13 octobre 2005, de la décision du préfet de l'Isère du 6 octobre 2005 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 17 janvier 2006, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
En ce qui concerne sa légalité externe :
Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière du 17 janvier 2006, qui cite notamment le 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, qui vise en particulier la décision en date du 6 octobre 2005 portant refus de délivrance d'un titre de séjour et qui relève notamment que l'épouse, l'enfant, les parents et frères et soeurs de l'intéressé résident en Algérie, énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et est, par suite, suffisamment motivé ;
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision de refus d'asile territorial du 8 septembre 2003 :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. » ;
Considérant que le requérant, qui allègue avoir fait l'objet de menaces de la part de groupes terroristes islamistes en raison de son refus de rejoindre leurs rangs ou de leur donner de l'argent, n'établit pas, par les documents qu'il produit, la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour en Algérie ; que la décision de refus d'asile territorial en date du 8 septembre 2003 ne méconnaît ainsi pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour du 6 octobre 2005 :
Considérant, en premier lieu, que la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour en date du 6 octobre 2005, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié : « (…) Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : (…) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (…) » ;
Considérant que si M. X soutient souffrir de troubles psychiatriques et s'il établit que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'affection dont est atteint le requérant serait rare et exigerait des médicaments introuvables dans son pays ; que s'il produit des lettres d'un laboratoire et des attestations de pharmaciens installés en Algérie certifiant que des médicaments qui lui sont prescrits en France ne seraient pas commercialisés en Algérie et s'il affirme que les molécules correspondantes ne seraient pas disponibles dans ce pays, il n'appuie cette dernière allégation sur aucun justificatif probant ; qu'il n'établit ainsi pas qu'il ne pourrait disposer d'un accès effectif à des médicaments équivalents ou génériques et à des structures sanitaires aptes à lui prodiguer les soins que requiert son état de santé et, par suite, bénéficier, en Algérie, des soins adaptés aux maux dont il souffre ; que la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour du 6 octobre 2005 n'a ainsi pas méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur les autres moyens :
Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, l'arrêté de reconduite à la frontière n'a pas méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision distincte fixant le pays de destination :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. » ;
Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;
Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de l'exception d'illégalité de la décision de refus d'asile territorial, la décision fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite à la frontière ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M.X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de délivrer à M. X un titre de séjour ou de réexaminer sa situation administrative doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de M. X, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
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N° 06LY00461