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29/06/2006 | FRANCE | N°02LY00200

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5eme chmabre - formation a 5, 29 juin 2006, 02LY00200


Vu la requête, enregistrée le 4 février 2002, présentée pour M. Pierre X, domicilié ..., par Me Chabin, avocat ;

M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 001011 en date du 16 octobre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1993 et des pénalités dont elles ont été assorties ;

22) de prononcer la décharge demandée ;

33) de me

ttre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par lui, en appel ...

Vu la requête, enregistrée le 4 février 2002, présentée pour M. Pierre X, domicilié ..., par Me Chabin, avocat ;

M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 001011 en date du 16 octobre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1993 et des pénalités dont elles ont été assorties ;

22) de prononcer la décharge demandée ;

33) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par lui, en appel et en première instance, et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil, notamment son article 1875 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 2006 :

- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Pourny, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X a constitué le 29 avril 1986 avec son épouse et ses deux filles la société civile Mifrecla ayant pour objet l'acquisition et la gestion de titres de la SA Comptoir de produits métallurgiques (CPM), société dont le capital, composé de 12000 actions, était détenu par les consorts Blettery à raison de 5992 actions et par la famille de M. X à raison de 6008 parts dont 5925 appartenant en propre à M. X ; que M. X et son épouse possédaient chacun cinq parts de la société civile Mifrecla, chacune de leurs filles possédant 45 parts de la même société ; que la société civile Mifrecla a reçu le 5 janvier 1987, dans le cadre d'un prêt à usage, les 5925 actions de la SA CPM dont M. X était propriétaire et acquis le même jour les 5992 actions possédées par les consorts Blettery ; que la société civile Mifrecla a opté le 10 janvier 1987 pour le régime des sociétés mères et filiales prévu à l'article 145 du code général des impôts ; que, par une convention en date du 1er juin 1993, enregistrée le 13 juillet suivant à la recette des impôts de Thiers, il a été porté à la connaissance de l'administration fiscale que le prêt à usage conclu entre la société civile Mifrecla et M. X avait été consenti pour la durée pendant laquelle la société civile Mifrecla restait redevable envers les consorts Blettery des sommes représentatives du prix d'achat de leurs 5992 actions ; que la société civile Mifrecla a restitué le 1er juin 1993 à M. X les 5925 actions ayant fait l'objet du prêt à usage après avoir définitivement payé les actions des consorts Blettery ; qu'enfin, la SA CPM a absorbé le 25 août 1994 la société civile Mifrecla, qui lui a apporté les 5992 titres acquis des consorts Blettery avec effet au 1er janvier précédent ; que cet apport a été rémunéré par l'attribution aux associés de la société civile Mifrecla de 5992 actions créées par la SA CPM dans le cadre d'une augmentation de capital de 599 200 francs ; que cette attribution s'est faite en proportion des droits de chaque associé de la société civile Mifrecla ; qu'ainsi, chacune des deux filles de M. et Mme X, s'est trouvée, à l'issue de ces opérations, propriétaire de 45 % des 5992 actions acquises pendant la durée d'existence de la société civile Mifrecla soit 2696 actions chacune ;

Considérant que l'administration fiscale a estimé que chacune des deux filles de M. et Mme X était devenue, au terme des opérations rappelées ci-dessus, propriétaire de 2696 actions de la SA CPM sans aucune contrepartie et que, sous couvert d'un prêt à usage, M. X avait entendu mettre gratuitement à la disposition de ses deux filles les dividendes attachés aux 5925 titres qu'il possédait, ce qui leur permettait d'acquérir gratuitement la propriété des 2696 actions en cause ; que l'administration fiscale a vu en conséquence dans cette succession d'opérations un montage permettant à M. X, d'une part, de transmettre à chacune de ses filles une somme correspondant à la valeur de ces 2696 titres en échappant à tout paiement des droits de mutation et d'autre part, d'échapper à la taxation du produit des dividendes attachés aux 5925 titres de la SA CPM dont l'intéressé était porteur ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la société civile Mifrecla, le vérificateur, mettant en oeuvre la procédure de répression des abus de droit, a adressé à M. X une première notification de redressement datée du 7 août 1996 l'informant de son intention de réintégrer dans ses revenus de l'année 1993 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers le montant des dividendes lui revenant ; que, par une seconde notification de redressement datée du 3 février 1997, qui s'est substituée à la précédente, le vérificateur a confirmé les redressements en suivant la même procédure de répression des abus de droits ; que M. X demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 16 octobre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1993 et des pénalités dont elles ont été assorties, en conséquence du redressement affectant ses revenus de capitaux mobiliers ;

Sur la prescription :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation » ; et, qu'aux termes de l'article L. 189 du même livre : « La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun » ; que M. X soutient que la notification en date du 7 août 1996 par laquelle le vérificateur l'a initialement informé des redressements qu'il entendait apporter à ses revenus de l'année 1993 serait insuffisamment motivée et ne présenterait, de ce fait, aucun caractère interruptif de prescription ;

Considérant, en premier lieu, que la notification en cause indique « que les dividendes perçus par la société civile Mifrecla lui ont permis de payer les actions de la SA CPM (…), que les revenus des actions, objet du prêt à usage, sont passés sous le couvert de la société civile Mifrecla du patrimoine de M. Pierre X, prêteur, à celui de ses deux filles, associées de la société civile Mifrecla, (…) qu'il convient par conséquent de restituer à la convention son véritable caractère et sa réelle signification » et que « en vertu de la requalification de la convention (…) les dividendes perçus par M. X doivent être imposés dans la catégorie des revenus mobiliers (article 108 du code général des impôts) » ; que cette notification de redressement désigne la catégorie de revenus faisant l'objet des redressements envisagés, porte clairement à la connaissance du contribuable les motifs de fait du redressement et comporte en outre, dans ses deux dernières pages des informations précises au sujet du mode d'évaluation et du montant des redressements en cause ainsi que des droits et pénalités susceptibles d'être mis à la charge du contribuable ; qu'ainsi, la notification de redressement est suffisamment motivée en fait ;

Considérant, en second lieu, que le vérificateur a cité notamment les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales relatives à la procédure de répression des abus de droit et celles de l'article 1875 du code civil relatives à la notion de prêt à usage et a indiqué que les dividendes qui devaient être regardés comme perçus par M. X étaient imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers par application des dispositions de l'article 108 du code général des impôts ; que, par suite, le vérificateur a suffisamment motivé en droit les redressements notifiés au contribuable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la notification de redressement du 7 août 1996, suffisamment motivée, a présenté, conformément aux dispositions de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales, un effet interruptif de prescription, permettant à l'administration d'adresser régulièrement au contribuable, dans le délai de reprise dont elle disposait, une nouvelle notification de redressement se substituant à la précédente ;

Sur l'application de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales :

Considérant que, comme il vient d'être dit, la notification de redressement datée du 7 août 1996 était suffisamment motivée ; que le requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'il aurait été porté atteinte, du fait de l'insuffisance de motivation de cet acte, aux droits de la défense dans des conditions justifiant la décharge de l'imposition sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 108 du code général des impôts : « Les dispositions des articles 109 à 117 fixent les règles suivant lesquelles sont déterminés les revenus distribués par : 1° Les personnes morales passibles de l'impôt prévu au chapitre II du présent titre ; 2° Les personnes morales et sociétés en participation qui se sont volontairement placées sous le même régime fiscal en exerçant l'option prévue au 3 de l'article 206 » ; et qu'aux termes de l'article 109 du même code : « 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (…) » ;

Considérant que M. X ne conteste pas qu'il était propriétaire au cours de l'année 1993 de 5925 parts de la SA CPM ; que c'est par suite à bon droit que l'administration fiscale a rehaussé les revenus de l'intéressé du montant des dividendes attachés à ces parts, au cours de l'année en cause et qu'il avait omis de déclarer, sans que la circonstance qu'il aurait fait abandon desdits dividendes à la société Mifrecla ait une influence sur le fait que ces dividendes ont été à sa disposition ; que l'imposition contestée trouvant ainsi sa base légale dans les articles 108 et 109-I-1° précités du code général des impôts, le moyen tiré par le requérant de ce que l'administration fiscale aurait recouru à tort à la procédure de répression des abus de droit doit être écarté comme inopérant en ce qui concerne le principal de cette imposition, dont l'assiette n'est pas affectée par la requalification à laquelle a procédé l'administration ;

Sur les pénalités pour abus de droit :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : « Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (...). L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement » ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou bien, à défaut, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

Considérant que le litige n'a pas été soumis à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit ; qu'il incombe en l'espèce à l'administration fiscale d'apporter la preuve de l'existence d'un tel abus en ce qui concerne les pénalités ayant assorti l'imposition des dividendes attachés aux 5925 titres de la SA CPM dont M. X était porteur ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1875 du code civil : « Le prêt à usage ou commodat est un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s'en être servi » ; et qu'aux termes de l'article 1877 du même code : « Le prêteur demeure propriétaire de la chose prêtée » ; qu'en outre, les dividendes distribués par une société sont attachés à la propriété des titres ;

Considérant, d'une part, que le contrat de prêt à usage conclu le 5 janvier 1987 entre la société civile Mifrecla et M. X ne présentait aucun caractère translatif de propriété et ne permettait pas aux emprunteurs de percevoir les dividendes attachés aux titres faisant l'objet du prêt ; que ce prêt à usage n'était, par suite, pas de nature à dissimuler à l'administration fiscale l'identité du porteur véritable des titres de la SA CPM ; que, d'autre part, ce contrat, qui a eu pour objet de permettre le financement par la société civile Mifrecla de l'acquisition de titres de la SA CPM ne peut être regardé comme ayant été inspiré par le seul motif d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que M. X, s'il n'avait pas été partie à cet acte, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ; qu'en outre, si l'administration fiscale soutient que l'ensemble des opérations ci-dessus retracées établissent l'intention de M. X de faire échapper aux droits d'enregistrement, par la mise en place d'un montage constitutif d'un abus de droit, les donations déguisées consenties à ses deux filles, cette circonstance, à la supposer avérée, n'est pas de nature à établir l'existence d'un tel abus en ce qui concerne le redressement, seul contesté devant le juge administratif de l'impôt, relatif à la réintégration dans les revenus de capitaux mobiliers du contribuable du produit des dividendes attachés aux titres dont il est le porteur ; que, par suite, si l'administration fiscale était en droit de rapporter aux revenus de M. X le montant des dividendes attachés à la propriété des 5925 titres de la SA CPM que l'intéressé détenait et que cette société a distribués au cours de l'année 1993, elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe que le contribuable aurait, en s'abstenant de déclarer le revenu en cause, commis un abus de droit ; que, dès lors, c'est à tort que l'administration fiscale a infligé à M. X les pénalités d'abus de droit prévues à l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande en décharge des pénalités d'abus de droit qui ont assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1993 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. X en appel et en première instance ;

DECIDE :

Article 1er : M. X est déchargé des pénalités d'abus de droit qui ont assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1993.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 16 octobre 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

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N° 02LY00200


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5eme chmabre - formation a 5
Numéro d'arrêt : 02LY00200
Date de la décision : 29/06/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. CHABANOL
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SELAFA FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-06-29;02ly00200 ?
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