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20/06/2006 | FRANCE | N°06LY00409

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 20 juin 2006, 06LY00409


Vu, I, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 24 février 2006, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;

Il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600344 du 3 février 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, annulé son arrêté du 3 janvier 2006 ordonnant la reconduite à la frontière Mme Sabira Y épouse X et la décision du même jour fixant le pays de destination et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une

autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai de de...

Vu, I, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 24 février 2006, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;

Il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600344 du 3 février 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, annulé son arrêté du 3 janvier 2006 ordonnant la reconduite à la frontière Mme Sabira Y épouse X et la décision du même jour fixant le pays de destination et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement attaqué ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y épouse X devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de New York relative aux droits de l'enfant, signée le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2006 :

- le rapport de M. Guerrive, président ;

- les observations de Me Lerein, avocat de Mme Y épouse X ;
- et les conclusions de Mme Verley-Cheynel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes, enregistrées respectivement sous les numéros 06LY0409 et 06LY0410 sont présentées par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE et tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du jugement n° 0600344 en date du 3 février 2006 ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y épouse X, ressortissante de Bosnie-Herzégovine, est entrée en France en juin 2004 ; que, par une décision du 27 septembre 2004, l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lui a refusé le bénéfice du statut de réfugié ; que cette décision a été confirmée le 7 octobre 2005 par la commission des recours des réfugiés ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y épouse X s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 2 décembre 2005, de la décision du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE du 25 novembre 2005 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° de l'article L. 511-1 du code précité, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'en l'absence de toute circonstance mettant Mme Y épouse X et son époux, également en situation irrégulière sur le territoire et faisant également l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, dans l'impossibilité d'emmener leurs enfants mineurs avec eux dans leur pays d'origine; que l'intéressée n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de Mme Y épouse X en France, l'arrêté du 3 janvier 2006 ne porte pas à son droit au respect de la vie familiale et privée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière du 3 janvier 2006 et, par voie de conséquence, la décision du même jour fixant la Bosnie-Herzégovine comme pays de destination ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Y épouse X devant le Tribunal administratif de Grenoble ;


Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :


En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que l'arrêté attaqué ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y épouse X a été signé par M. Jean-Claude Bellour, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Savoie, titulaire d'une délégation de signature consentie par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE par arrêté du 25 novembre 2005 et régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de novembre 2005 ;

Considérant que l'arrêté litigieux contient l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels il se fonde et est ainsi suffisamment motivé ;

En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour en date du 26 novembre 2004 :

Considérant que, pour les raisons indiquées ci-dessus, la décision du 25 novembre 2005 par laquelle le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE a refusé de délivrer à Mme Y épouse X un titre de séjour n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE LA HAUTE SAVOIE, qui a examiné l'ensemble de la situation personnelle de l'intéressé, se serait cru lié par la décision de l'OFPRA ou aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;


En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté de reconduite à la frontière:

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit-dessus, l'arrêté du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y épouse X n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le PREFET DE LA HAUTE SAVOIE n'a pas davantage entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Considérant que M. et Mme X faisant tous deux l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, rien ne s'oppose à ce que leurs enfants repartent avec eux ; que, dès lors, il n'est pas établi que l'intérêt supérieur de ceux-ci n'ait pas été pris en compte conformément aux stipulations de l'article 3-1 susmentionné de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;



Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que la demande d'asile de Mme Y épouse X a été rejetée par une décision de l'OFPRA le 18 septembre 2003, décision confirmée par la commission des recours des réfugiés en date du 7 juillet 2004 ; que ses allégations relatives aux risques que lui ferait courir son retour dans son pays d'origine ne sont assorties d'aucune justification probante alors que, par ailleurs, l'intéressée a indiqué à l'OFPRA avoir quitté son pays pour des motifs d'ordre économique ; qu'ainsi la décision du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE fixant le pays de destination de la reconduite, qui est suffisamment motivée, ne méconnaît pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 3 janvier 2006 décidant la reconduite à la frontière de Mme. Y épouse X et la décision du même jour fixant le pays de destination ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande présentée par Mme Y épouse X devant le Tribunal administratif de Grenoble ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions de Mme Y épouse X tendant à ce que soit adressée une injonction, sous astreinte, au PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE, et à ce que soient mis à la charge de l'Etat les frais exposés en appel et non compris dans les dépens;

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :

Considérant que la Cour statuant sur le fond de l'affaire par la présente décision, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué ;



DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE enregistrée sous le n° 06LY0410.
Article 2 : Le jugement du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble en date du 3 février 2006 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par Mme Y épouse X devant le Tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 06LY00409
Date de la décision : 20/06/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean Louis GUERRIVE
Rapporteur public ?: Mme VERLEY-CHEYNEL
Avocat(s) : CLEMENTINE FRANCES ET AUDREY LEREIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-06-20;06ly00409 ?
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