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20/06/2006 | FRANCE | N°05LY02025

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 20 juin 2006, 05LY02025


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 22 décembre 2005, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;

Il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 décembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, annulé ses arrêtés du 8 novembre 2005 ordonnant la reconduite à la frontière M. et Mme Benik X et fixé comme pays de destination le pays dont ils ont la nationalité et, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. et Mm

e X et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, enfin condamné l...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 22 décembre 2005, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;

Il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 décembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, annulé ses arrêtés du 8 novembre 2005 ordonnant la reconduite à la frontière M. et Mme Benik X et fixé comme pays de destination le pays dont ils ont la nationalité et, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. et Mme X et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, enfin condamné l'Etat à leur verser 1000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2°) de rejeter les demandes présentées par de M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de New York relative aux droits de l'enfant, signée le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2006 :

- le rapport de M. Guerrive, président ;
- les observations de Me Lerein, avocat des époux X ;
- et les conclusions de Mme Verley-Cheynel, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) ; 6° Si le récepissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme X, de nationalité arménienne, sont entrés irrégulièrement sur le territoire national en mars 2002 accompagnés de leurs deux enfants mineurs, et se sont maintenus sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 12 août 2005, des décisions du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE du 9 août 2005, confirmées le 9 septembre 2005, les informant, après les rejets le 15 juin 2005 par la commission du recours des réfugiés de leur recours contre les décisions du 21 juillet 2004 de l'OFPRA rejetant leurs nouvelles demandes d'asile, de la fin de leur droit temporaire au séjour, refusant de leur délivrer un titre de séjour, et les invitant à quitter le territoire ; qu'ils se trouvaient ainsi dans le cas où, en application du 3° de l'article L. 511-1 du code précité, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ne conteste pas que M. et Mme X ont quitté leur pays d'origine en juin 1991 en raison des difficultés que leur créait leur situation de couple mixte, Mme X étant d'origine kurde et de confession musulmane ; qu'ils ont alors vécu en Russie, qu'ils ont du quitter en 2002 avec leurs deux enfants avant de solliciter, en arrivant en France en mars 2002, le bénéfice de l'asile politique, qui leur a été refusé en dernier lieu par la commission de recours des réfugiés le 9 septembre 2005 ; qu'ainsi, à la date de la décision par laquelle le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE a ordonné leur reconduite à la frontière, le 8 novembre 2005, ils avaient quitté l'Arménie depuis plus de 14 ans et se trouvaient en France depuis plus de 3 ans, pays dans lequel eux-mêmes et leurs enfants se sont parfaitement adaptés et où ils ont lié de nombreux liens sociaux, ce que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ne conteste pas ; que s'il n'appartient pas au juge administratif de substituer sa propre décision à celle de l'administration, il lui appartient, en revanche, de contrôler l'exercice du pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité compétente en vérifiant qu'elle n'a pas fondé sa décision sur des faits matériellement inexacts, une erreur de droit, une erreur manifeste d'appréciation, ou un détournement de pouvoir ; qu'en l'espèce il ressort des pièces du dossier que, compte tenu des circonstances ci-dessus rappelées, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE a fait une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. et Mme X et de leurs enfants ; qu'il en résulte que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 8 novembre 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme X et fixé comme pays de destination le pays dont ils ont la nationalité ;

Considérant que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ne conteste pas que l'annulation des décisions en litige par le premier juge impliquait nécessairement, tant en application des dispositions de l'article L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative que de celles de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'une autorisation provisoire de séjour soit délivrée aux époux X jusqu'à ce qu'il ait été à nouveau statué sur leur cas ; que si le premier juge a cru bon, dans les motifs de son jugement, de préciser que la situation des intéressés devrait être examinée en prenant en compte les motifs de son jugement, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE n'est pas recevable, en appel, à critiquer ce seul motif ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir d'une astreinte l'injonction prononcée par le premier juge, ainsi que le demandent en appel M. et Mme X ;



Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ; que l'Etat étant partie perdante en première instance, et alors qu'aucune considération d'équité n'y faisait obstacle, le premier juge n'a pas fait une inexacte application de cette disposition, qui n'a pas pour objet de sanctionner le comportement de la partie perdante, en mettant à sa charge les frais exposés par les requérants ;

Considérant qu'en application des mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 1 000 euros au titre des frais exposés en appel par M. et Mme X ;



DECIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est rejetée .
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme X la somme de 1 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. et Mme X est rejeté.
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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 05LY02025
Date de la décision : 20/06/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean Louis GUERRIVE
Rapporteur public ?: Mme VERLEY-CHEYNEL
Avocat(s) : LEREIN AUDREY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-06-20;05ly02025 ?
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