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08/06/2006 | FRANCE | N°06LY00038

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 08 juin 2006, 06LY00038


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 6 janvier 2006, présentée pour M. Nermin Y et Mme Selma Y, domiciliés ..., par Me Alain Couderc, avocat au barreau de Lyon ;

Ils demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0507971 et 0507972 du 7 décembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés du 7 novembre 2005 par lesquels le préfet du Rhône a ordonné leur reconduite à la frontière et des décisions du mêm

e jour fixant la Bosnie-Herzégovine comme pays de destination ;

2°) d'ann...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 6 janvier 2006, présentée pour M. Nermin Y et Mme Selma Y, domiciliés ..., par Me Alain Couderc, avocat au barreau de Lyon ;

Ils demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0507971 et 0507972 du 7 décembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés du 7 novembre 2005 par lesquels le préfet du Rhône a ordonné leur reconduite à la frontière et des décisions du même jour fixant la Bosnie-Herzégovine comme pays de destination ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;

3°) de leur reconnaître la qualité de réfugiés ;

4°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5°) de condamner l'Etat au paiement de la somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2006 :

- le rapport de M. Guerrive, président ;

- les observations de Me Couderc, avocat de M. et Mme Y ;

- et les conclusions de Mme Verley-Cheynel, commissaire du gouvernement ;


Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (…) 2° L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. Un pays est considéré comme tel s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La prise en compte du caractère sûr du pays d'origine ne peut faire obstacle à l'examen individuel de chaque demande ; » et qu'aux termes de l'article L. 742-6 du code précité : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet » ;

Considérant que Mme et M. Y, ressortissants de Bosnie-Herzégovine, n'ont pas été en mesure de présenter les documents justifiant de leur entrée régulière sur le territoire français et ne sont pas titulaires d'un titre de séjour en cours de validité ; que s'ils ont sollicité le bénéfice du statut de réfugié, ils ne contestent pas les motifs pour lesquels l'admission provisoire au séjour leur a été refusée en application du 2° de l'article L. 741-4 précité ; que leur demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA le 13 octobre 2005 ; qu'ils se trouvaient ainsi dépourvus de titre de séjour, à la date à laquelle a été prononcée leur reconduite à la frontière, et par suite dans le cas où, en application du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Sur la légalité des arrêtés de reconduite à la frontière :

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment de ses articles L. 512-2 et L. 512-3 qui ouvrent un recours suspensif devant le juge administratif, organisent les garanties dont bénéficie l'étranger pour pouvoir exercer utilement ce recours et fixent les délais dans lesquels ces recours doivent être présentés et jugés, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des arrêtés de reconduite à la frontière et, par suite, exclure l'application des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, dont Mme et M. Y ne peuvent par conséquent utilement se prévaloir pour soutenir que les arrêtés du préfet du Rhône, qui a procédé à un examen particulier de la situation des intéressés et ne s'est pas cru, contrairement à ce qui est soutenu, en situation de compétence liée, seraient intervenus à l'issue d'une procédure irrégulière ;

Considérant que l'illégalité des décisions de l'OFPRA du 13 octobre 2005 refusant aux époux Y le bénéfice de l'asile ne peut être utilement invoqué à l'appui d'un recours dirigé contre une mesure de reconduite à la frontière ;

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination des reconduites :

Considérant que Mme et M. Y, dont les demandes de reconnaissance de la qualité de réfugié ont été rejetées par une décision du directeur de l'OFPRA du 13 octobre 2005, et sont actuellement soumises à la commission des recours des réfugiés, font état de persécutions auxquelles ils sont exposés en Bosnie-Herzégovine, et dont ils ont fait l'objet en tentant de se réinstaller à Janja, dans la république de Srpska ; que les documents qu'ils produisent, d'ailleurs identiques à ceux retenus par la commission des recours pour accorder au frère de M. Y la qualité de réfugié, permettent d'établir la réalité des risques qu'ils invoquent en cas de retour dans leur pays d'origine ; qu'il en résulte qu'en désignant la Bosnie Herzégovine comme pays de destination de leur éloignement, le préfet du Rhône a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme et M. Y sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes en ce qu'elles concernaient les décisions du préfet du Rhône fixant la Bosnie-Herzégovine comme pays de destination des reconduites ;

Sur les conclusions en injonction :

Considérant que la présente décision, qui n'annule que la mesure de désignation du pays de destination de la mesure d'éloignement, implique nécessairement que le préfet du Rhône, délivre immédiatement à Mme et M. Y une autorisation provisoire de séjour et procède à un nouvel examen de leur situation ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que Mme et M. Y, pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allèguent pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui leur a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de Mme et M. Y n'a pas demandé, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à ses clients si ces derniers n'avaient bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;


DECIDE :


Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon en date du 7 décembre 2005 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme et M. Y dirigées contre les décisions du préfet du Rhône en date du 7 novembre 2005 désignant la Bosnie-Herzégovine comme destination de leur reconduite à la frontière.
Article 2 : Les arrêtés du préfet du Rhône en date du 7 novembre 2005 sont annulés en tant qu'ils désignent la Bosnie-Herzégovine comme destination de la reconduite à la frontière de Mme et M. Y.
Article 3 : Il est prescrit au préfet du Rhône de délivrer immédiatement à Mme et M. Y une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un nouvel examen de leur situation.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 06LY00038

cc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 06LY00038
Date de la décision : 08/06/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean Louis GUERRIVE
Rapporteur public ?: Mme VERLEY-CHEYNEL
Avocat(s) : ALAIN COUDERC

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-06-08;06ly00038 ?
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