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09/03/2006 | FRANCE | N°00LY00349

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4eme chambre - formation a 3, 09 mars 2006, 00LY00349


Vu la requête, enregistrée le 10 février 2000, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE MOULINS - YZEURE, ... BP 609 à Moulins (03600 Cedex) , par Me X..., avocat ;

Le CENTRE HOSPITALIER DE MOULINS - YZEURE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9601146 du 21 octobre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamné à verser à la S.A. Pompes Funèbres du Sud-Est la somme de 203 705 francs avec intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 1996, correspondant aux montants des taxes de séjour réglés par ladite société à la

ville de Moulins en application de l'article 18 de la convention du 7 mai 1993 qu...

Vu la requête, enregistrée le 10 février 2000, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE MOULINS - YZEURE, ... BP 609 à Moulins (03600 Cedex) , par Me X..., avocat ;

Le CENTRE HOSPITALIER DE MOULINS - YZEURE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9601146 du 21 octobre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamné à verser à la S.A. Pompes Funèbres du Sud-Est la somme de 203 705 francs avec intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 1996, correspondant aux montants des taxes de séjour réglés par ladite société à la ville de Moulins en application de l'article 18 de la convention du 7 mai 1993 qui prévoit que les forfaits de transport et de séjour à la chambre funéraire des personnes décédées au centre hospitalier (articles 12 et 13) ne prennent pas en compte les éventuelles taxes de séjour à la chambre funéraire ;

2°) de surseoir à l'exécution dudit jugement ;

3°) de rejeter la demande indemnitaire présentée au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand par la S.A. Pompes Funèbres du Sud-Est ;

…………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des communes ;

Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 2006 :

- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller ;

- les observations de Me Giraudet, avocat du CENTRE HOSPITALIER DE MOULINS - YZEURE ;

- et les conclusions de M. Besle, commissaire du gouvernement ;

Sur l'appel du CENTRE HOSPITALIER DE MOULINS - YZEURE :

En ce qui concerne les obligations nées de la convention signée le 7 mai 1993 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 361-19 du code des communes, dans leur rédaction issue de la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993 : « Les chambres funéraires ont pour objet de recevoir, avant l'inhumation ou la crémation, le corps des personnes décédées. - Les locaux où l'entreprise (…) gestionnaire de la chambre funéraire offre les autres prestations énumérées à l'article L. 362-1 doivent être distincts de ceux abritant la chambre funéraire. (…).» ; qu'aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 361-19-1 du même code : « Les établissements de santé publics ou privés qui remplissent des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat doivent disposer d'une chambre mortuaire dans laquelle doit être déposé le corps des personnes qui y sont décédées. Les dispositions de l'article L. 361-19 ne sont pas applicables aux chambres mortuaires.» ; qu'aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 362-1 dudit code : « Le service extérieur des pompes funèbres est une mission de service public comprenant : (…) la gestion et l'utilisation des chambres funéraires ; (…) Cette mission peut être assurée par les communes, directement ou par voie de gestion déléguée. Les communes ou leurs délégataires ne bénéficient d'aucun droit d'exclusivité pour l'exercice de cette mission. (…).» ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que, contrairement à la chambre funéraire qui, intégrée au service extérieur des pompes funèbres, accueille le défunt dans un espace de recueillement avant l'inhumation ou la crémation, la chambre mortuaire est un équipement hospitalier aménagé pour que les familles de la personne décédée dans ces établissements ou dont le décès y a été constaté, puissent, dans la courte période qui suit le décès, disposer du temps nécessaire à l'organisation des obsèques ;

Considérant que par convention signée le 18 avril 1992, la ville de Montluçon a concédé à la S.A. Pompes Funèbres du Sud-Est la construction et l'exploitation d'une chambre funéraire comportant des salons aménagés pour le recueillement des familles autour de leurs défunts et pour l'accueil des patients décédés dans un hôpital public ou privé lorsque l'une des personnes ayant qualité pour pourvoir aux funérailles n'a pu être retrouvée ; que par convention signée le 7 mai 1993, le CENTRE HOSPITALIER DE MOULINS - YZEURE a confié à ladite société l'accueil, dans les locaux de la chambre funéraire municipale, du corps de toutes les personnes décédées au centre hospitalier et sur la voie publique, immédiatement après le décès et quelle qu'en soit la cause, sans que la première demi-heure de dépôt du corps puisse être facturée aux familles ; qu'en contrepartie, l'établissement hospitalier s'engageait à verser au prestataire une rémunération forfaitaire de 80 000 francs correspondant à une durée de séjour annuelle de tous les corps de 48 heures ; qu'en ce qu'elle porte sur l'accueil, gratuit pour les familles, des défunts dans la courte période précédant l'organisation des obsèques, la convention signée le 7 mai 1993 a nécessairement eu pour objet d'attribuer à la S.A. Pompes Funèbres du Sud-Est la charge de l'exploitation du service de la chambre mortuaire de l'établissement hospitalier ;

Considérant, en second lieu que, d'une part, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 362-1 du code des communes : « Le service des pompes funèbres est une mission de service comprenant : 2° L'organisation des obsèques ; (…) 8°) La fourniture des (…) prestations nécessaires aux obsèques (…). / Cette mission peut être déléguée par les communes directement ou par voie de gestion déléguée. Les communes ou leurs délégataires ne bénéficient d'aucun droit d'exclusivité pour l'exercice de cette mission. Elle peut être assurée par toute personne ou association bénéficiaire de l'habilitation prévue par l'article L. 362-2-1. » ; que d'autre part, aux termes de l'article 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : « Est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par les articles 7 et 8 » ; qu'est prohibée, notamment, en vertu de l'article 8, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprise d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ; que, toutefois, aux termes de l'article 10 : « Ne sont pas soumises aux dispositions des articles 7 et 8 les pratiques : 1. Qui résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application (…). » ;

Considérant qu'en confiant la gestion d'une chambre mortuaire dans le funérarium que la S.A. Pompes Funèbres du Sud-Est exploitait au titre du service extérieur des pompes funèbres, activité ouverte à la libre concurrence de professionnels agréés, la convention signée le 7 mai 1993 a créé au profit de cette entreprise une position dominante au sens des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance en ce qu'elle lui permettait de proposer, préférentiellement à ses concurrents, aux familles des patients décédés à l'hôpital public les prestations de séjour dans son centre funéraire et plus généralement d'organisation des obsèques à l'expiration de la première demi-heure de dépôt du corps ; qu'un tel avantage lui était ouvert sur les professionnels exerçant à Moulins comme dans les communes dont la population était susceptible de recourir aux services de l'établissement public hospitalier ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire alors en vigueur ne faisant obligation de confier la gestion d'une chambre mortuaire à l'entreprise de pompes funèbres délégataire du service extérieur de la commune dans le territoire de laquelle est implanté l'établissement sanitaire, une telle pratique ne saurait être regardée, en application de l'article 10 précité de l'ordonnance, comme échappant aux interdictions de l'article 8 du même texte ;

Considérant que la convention signée le 7 mai 1993 instituant une pratique prohibée par l'article 8 de l'ordonnance est nulle et n'a pu faire naître d'obligations entre les parties ; qu'il suit de là que la société OGF qui vient aux droits de la S.A. Pompes Funèbres du Sud-Est ne saurait utilement se prévaloir de l'article 18 de ce contrat pour soutenir que le centre hospitalier devait acquitter les taxes communales perçues sur le séjour des corps en chambre mortuaire pour la période du 18 mai 1993 au 31 juillet 1996 ;

En ce qui concerne l'enrichissement sans cause du centre hospitalier :

Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire alors applicable ne permettait à la ville de Moulins d'instituer des taxes sur le séjour des corps en chambres mortuaire et funéraire ; que l'établissement hospitalier, qui aurait été fondé à refuser d'acquitter les droits perçus sur le dépôt du corps des patients décédés dans ses services si la ville lui en avait demandé directement le versement, ne saurait être regardé comme s'étant enrichi sans cause en ne remboursant pas la société OGF de sommes indues que la S.A. Pompes Funèbres du Sud-Est a versées pour son compte à la ville en exécution d'une convention inopposable ; que, par suite, les conclusions sus mentionnées de la requérante doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER DE MOULINS - YZEURE est fondé à demander, d'une part, l'annulation du jugement n° 9601146 du 21 octobre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamné à verser à la S.A. Pompes Funèbres du Sud-Est la somme de 203 705 francs outre intérêts au taux légal en remboursement des taxes de séjour en chambre mortuaire réglées par ladite société à la ville de Moulins, d'autre part, le rejet des conclusions indemnitaires présentées par ladite société devant le tribunal administratif ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais non compris dans les dépens :

Considérant que, d'une part, les dispositions aujourd'hui codifiées à l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que, par suite les conclusions présentées par la société OGF doivent être rejetées ; que, d'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées aux mêmes fins par le CENTRE HOSPITALIER DE MOULINS - YZEURE ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 9601146 du 21 octobre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le CENTRE HOSPITALIER DE MOULINS - YZEURE à verser à la S.A. Pompes Funèbres du Sud-Est la somme de 203 705 francs outre intérêts au taux légal en remboursement des taxes de séjour en chambre mortuaire réglées par ladite société à la ville de Moulins est annulé.

Article 2 : La demande présentée au tribunal administratif par la S.A. Pompes Funèbres du Sud-Est tendant à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER DE MOULINS - YZEURE à lui verser la somme de 203 705 francs outre intérêts au taux légal est rejetée.

Article 3 : Le surplus de la requête du CENTRE HOSPITALIER DE MOULINS - YZEURE et les conclusions de la société OGF présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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N° 00LY00349


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00LY00349
Date de la décision : 09/03/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GRABARSKY
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: M. BESLE
Avocat(s) : REGNOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-03-09;00ly00349 ?
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