La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/03/2006 | FRANCE | N°05LY01742

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 2ème chambre, 02 mars 2006, 05LY01742


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 8 novembre 2005, présenté par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0504995 en date du 10 octobre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté en date du 20 septembre 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Hamide X et la décision du même jour fixant la Serbie-Monténégro comme pays de destination ;

2°) d

e rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Grenoble...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 8 novembre 2005, présenté par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0504995 en date du 10 octobre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté en date du 20 septembre 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Hamide X et la décision du même jour fixant la Serbie-Monténégro comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 février 2006 :

- le rapport de M. du Besset, président ;

- et les conclusions de Mme Verley-Cheynel, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité serbo-monténégrine, qui ne justifiait pas être entrée régulièrement sur le territoire français et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 3 de la convention de New York du 26 janvier 1990 sur les droits de l'enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ;

Considérant que, pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE le 20 septembre 2005 à l'encontre de Mme X, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a estimé que cet arrêté avait méconnu les stipulations précitées de la convention internationale des droits de l'enfant, dès lors qu'il avait pour effet de contraindre la jeune Nerimane à suivre ses parents, frappés tous deux d'une mesure d'éloignement, alors qu'elle était atteinte de troubles psychiatriques ne pouvant faire l'objet d'un traitement thérapeutique réel dans son pays d'origine ; que, toutefois, si la jeune enfant des époux X suit un traitement pour des problèmes d'ordre psychologique, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'ainsi, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé pour ce motif son arrêté de reconduite à la frontière et la décision du même jour fixant le pays de destination ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X tant devant le Tribunal administratif de Grenoble que devant la Cour ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien ;être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (…) » ; qu'aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (…) » ;

Considérant que si Mme X, entrée en France en septembre 2004, soutient qu'elle vit en France avec son mari et leurs quatre enfants et que ses enfants sont bien intégrés, il ressort toutefois des pièces du dossier que, compte tenu de la brève durée de sa présence en France, de l'irrégularité du séjour de son mari et de la possibilité que les époux ont de mener leur vie familiale en Serbie-Monténégro, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la mesure a été prise ; qu'ainsi, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE n'a méconnu ni les stipulations du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code précité : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. (…) » ;

Considérant que si Mme X soutient qu'elle souffre de troubles psychiatriques importants, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'elle ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les troubles psychiatriques dont souffre la jeune Nerimane ne puissent faire l'objet d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que rien ne s'oppose à ce que la jeune fille reparte avec les époux X en Serbie-Monténégro ; que, dès lors, il n'est pas établi que l'intérêt supérieur de l'enfant n'ait pas été pris en compte par le préfet ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention sur les droits de l'enfant du 26 janvier 1990 doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination de la reconduite :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que si Mme X, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 10 novembre 2004 confirmée par une décision de la Commission des recours des réfugiés le 20 mai 2005 et dont la demande de réexamen a été rejetée par l'OFPRA le 10 août 2005, soutient qu'elle court des risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine en raison des activités professionnelles et politiques de son époux, elle ne présente aucun élément probant à l'appui de ses allégations ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté en date du 20 septembre 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X et de la décision du même jour fixant le pays de destination ;


DECIDE :


Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble en date du 10 octobre 2005 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
1

2
N° 05LY01742


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 05LY01742
Date de la décision : 02/03/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Emmanuel du BESSET
Rapporteur public ?: Mme VERLEY-CHEYNEL
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-03-02;05ly01742 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award