Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 9 mai 2000, présenté par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ;
Le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°981032 en date du 8 février 2000, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné l'Etat à verser à M. et Mme X une somme de 6 000 francs avec intérêts à compter du 8 juin 1998, en réparation des préjudices qu'ils ont subis après avoir été victimes d'un vol commis par un mineur confié à ses grands-parents par le juge des enfants en application de l'article 10 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 46-734 du 16 avril 1946 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2005 :
- le rapport de Mme Besson-Ledey, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Besle, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des prescriptions de l'ordonnance du 2 février 1945 modifiée, relative à l'enfance délinquante, que le législateur a entendu généraliser dans ce domaine des méthodes de rééducation fondées sur un régime de liberté surveillée ; que l'emploi de ces méthodes crée un risque spécial pour les tiers ; qu'il suit de là que la responsabilité de l'Etat peut être engagée sans faute, à raison des dommages causés aux tiers lorsque, au cours d'une phase d'instruction d'une infraction mettant en cause un mineur et en dépit des risques découlant du comportement délictueux antérieur de l'intéressé, le juge d'instruction ou le juge des enfants décide notamment, à défaut de mise en oeuvre des mesures de contrainte mentionnées à l'article 11 de l'ordonnance du 2 février 1945, de confier la garde du mineur, conformément à l'article 10 de l'ordonnance à une personne digne de confiance ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. , auteur, le 16 janvier 1998, d'un vol de véhicule ainsi que de divers objets et valeurs appartenant à M. et Mme X, avait été confié, alors qu'il était en détention préventive depuis deux mois pour des faits similaires, à la garde de ses grands-parents par une ordonnance du juge des enfants du tribunal de Clermont-Ferrand du 9 octobre 1997 prise en application de l'article 10 de l'ordonnance du 2 février 1945 ; qu'il est constant que ce placement s'inscrivait dans un projet de rééducation de l'intéressé par l'usage de méthodes fondées sur un régime de liberté surveillée ; qu'il a créé un risque spécial pour les tiers, susceptible d'engager sans faute la responsabilité de l'Etat, nonobstant la circonstance que les personnes dignes de confiance concernées n'étaient ni habilitées par l'Etat, ni liées à ce dernier par une convention ;
Considérant que, dans ces conditions, et dès lors que le lien de causalité entre le préjudice indemnisé et le vol commis par l'intéressé doit être tenu pour établi, le MINISTRE DE LA JUSTICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déclaré l'Etat responsable du préjudice subi par M. et Mme X ;
Sur l'appel incident de M. et Mme X :
Considérant qu'en laissant dans leur véhicule un trousseau de clés utilisé par M. pour pénétrer sans effraction dans leur habitation, M. et Mme X ont commis une imprudence de nature à exonérer l'Etat d'une partie de sa responsabilité ; que le Tribunal a fait une juste appréciation de cette exonération en la fixant à un quart ; que, par suite, M. et Mme X ne sont pas fondés à demander la réformation sur ce point du jugement attaqué ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. et Mme X la somme de 700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE
Article 1er : Le recours du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE est rejeté.
Article 2 : L'appel incident de M. et Mme X est rejeté.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. et Mme X la somme de 700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 00LY01016