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04/05/2005 | FRANCE | N°98LY01732

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5eme chambre - formation a 3, 04 mai 2005, 98LY01732


Vu la requête, enregistrée le 18 septembre 1998, présentée pour M. Y... X, domicilié ..., par Me Z..., avocat ;

M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 9002644-9002645 en date du 7 juillet 1998 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté, d'une part, sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1985, 1986 et 1987 et, d'autre part, sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 1985 au 31 décembre 19

87, ainsi que des majorations dont ces impositions ont été assorties ;

22) de lui...

Vu la requête, enregistrée le 18 septembre 1998, présentée pour M. Y... X, domicilié ..., par Me Z..., avocat ;

M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 9002644-9002645 en date du 7 juillet 1998 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté, d'une part, sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1985, 1986 et 1987 et, d'autre part, sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1987, ainsi que des majorations dont ces impositions ont été assorties ;

22) de lui accorder la décharge demandée ;

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Vu les autres pièces du dossier

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 avril 2005 :

- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Pfauwadel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les locaux professionnels et privés de M. Y... X, qui exerçait à titre individuel une activité de négoce de véhicules neufs et d'occasion dont le principal établissement était situé à Rochemaure en Ardèche, ont fait l'objet le 2 mars 1988, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, de visites autorisées par des ordonnances délivrées le 26 février précédent par le président du Tribunal de grande instance de Privas ; que l'activité de M. Y... X a ensuite fait l'objet d'une vérification de comptabilité la même année à la suite de laquelle des compléments d'imposition ont été assignés au contribuable en matière d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée ; que M. Y... X relève appel du jugement du 7 juillet 1998 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1985, 1986 et 1987 et du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1987 en soutenant que la procédure de vérification dont il a fait l'objet en 1988 est entachée de nullité, dans la mesure où les ordonnances prises en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et les visites domiciliaires réalisées en application de ces ordonnances, qui ont permis à l'administration fiscale de recueillir les éléments ayant servi de base à la vérification ainsi qu'à l'établissement des impositions contestées, sont elles-mêmes entachées de nullité ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : « I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée ( ...), elle peut (...) autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie. II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance (...) ; L'ordonnance mentionnée au premier alinéa n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale (...) III. L'officier de police judiciaire veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale ; l'article 58 de ce code est applicable » ; qu'en application de ces dispositions, le juge judiciaire est seul compétent pour apprécier la régularité des ordonnances prises par le président du tribunal de grande instance de même que la régularité de la demande, qui ne saurait être regardée comme un acte détachable de cette procédure, par laquelle l'administration fiscale sollicite auprès de ce magistrat l'autorisation de procéder à des visites ou saisies ; que le juge administratif est également incompétent pour se prononcer sur les irrégularités des opérations de visite et de saisie qui trouvent leur source uniquement dans l'éventuelle illégalité des ordonnances dont elles procèdent ; qu'en revanche, le juge administratif retrouve sa compétence pour se prononcer sur les irrégularités des opérations de visite et de saisie à raison de leurs vices propres ou pour tirer les conséquences d'opérations de visite et de saisie qui excèderaient ou méconnaîtraient les limites fixées aux possibilités d'investigation des enquêteurs par les ordonnances délivrées par l'autorité judiciaire ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des mentions portées sur la notification de redressement datée du 22 décembre 1988 et des affirmations non contestées du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie que, si le président du Tribunal de grande instance de Privas a délivré huit ordonnances en date du 26 février 1988 afin d'autoriser des visites et des saisies, six de ces ordonnances n'ont pas donné lieu à exécution et sont devenues caduques ou ont permis de recueillir des informations utilisées par l'administration pour examiner la situation fiscale d'autres contribuables que M. Y... X ; que seules les informations obtenues au cours des visites autorisées par deux ordonnances délivrées le 26 février 1988 respectivement pour la visite des locaux professionnels de la SARL Automarché situés au lieu-dit les Sources à Rochemaure et des locaux d'habitation et professionnels appartenant à une tierce personne habitant le quartier des Fraysses dans la même localité ont été ensuite utilisées par le vérificateur au cours des opérations de vérification de comptabilité et intéressent la situation fiscale de M. Y... X ; que, par suite, dans la mesure où les impositions contestées ne procèdent pas des investigations autorisées par les six autres ordonnances délivrées le 26 février 1988, l'ensemble des moyens dirigés contre ces ordonnances ou les visites qu'elles ont autorisées doit être écarté comme inopérant ; qu'il en va ainsi des moyens invoqués par le contribuable et tirés des irrégularités qui entacheraient les opérations de visite de l'atelier de la SARL Automarché situé dans la zone artisanale de Rochemaure ou la visite de son domicile privé et du domicile de M. X... X à Rochemaure ;

Sur la régularité des deux ordonnances de visite et de saisie dont procèdent les redressements :

Considérant que, comme il a été dit, le juge judiciaire est seul compétent pour apprécier la régularité des ordonnances prises par le président du tribunal de grande instance, de même que la régularité de la demande par laquelle l'administration fiscale sollicite de ce magistrat l'autorisation de procéder à des visites ou saisies ; qu' il résulte de l'instruction que les deux ordonnances qui ont autorisé les visites et saisies dont procèdent les redressements ont été notifiées le 7 janvier 1989 aux personnes concernées par ces visites et saisies ; qu'un pourvoi en cassation a d'ailleurs été formé par M. Y... X à l'encontre des ordonnances délivrées le 26 février 1988 par le président du Tribunal de grande instance de Privas ; que, par un arrêt en date du 12 décembre 1989, la Cour de cassation a rejeté ce pourvoi au motif que la déclaration de pourvoi ne permettait pas de savoir quelles étaient les décisions attaquées et que le pourvoi n'avait pas été régulièrement formé ; que, si le contribuable soutient qu'il se trouve encore en mesure de former un pourvoi devant la Cour de cassation pour contester certaines des ordonnances qui n'ont pas été régulièrement notifiées ou signifiées, il lui appartient le cas échéant de saisir les juridictions judiciaires compétentes pour demander l'annulation des ordonnances qu'il estime être encore en droit de contester ; que, par suite, le moyen tiré par le requérant de ce qu'il serait privé de recours contre la procédure dont ont procédé les redressements litigieux, en violation des principes généraux des droits de la défense et des stipulations de l' article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'est en tout état de cause pas fondé ;

Considérant qu'il résulte également de ce qui précède que les moyens tirés de ce que les ordonnances autorisant les visites et saisies ainsi que la demande d'autorisation préalable de l'administration fiscale seraient insuffisamment motivées, de ce que les ordonnances ne porteraient pas indication, d'une part, du grade des agents des impôts ayant été habilités à procéder aux visites et saisies, alors que le grade d'inspecteur des impôts est nécessaire pour mener de telles investigations et, d'autre part, de la qualité d'officier de police judiciaire des gendarmes désignés pour accompagner les agents des impôts lors de ces opérations, qualité qui est requise par le code de procédure pénale, de ce que l'administration n'aurait pas appliqué le principe retenu lors de la réunion d'une mission administrative qui s'est déroulée le 26 septembre 1985 selon lequel le recours à la procédure prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales doit rester exceptionnel et de ce que certaines ordonnances ne seraient pas individualisées ou seraient devenues caduques ne peuvent être utilement invoqués devant le juge administratif ;

Sur la régularité des opérations de visite et de saisie dont procèdent les redressements :

Considérant que, comme il a été dit, seules les informations obtenues au cours de la visite des locaux professionnels de la SARL Automarché et de la visite des locaux d'habitation et professionnels appartenant à une tierce personne habitant le quartier des Fraysses dans la même localité ont été ensuite utilisées par le vérificateur au cours des opérations de vérification de comptabilité ; que M. Y... X reproche aux agents de l'administration fiscale de ne pas avoir, en ces occasions, procédé à la notification verbale des ordonnances du président du tribunal de grande instance prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et d'avoir recueilli lors de la visite des locaux professionnels de la SARL Automarché les déclarations du « prévenu » sans avoir au préalable avisé celui-ci de la possibilité de se faire assister d'un conseil ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal établi à l'issue de la visite des locaux professionnels de la SARL Automarché qu'une copie de l'ordonnance autorisant cette visite a été remise, avant toute investigation, à M. X... X, en sa qualité de gérant de la société ; qu'en toute hypothèse, à la date de cette visite et de la visite des locaux appartenant à la tierce personne habitant le quartier des Fraysses dans la même localité, les agents de l'administration n'avaient pas l'obligation de procéder à la notification verbale de l'ordonnance du président du tribunal de grande instance, formalité qui n'a été intégrée à la procédure prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales que par la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 ;

Considérant, en second lieu, que les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne mettent à la charge des agents de l'administration, qui ne sont d'ailleurs pas en droit de procéder à des interrogatoires mais peuvent simplement recueillir des déclarations, aucune obligation d'aviser les personnes présentes sur les lieux de la visite de la possibilité de se faire assister d'un conseil ; qu'eu égard notamment aux énonciations du procès-verbal susmentionné établi à l'issue de la visite des locaux professionnels de la SARL Automarché, il ne résulte pas de l'instruction que les agents ayant effectué cette visite se seraient livrés à des investigations caractérisant un début de vérification de comptabilité ; que, par suite, M. Y... X n'est pas davantage fondé à soutenir qu'il aurait été irrégulièrement privé de l'information l'avisant de la possibilité de se faire assister d'un conseil, prévue à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, obligation qui ne vaut que pour les opérations de vérification de comptabilité et d'examen contradictoire d'ensemble de situation fiscale personnelle ; qu'enfin, l'appelant n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 105 du code de procédure pénale, qui ne sont pas applicables à la procédure prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et ne peut invoquer utilement les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui ne sont applicables qu'aux procédures suivies devant les juridictions ;

Considérant par ailleurs que l'appelant ne précise pas en quoi les dispositions du troisième alinéa du III de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales auraient été méconnues ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de demander la communication des originaux des ordonnances et des procès-verbaux intervenus dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, que M. Y... X n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

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N° 98LY01732


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 98LY01732
Date de la décision : 04/05/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-01-03-0119-02-01-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. - GÉNÉRALITÉS. - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. - VISITES ET SAISIES DOMICILIAIRES (ART. L. 16 B DU LPF) - IRRÉGULARITÉ DES OPÉRATIONS DE VISITE ET DE SAISIE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - A) PRINCIPE - 1) COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE [RJ1] - 2) COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF [RJ2] - B) APPLICATION.

z19-01-03-01z19-02-01-01z a) 1) En application des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, le juge judiciaire est seul compétent pour apprécier la régularité des ordonnances prises par le président du tribunal de grande instance de même que la régularité de la demande, qui ne saurait être regardée comme un acte détachable de cette procédure, par laquelle l'administration fiscale sollicite auprès de ce magistrat l'autorisation de procéder à des visites ou saisies. Le juge administratif est également incompétent pour se prononcer sur les irrégularités des opérations de visite et de saisie qui trouvent leur source uniquement dans l'éventuelle illégalité des ordonnances dont elles procèdent.,,2) En revanche, le juge administratif retrouve sa compétence pour se prononcer sur les irrégularités des opérations de visite et de saisie à raison de leurs vices propres ou pour tirer les conséquences d'opérations de visite et de saisie qui excèderaient ou méconnaîtraient les limites fixées aux possibilités d'investigation des enquêteurs par les ordonnances délivrées par l'autorité judiciaire.,,b) Au cas d'espèce, la cour reconnaît sa compétence pour examiner les moyens tirés de ce que les agents de l'administration fiscale n'auraient pas, à l'occasion d'une visite autorisée par ordonnance du président du tribunal de grande instance, procédé à la notification verbale de cette ordonnance et de ce que ces mêmes agents auraient recueilli, au cours de la même visite, les déclarations du « prévenu » sans avoir au préalable avisé celui-ci de la possibilité de se faire assister d'un conseil.


Références :

[RJ1]

Rappr. CAA Bordeaux, 28 mars 2000, SARL Le Métropole, 97-2040 : RJF 6/00, n° 801 ;

CAA Nantes, 29 déc. 2000, Jammet, 97-60 : RJF 07/01, n° 955 ;

CE, 24 sept. 2003, Sté Paolo Nancéienne, 237990 : RJF 12/03, n° 1393.,,

[RJ2]

Rappr. Cass. com., 30 nov. 1999, Sté Bec Frères, n° 1937 PB et Sté Sogea, n° 1938 D ;

Cass. crim. 22 fév. 2001, Stés Portal et Dumez Sud, n° 1332 F-D : RJF 8-9/01, n° 1084 ;

Cass. crim., 23 mai 2002, Sté Transdev, n° 3119 F-D : RJF 11/02, n° 1264 ;

Cass. com. 18 avr. 2000, Jacobson, n° 868 D : RJF 7-8/00, n° 951.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. PFAUWADEL
Avocat(s) : TUMERELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2005-05-04;98ly01732 ?
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