Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 décembre 2000, présentée par M. Raymond X, domicilié ... ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 94284, en date du 9 novembre 2000, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la note de service du 18 novembre 1993 par laquelle le chef des services de la formation du MINISTERE DE L'INTERIEUR a informé l'ensemble du personnel placé sous son autorité que la transmission à des sociétés d'édition privées de rédactions ou de documents détenus au sein de leur service était soumise à autorisation administrative préalable, et, d'autre part, de la note du 18 janvier 1994 par laquelle le directeur du personnel et de la formation de la police lui a indiqué que la publication de l'ouvrage dont il est l'auteur nécessitait l'octroi d'une autorisation préalable et qu'à défaut de l'avoir demandée, il avait commis une faute ;
2°) d'annuler ces notes de service du 18 novembre 1993 et du 18 janvier 1994 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu le décret-loi du 29 octobre 1936 modifié, relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions ;
Classement CNIJ : 54-01-01
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2003 :
- le rapport de M. Montsec, premier conseiller ;
- les observations de M. X ;
- et les conclusions de M. Kolbert, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 195 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable : Les audiences des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont publiques ; qu'aux termes de l'article R. 196 du même code : Après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement ou par le magistrat mentionné à l'article L. 4-1, les parties peuvent présenter soit en personne, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à Cour de cassation, soit par un avocat, des observations orales à l'appui de leurs conclusions écrites... ; qu'aux termes de l'article R. 197 du même code : Le commissaire du gouvernement prononce ensuite ses conclusions ;
Considérant que M. X produit à l'instance une attestation précise et très circonstanciée, établie le 4 décembre 2000 par une personne qui était présente pendant toute la durée de l'audience publique du 19 octobre 2000, et dont il ressort que, contrairement aux mentions portées sur le jugement attaqué, l'affaire concernant M. X, qui était inscrite au rôle de cette audience, n'a pas été appelée et que par conséquent le rapport n'a pas été fait et le commissaire du gouvernement n'a pas prononcé publiquement ses conclusions ; que, même si les parties à cette affaire n'étaient ni présentes ni représentées, la procédure de première instance est ainsi entachée d'une irrégularité substantielle ; que, dans ces conditions, M. X est fondé à soutenir que le jugement a été pris au terme d'une procédure irrégulière et à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. X devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Sur les conclusions dirigées à l'encontre de la note de service du 18 novembre 1993 :
En ce qui concerne la recevabilité de ces conclusions :
Considérant que si l'interprétation que donne l'autorité administrative des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'étant dénuée de caractère impératif elle ne saurait, quelqu'en soit le bien fondé, faire grief, il n'en est pas de même des dispositions impératives à caractère général contenues dans une telle circulaire, instruction ou note de service, qui doivent être regardées comme faisant en elles-mêmes grief ;
Considérant que par la note de service contestée, en date du 18 novembre 1993, le chef des services de la sous-direction de la formation de la direction générale de la police nationale, direction du personnel et de la formation de la police, rappelait à l'ensemble du personnel placé sous son autorité que dans le cadre de leurs activités professionnelles, les fonctionnaires peuvent être sollicités par des sociétés d'édition privées pour des rédactions ou des demandes de documents auxquels ils peuvent avoir accès au sein de leur service et que ces requêtes doivent être soumises à l'aval de leur hiérarchie qui leur indiquera si celles-ci peuvent être acceptées ; que cette note comportait ainsi des dispositions impératives de nature à faire grief au requérant, relatives en particulier à l'obligation de soumettre les activités ainsi définies à une autorisation préalable de l'autorité hiérarchique ; que, dès lors, la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'intérieur à la demande de M. X, tirée de ce que cette note du 18 novembre 1993 serait constitutive d'une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours, doit être écartée ;
En ce qui concerne la légalité de la note de service du 18 novembre 1993 :
Considérant qu'aux termes de l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, reprenant les dispositions de l'article 9 de la loi du 19 octobre 1946 modifiée : Les fonctionnaires consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. Les conditions dans lesquelles il peut être exceptionnellement dérogé à cette interdiction sont fixées par décret en Conseil d'Etat ; qu'aux termes de l'article 1er du décret-loi du 29 octobre 1936 relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions : Sauf dispositions statutaires particulières et sous réserve des droits acquis par certains personnels en vertu de textes législatifs ou réglementaires antérieurs, la réglementation sur les cumuls - d'emplois ; - de rémunérations d'activité ; - de pensions et de rémunérations ; - et de pensions, s'applique aux personnels civils, aux personnels militaires, aux agents et ouvriers des collectivités et organismes suivants : 1° Administrations de l'Etat... ; qu'aux termes de l'article 2 de ce même décret-loi : L'interdiction formulée à l'égard des fonctionnaires par l'article 9 de la loi du 19 octobre 1946 modifiée s'applique à l'ensemble des personnels des collectivités et organismes visés à l'article 1er ... ; qu'aux termes de l'article 3 de ce décret-loi : Les dispositions de l'article 1er ne s'appliquent pas à la production des oeuvres scientifiques, littéraires ou artistiques. Les fonctionnaires, agents et ouvriers peuvent effectuer des expertises ou donner des consultations, sur la demande d'une autorité administrative ou judiciaire, ou s'ils y sont autorisés par le ministre ou le chef de l'administration dont ils dépendent. Ils peuvent, dans les mêmes conditions, être appelés à donner des enseignements ressortissant à leur compétence... ;
Considérant que la note de service du 18 novembre 1993 se borne à exiger une autorisation préalable de l'autorité hiérarchique lorsque les fonctionnaires sont saisis de demandes, émanant de sociétés privées d'édition, tendant à la communication de documents auxquels ils ont accès dans le cadre de leur service, ou de rédactions élaborés à partir de renseignements obtenus dans ce même cadre, qui ne peuvent dès lors être regardés comme des oeuvres scientifiques, littéraires ou artistiques au sens des dispositions de l'article 3 du décret-loi du 29 octobre 1936 ; que, ce faisant, l'autorité administrative n'a fait que rappeler les obligations prévues par les dispositions précitées et, d'une façon générale, l'obligation de discrétion professionnelle qui s'impose à tout agent public et justifie que sa hiérarchie décide seule des informations susceptibles d'être divulguées aux personnes privées qui les demandent ; que M. X ne peut dès lors soutenir que ladite note, qui ne porte pas dans ces conditions atteinte au principe de la liberté de publier, impose une formalité d'autorisation préalable non prévue par un texte, en méconnaissance en particulier desdites dispositions du décret-loi du 29 octobre 1936 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de cette note de service du 18 novembre 1993 ;
Sur les conclusions dirigées à l'encontre de la note du 18 janvier 1994 :
Considérant que, par une note en date du 18 janvier 1994, adressée à M. X, le directeur du personnel et de la formation de la police nationale indiquait à celui-ci qu'en co-signant et publiant sans autorisation un ouvrage intitulé Devenir policier il n'avait pas respecté les instructions de service et commis en conséquence une faute ; qu'alors qu'il n'est pas allégué que cette note aurait été jointe au dossier administratif de M. X et quel que soit le bien-fondé des reproches ainsi formulés, l'auteur de ladite note n'a pas, en adressant, dans l'exercice de son pouvoir hiérarchique, de telles observations à M. X, infligé à ce dernier une sanction disciplinaire mais s'est borné à prendre une simple mesure d'ordre intérieur qui ne présente pas, dans ces conditions, le caractère d'une décision administrative faisant grief susceptible de recours contentieux ; que les conclusions de M. X dirigées contre cette décision ne peuvent dès lors qu'être rejetées comme irrecevables ;
Sur les conclusions du ministre tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'au termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que le ministre, qui n'a pas eu recours à un avocat, ne se prévaut pas de frais spécifiques exposés par l'Etat dans cette instance ; que, par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de M. X à payer une somme de 800 euros au titre des dispositions susmentionnées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1 : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 9 novembre 2000 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. Raymond X devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURES ET DES LIBERTES LOCALES tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 00LY02734