Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 mars 2000, présentée pour la S.A. Delaroche, dont le siège social est ..., par Me X..., avocat au barreau de Lyon ;
La S.A. Delaroche demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n 93-04869 du Tribunal administratif de Lyon en date du 14 décembre 1999 rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1983 et 1984 ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
3 ) de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement attaqué ; ---- ---- ---- ---- --- Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales; Vu le code de justice administrative ;
Vu la loi n 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives et modifiant le code de justice administrative ;
Vu le décret n 2000-1115 du 22 novembre 2000 pris pour l'application de la loi susvisée du 30 juin 2000 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 avril 2001:
- le rapport de M. FONTBONNE, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions aux fins de décharge des impositions litigieuses :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts relatif au calcul des bénéfices industriels et commerciaux, rendu applicable à l'assiette de l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code: "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, ( ...), notamment : ( ...) -5 Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables ( ...)." ; qu'il résulte de ces dispositions que si une entreprise peut porter en provision au passif du bilan de clôture d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, cette faculté est subordonnée à la condition que les pertes ou charges dont il s'agit soient nettement précisées quant à leur nature et évaluées avec une approximation suffisante et qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances de fait constatées à la date de clôture de l'exercice et se rattachant aux opérations déjà effectuées à cette date par l'entreprise ; qu'ainsi, les justifications de la provision dont il s'agit doivent être appréciées à la date à laquelle ladite provision a été inscrite au bilan ;
Considérant que la S.A. Delaroche a inscrit respectivement au passif du bilan de ses exercices clos les 31 mai 1982 et 1983 des provisions pour risques d'un montant de 16 145 000 francs et 38 463 406 francs destinées à couvrir la charge probable d'aides à consentir à sa filiale en difficulté, la S.A. Groupe Progrès, qui exploite en location gérance le fonds de commerce constitué par le titre, les locaux et le matériel du journal quotidien Le Progrès ; que le montant desdites provisions a été déterminé en appliquant à la situation nette négative de la filiale, le pourcentage de 98,8%, correspondant à la part du capital de la S.A. Groupe Progrès détenue par la S.A. Delaroche ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la S.A. Delaroche fait valoir sans être contredite que la situation de concurrence à laquelle sa filiale se trouvait confrontée, ne lui ouvrait aucune perspective de redressement et qu'il était de son intérêt de prendre toutes dispositions utiles pour assurer la pérennité d'une entreprise exploitant son fonds de commerce et au profit de laquelle elle avait hypothéqué ou nanti ses propres actifs et souscrit auprès des banques des engagements de caution pour 16 000 000 francs ; que le ministre ne conteste pas que le principe du versement d'une aide à une filiale dans cette situation de difficulté pouvait s'inscrire dans une gestion commerciale normale ; que dans ces conditions, la situation financière de la SA Groupe Progrès se dégradant au point que les pertes constatées laissaient craindre qu'elle soit prochainement soumise aux obligations édictées à l'article 241 de la loi du 24 juillet 1996 susvisée concernant les sociétés dont l'actif devient inférieur au quart du capital social, la S.A. Delaroche se trouvait, alors même que l'ouverture d'une procédure collective n'était pas encore imminente, confrontée à des évènements rendant probable la nécessité d'avoir à apporter un soutien financier à sa filiale ; que par suite, et même si ses organes délibérants n'avaient pas expressément pris l'engagement d'apporter une aide à sa filiale, la S.A. Delaroche doit être regardée comme justifiant du principe de la constitution des provisions litigieuses ;
Considérant, toutefois, que la S.A. Delaroche n'établit ni même n'allègue qu'un apurement complet de la situation de sa filiale serait, à la clôture des exercices 1983 et 1984, apparu économiquement et commercialement nécessaire au maintien de son crédit et de son existence ; que la Cour ne trouvant pas au dossier les données lui permettant de se déterminer, il y a lieu de prescrire un supplément d'instruction afin de permettre à la SA Delaroche de fournir, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, tous éléments permettant d'apprécier si les provisions constituées étaient justifiées dans leur montant ; que tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt, doivent être réservés jusqu'en fin de cause ;
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :
Considérant qu'aux termes du 3e alinéa de l'article R.125 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, demeurant applicable conformément à l'article 5 du décret susvisé du 22 novembre 2000 : "Le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent en l'état de l'instruction sérieux et de nature à justifier l'annulation de la décision attaquée." ;
Considérant que le moyen tiré de ce que la constitution des provisions litigieuses est justifié paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier la décharge des impositions contestées ; qu'eu égard au montant desdites impositions et à la situation financière de la S.A. Delaroche, l'exécution des articles de rôle contestés risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ; qu'il y a lieu par suite d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ces articles ;
Article 1er : Il est ordonné, dans les conditions susmentionnées, un supplément d'instruction.
Article 2 : Jusqu'à ce que la Cour ait statué sur la requête de la S.A. Delaroche, il sera sursis à l'exécution des articles de rôle sous lesquels la S.A. Delaroche a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 1983 et 1984.