(1ère chambre), Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 5 mai 2000, présentée par le MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT ;
Le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 982042 en date du 16 février 2000 par lequel le tribunal administratif de GRENOBLE a annulé l'arrêté du 27 février 1998 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a rejeté la demande présentée par la SOCIETE MERMIER en vue de l'exploitation d'une carrière aux lieudits "Z... Monet" et "Sur la Vieille Verrerie ", sur le territoire de la commune d'ALEX, et a enjoint au préfet de la Haute-Savoie de prendre, dans le délai de deux mois un arrêté autorisant cette exploitation, assortie des prescriptions figurant dans le projet d'arrêté soumis le 18 décembre 1997 à la commission départementale des carrières de la Haute-Savoie ;
2°) de rejeter les demandes présentées devant le tribunal administratif de GRENOBLE par la SOCIETE MERMIER ;
3°) à titre subsidiaire, de réformer ledit jugement afin qu'il délivre l'autorisation sollicitée par la SOCIETE MERMIER en renvoyant au préfet le soin de prendre les prescriptions nécessaires ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2000, présenté pour la SOCIETE MERMIER, par la S.C.P. NICOLAY - de LANOUVELLE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; La société demande à la cour de rejeter la requête tendant à l'annulation du jugement et au rejet de ses demandes de première instance, de donner acte au ministre de ses conclusions tendant à la réformation de l'article 2 du jugement et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15.000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu, enregistrée le 18 septembre 2000, l'intervention présentée pour MM. Y... et Christophe X..., demeurant à La Balme de Thuy (74230), par Me BALLALOUD, avocat ; Ils demandent à la cour de rejeter la requête et de condamner l'ETAT à leur payer la somme de 20.000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; ---- ---- ---- ---- ---- ---- ---- ---- ---- ---- ---- --- Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de l'environnement (ordonnance n 2000-914 du 18 septembre 2000) ;
Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 modifiée et le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 pris pour l'application de cette loi ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 2000 :
- le rapport de M. MONTSEC, premier conseiller ;
- les observations de Me NICOLAY, avocat de la société MERMIER, et de Me BALLALOUD, avocat de MM. X... Dominique et Christophe ;
- et les conclusions de M. VESLIN, commissaire du gouvernement ;
Sur l'intervention de MM. Y... et Christophe X... :
Considérant que la décision à rendre sur la requête du MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT, qui est recevable, est susceptible de préjudicier aux droits de MM. Y... et Christophe X..., propriétaires du terrain d'assiette du projet litigieux ; que, dès lors, l'intervention de MM. Y... et Christophe X... est elle-même recevable ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme : " Le plan rendu public est opposable à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux ... et l'ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan ... " ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles R. 123-26 et R. 123-31 du même code que l'ouverture d'installations classées soumises à autorisation ne peut être autorisée que si elle est compatible avec les dispositions du plan d'occupation des sols ;
Considérant par ailleurs que, si la modification des règles d'urbanisme est sans influence sur les droits acquis détenus par le titulaire d'une autorisation d'exploitation d'installation classée pour la protection de l'environnement devenue définitive, le juge, lorsqu'il est régulièrement saisi d'une demande dirigée contre une décision autorisant ou refusant d'autoriser l'ouverture d'une telle installation classée, fait application des dispositions législatives et réglementaires en vigueur à la date de son jugement ou arrêt ; qu'au nombre des dispositions régissant les établissements classés figurent celles qui, dans les plans d'occupation des sols, fixent les conditions d'utilisation des sols dans les zones déterminées par ces plans ;
Considérant qu'en l'espèce, le préfet de la Haute-Savoie a opposé un refus, par arrêté du 27 février 1998, à la demande présentée par la SOCIETE MERMIER en vue de l'exploitation d'une carrière de matériaux alluvionnaires aux lieudits " Z... Monet " et " Sur la Vieille Verrerie ", sur le territoire de la COMMUNE D'ALEX ; que, par le jugement attaqué, en date du 16 février 2000, le tribunal administratif de GRENOBLE a annulé cet arrêté du 27 février 1998 et enjoint au préfet de prendre un arrêté autorisant l'exploitation de la carrière, assorti des prescriptions figurant dans un projet d'arrêté tel que soumis le 18 décembre 1997 à la commission départementale des carrières de la Haute-Savoie ;
Considérant que le MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT, qui, dans sa requête, indique que la COMMUNE D'ALEX s'est dotée d'un plan d'occupation des sols rendu public en juillet 1999 et que le projet litigieux se situe en zone ND dans laquelle sont interdites les carrières, doit être regardé, même si ce moyen est formulé dans une partie de la requête relative à des conclusions subsidiaires, comme invoquant l'incompatibilité du projet avec ces dispositions du plan d'occupation des sols ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le plan d'occupation des sols de la commune, tel que rendu public par arrêté de son maire en date du 26 juillet 1999, classe en effet en zone ND à protéger le terrain d'assiette du projet litigieux ; que l'article ND1 du règlement dudit plan d'occupation des sols, qui prévoit limitativement les occupations du sol admises dans la zone, n'autorise pas l'ouverture de carrières ; qu'aux termes de l'article ND2 du même règlement : " les occupations et utilisations du sol nécessitant une autorisation, et qui ne figurent pas à l'article ND 1, sont interdites " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'ouverture de carrières n'était pas autorisée dans cette zone ND ; que ces dispositions du plan d'occupation des sols font donc en tout état de cause obstacle à ce que l'autorisation litigieuse soit délivrée ; que, dans ces conditions, le tribunal administratif ne pouvait, à la date où il a statué, que confirmer, au besoin d'office et par substitution de motif, la décision de refus opposée par le préfet de la Haute-Savoie à la demande d'autorisation présentée par la SOCIETE MERMIER ; que, par suite et les dispositions susmentionnées du plan d'occupation des sols de la commune d'ALEX restant à ce jour opposable aux tiers, la cour, tenue elle-même de faire application des dispositions législatives et réglementaires en vigueur à la date de sa décision, ne peut qu'annuler le jugement du tribunal administratif de GRENOBLE du 16 février 2000 et rejeter les demandes présentées en première instance par la SOCIETE MERMIER ;
Sur les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SOCIETE MERMIER et, en tout état de cause, à MM. Y... et Christophe X... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'intervention de MM. Y... et Christophe X... est admise.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de GRENOBLE en date du 16 février 2000 est annulé.
Article 3 : Les demandes présentées par la SOCIETE MERMIER devant le tribunal administratif de GRENOBLE sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de la SOCIETE MERMIER et de MM. Y... et Christophe X... tendant en appel à l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.