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19/10/1999 | FRANCE | N°95LY00570

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1e chambre, 19 octobre 1999, 95LY00570


Vu l'arrêt, en date du 25 juin 1998, par lequel la cour administrative d'appel de LYON a, avant dire droit sur la requête présentée pour la COMMUNE DE ROGNES, par Me A..., avocat, et sur les conclusions incidentes présentées pour M. André E... et Mme Charlotte E..., par Me Annie B... et Christophe PINEL, avocats, invité M. André E... et Mme Charlotte E... à produire tous justificatifs sur les conditions et le mode d'exploitation de la propriété de M. E..., s'agissant de la forêt d'une part et des lavandins d'autre part, et notamment les déclarations et avis d'imposition permettan

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Vu l'arrêt, en date du 25 juin 1998, par lequel la cour administrative d'appel de LYON a, avant dire droit sur la requête présentée pour la COMMUNE DE ROGNES, par Me A..., avocat, et sur les conclusions incidentes présentées pour M. André E... et Mme Charlotte E..., par Me Annie B... et Christophe PINEL, avocats, invité M. André E... et Mme Charlotte E... à produire tous justificatifs sur les conditions et le mode d'exploitation de la propriété de M. E..., s'agissant de la forêt d'une part et des lavandins d'autre part, et notamment les déclarations et avis d'imposition permettant de justifier des bénéfices correspondants sur les trois années précédant le sinistre ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré au greffe de la cour le 14 septembre 1998, présenté pour Mme Charlotte E..., par Me Christophe PINEL, avocat, précisant qu'il n'est pas possible de produire d'autres documents que le rapport de M. GAFFIE Y Z... ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 18 septembre 1998, présenté pour C... Marie France Y..., épouse X...
E..., administratrice légale sous contrôle judiciaire de M. André E..., produisant à la cour diverses pièces ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 août 1999, par laquelle Me D... informe la cour du décès de M. PONS ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 septembre 1999 :
- le rapport de M. MONTSEC, premier conseiller ;
- les observations de M. PINEL, avocat de Mme Charlotte E... ;
- et les conclusions de M. VESLIN, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par jugement en date du 9 janvier 1995 du tribunal administratif de MARSEILLE, confirmé sur ce point par l'arrêt avant-dire- droit susvisé de la cour de céans, en date du 25 juin 1998, la COMMUNE DE ROGNES a été déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables de l'incendie qui a affecté, les 1er et 2 août 1989, l'importante propriété de M. André E..., comportant une partie boisée de près de 178 hectares, et dont une partie, dénommée " Domaine de RIBIERE ", s'étendant sur près de 58 hectares, dont l'exploitation était confiée à Mme Charlotte E..., comportait des plantations de lavandins sur près de 11 hectares ;
Considérant que, si la cour de céans a été informée le 14 décembre 1998 du décès de M. André E..., survenu le 12 novembre 1998, le dossier était alors en état d'être jugé après que des mémoires aient été produits tant pour M. André E... que pour Mme Charlotte E..., à la suite de l'arrêt avant-dire-droit du 25 juin 1998 ; qu'il y a donc lieu de statuer au fond dans cette affaire ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme Charlotte E... était la belle-fille de M. André E..., décédé le 12 novembre 1998, dont l'épouse était " Mme Marie-France Y..., épouse X...
E... " ; que, si Mme Charlotte E..., dont l'époux, M. Didier E..., est lui même décédé le 11 septembre 1992, avait passé un contrat de fermage, en date du 19 décembre 1984, avec M. André E..., relatif à l'exploitation du " Domaine de RIBIERE ", pour une superficie totale de 57 ha 79 ca 83 a, les préjudices subis par M. André E..., en sa qualité de propriétaire, et ceux subis par Mme Charlotte E..., en sa qualité d'exploitante, ne peuvent être confondus ; qu'en condamnant la COMMUNE DE ROGNES à verser une somme globale à " M. et Mme E... " pris solidairement, le tribunal administratif a condamné à tort la commune à verser à chacun, du propriétaire et de l'exploitant, des sommes qui n'étaient dues qu'à l'autre ;
Sur les préjudices des ayants-droit de M. André E... :
En ce qui concerne la partie de la propriété en nature de parc d'agrément :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise ordonnée en référé par le tribunal administratif qu'une partie de la propriété, située à proximité immédiate des bâtiments d'habitation occupés par Mme Charlotte E..., était constituée par un arboretum qui avait la nature d'un parc d'agrément, pour une superficie de deux hectares ; que, pour cette partie de la propriété, les ayants-droit de M. André E..., en leur qualité de propriétaires, ont droit, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE ROGNES, à une indemnité correspondant au coût de reconstitution des arbres détruits ; qu'en appliquant les critères d'évaluation tels que proposés par l'expert et non contestés en eux-mêmes, soit, sur la base de 225 arbres de haute tige à l'hectare, un prix global et forfaitaire de 2.500 francs par arbre, le coût total de cette reconstitution doit être fixé à 1.125.000 francs ;
En ce qui concerne la partie de la propriété en nature de forêt naturelle :

Considérant qu'en revanche, la seule existence d'un plan de gestion, établi pour 10 ans, approuvé le 6 novembre 1995 par le Centre régional de la propriété forestière à Marseille, ne suffit pas à établir que le reste de la propriété, constitué par plus de 177 hectares de forêt naturelle associant des futaies de pins d'Alep et des peuplements mélangés de pins et diverses espèces de chênes, faisait réellement l'objet d'une exploitation à la date du sinistre, alors d'ailleurs que le contrat de fermage produit au dossier, passé le 19 décembre 1984, ne concernait qu'une petite partie de cette forêt ; que, malgré la mise en demeure par l'arrêt avant-dire-droit susrappelé, de " produire, dans un délai de deux mois ..., tout justificatif sur les conditions et le mode d'exploitation de la propriété de M. E..., s'agissant de la forêt d'une part et des cultures de lavandins d'autre part, et notamment les déclarations et avis d'imposition permettant de justifier des bénéfices correspondants sur les trois années précédant le sinistre ", ni M. André E..., en sa qualité de propriétaire, ni Mme Charlotte E..., en sa qualité d'exploitante désignée, n'ont produit un document de nature à établir la réalité d'une telle exploitation ; que pour cette partie de la forêt, l'indemnité ne saurait en conséquence correspondre au coût de reconstitution de la forêt détruite ; que, par ailleurs, aucune perte de valeur vénale de la propriété n'est établie, ni même alléguée ; qu'en conséquence, aucune indemnité n'est due pour cette partie de la forêt ;
En ce qui concerne le préjudice de jouissance : Considérant que M. André E..., bien que ne résidant pas sur la propriété incendiée, justifiait avoir subi des troubles de jouissance du fait de l'atteinte portée à cette propriété, liés notamment à l'impossibilité durable d'en user pour des activités de chasse ; que ce préjudice doit être en ce qui le concerne évalué à la somme de 40.000 francs ;
Sur les préjudices de Mme Charlotte E... en sa qualité d'exploitante :
En ce qui concerne la forêt :
Considérant que, comme il est dit ci-dessus, l'exploitation de la forêt n'est pas établie ; que Mme E... n'est donc pas fondée à demander une indemnité correspondant à des pertes relatives à des coupes de bois ;
En ce qui concerne la destruction de lavandins :
Considérant que, suite à la mise en demeure rappelée ci-dessus, Mme Charlotte E... n'a pas non plus produit de document, notamment de nature fiscale, justifiant de la réalité et de l'importance de l'exploitation des lavandins dans les années précédant le sinistre ; qu'elle ne peut sur ce point s'en remettre au contenu de l'expertise diligentée en première instance, qui ne comporte elle-même aucun justificatif ni même aucun descriptif précis d'une telle exploitation ; qu'ainsi, Mme Charlotte E... n'est pas fondée à demander une indemnité pour les pertes de récoltes et la reconstitution des plans de lavandins détruits ;
En ce qui concerne la destruction de matériels appartenant à Mme Charlotte E... :

Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise susmentionné que des matériels appartenant à Mme Charlotte E... ont été détruits dans l'incendie, tels que râteaux, pelle et tuyaux souples d'arrosage, pour une valeur non contestée de mille francs ;
En ce qui concerne le préjudice de jouissance :
Considérant que Mme Charlotte E..., qui habitait le domaine de RIBIERE et a subi durablement les désagréments liés à la détérioration de l'environnement végétal entourant sa résidence, justifie à ce titre d'un préjudice de jouissance qui doit être évalué à la somme de 50.000 francs ;
Sur le préjudice global et sa répartition entre les ayants-droits de M. André E... et Mme Charlotte E... :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice mis à la charge de la COMMUNE DE ROGNES doit être fixé à la somme totale de 1.216.000 francs, dont 1.165.000 francs doivent revenir aux ayants-droit de M. André E... et 51.000 francs doivent revenir à Mme Charlotte E..., sous déduction de la provision de 150.000 francs allouée à " M. E... et Mme E... " par ordonnance du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de MARSEILLE en date du 16 août 1993, en tenant compte des sommes effectivement perçues à ce titre par chacun d'eux ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant qu'en vertu de l'article 1153 du code civil et contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE ROGNES, les intérêts courent à compter de la première sommation de payer ; qu'il résulte des pièces du dossier de première instance que M. André E... et Mme Charlotte E... ont demandé à la commune l'indemnisation de leurs préjudices respectifs par une lettre en date du 31 octobre 1990, reçue en mairie le 14 novembre 1990 ; que le point de départ des intérêts doit donc être fixé à cette dernière date en ce qui concerne Mme Charlotte E... ; que, toutefois, si et dans la mesure où une provision lui a été versée par la COMMUNE DE ROGNES, les intérêts ne lui sont dus sur la somme correspondant à cette provision que jusqu'à la date de ce versement ;
Considérant qu'en ce qui concerne les ayants-droit de M. André E..., les intérêts devront prendre effet à compter du 10 juillet 1991, ainsi que cela est demandé dans le dernier état des écritures produites au nom de M. E... ; que, toutefois, si et dans la mesure où une provision a été versée à M. André E... par la COMMUNE DE ROGNES, les intérêts ne sont dus sur la somme correspondant à cette provision que jusqu'à la date de ce versement ; qu'en outre, la capitalisation des intérêts a été demandée pour M. André E... le 5 mai 1998 ; qu'à cette date, il lui était dû une année d'intérêt ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande, pour la part de l'indemnité mise à la charge de la COMMUNE DE ROGNES qui n'avait pas alors été encore payée à M. André E... ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées pour les ayants-droit de M. André E... ;

Considérant qu'en l'absence de difficultés actuelles d'exécution, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer l'astreinte demandée à l'encontre de la COMMUNE DE ROGNES ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner la COMMUNE DE ROGNES à payer aux ayants-droit de M. André E... et à Mme Charlotte E... les sommes demandées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 9 janvier 1995 est annulé.
Article 2 : La COMMUNE DE ROGNES est condamnée à payer la somme de un million cent soixante cinq mille francs (1.165.000 F) aux ayants-droit de M. André E... et la somme de cinquante et un mille francs (51.000 F) à Mme Charlotte E..., sous déduction de la provision de 150.000 francs allouée à " M. E... et Mme E... " par ordonnance du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de MARSEILLE en date du 16 août 1993, en tenant compte des sommes effectivement perçues à ce titre par chacun d'eux.
Article 3 : La somme de 1.165.000 francs que la COMMUNE DE ROGNES est condamnée à payer aux ayants-droit de M. André E... portera intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 1991 et, pour la part de cette indemnité qui lui aurait été déjà versée à titre de provision, jusqu'à la date du ou des versements dont s'agit. Les intérêts échus le 5 mai 1998 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : La somme de 51.000 francs que la COMMUNE DE ROGNES est condamnée à payer à Mme Charlotte E... portera intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 1990 et, pour la part de cette indemnité qui lui aurait été déjà versée à titre de provision, jusqu'à la date du ou des versements dont s'agit.
Article 5 : Le surplus des conclusions est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 95LY00570
Date de la décision : 19/10/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-01-02-01-03-01-01 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE SANS FAUTE - RESPONSABILITE ENCOURUE DU FAIT DE L'EXECUTION, DE L'EXISTENCE OU DU FONCTIONNEMENT DE TRAVAUX OU D'OUVRAGES PUBLICS - VICTIMES AUTRES QUE LES USAGERS DE L'OUVRAGE PUBLIC - TIERS


Références :

Code civil 1153, 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MONTSEC
Rapporteur public ?: M. VESLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1999-10-19;95ly00570 ?
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