Vu, enregistré au greffe de la cour le 21 août 1998, le recours présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 28 avril 1998 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du directeur régional des impôts d'Auvergne du 22 juillet 1993 refusant à la société nouvelle E.G.E.V. l'octroi de l'agrément prévu aux articles 697, 721 et 1465 du code général des impôts en faveur des opérations de reprise d'établissements industriels en difficulté ;
2 ) de rejeter la demande de la société devant le tribunal administratif ;
3 ) de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement attaqué ;
Le ministre soutient que le tribunal administratif a, à tort, apprécié l'éligibilité de l'opération au régime fiscal des articles 697, 721 et 1465 du code général des impôts en prenant en compte l'activité développée postérieurement au changement d'exploitant et non l'activité à la date de reprise du fonds ; qu'une éventuelle fabrication d'armoires électriques ne peut en tout état de cause conférer un caractère industriel à l'activité de génie civil de l'entreprise ;
Vu le jugement attaqué ; Vu, enregistré au greffe de la cour le 11 septembre 1998, le mémoire ampliatif présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, confirmant ses précédentes conclusions en faisant valoir que la société nouvelle E.G.E.V. a repris en juin 1992 les activités d'installations électriques et de constructions de lignes de transport d'électricité dépendant de la société E.G.E.V. déclarée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce du 21 février 1992 ; que le refus d'agrément est fondé sur l'absence d'activité à caractère industriel de l'établissement repris ; que l'activité de construction de lignes relève du génie civil ; que l'assemblage de différents matériels tels que pôteaux, câbles et autres éléments concourant à la construction de lignes ne caractérise pas une activité industrielle ; que l'évolution ultérieure de l'activité vers la réalisation d'armoires électriques ne saurait, en tout état de cause, conférer un caractère industriel à l'activité principale de génie civil ; que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que l'activité de la société revêtait un caractère industriel ; que le dispositif législatif n'est susceptible de s'appliquer qu'aux opérations de reprise portant sur des établissements où est exercée une activité industrielle ; que par activités industrielles, il convient d'entendre celles qui concourent directement à la transformation de matières premières ou de produits semi-finis avec un matériel et un outillage jouant un rôle prépondérant ; que la fabrication d'armoires électriques représentant 65 % du chiffre d'affaires constitue une évolution des activités postérieure à l'opération de reprise et à la décision litigieuse ; qu'en tout état de cause, le matériel et les outillages utilisés pour cette activité de fabrication ne représentent qu'une
partie infime des immobilisations ; que la qualification des salariés repris témoigne d'une activité d'assemblage développée principalement sur les chantiers ; qu'en tout état de cause, cette activité complémentaire de fabrication ne saurait conférer un caractère industriel à l'ensemble de l'activité ; que l'activité principale est la construction de lignes électriques ;
Vu, enregistré au greffe de la cour le 26 octobre 1998, le mémoire présenté pour la Société nouvelle E.G.E.V. dont le siège social est Z.I. de Chassende 43000 Le Puy-en-Velay, par Me X..., avocat au barreau de Saint-Etienne ; la société demande à la cour de rejeter le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et d'enjoindre au ministre de procéder à l'exécution immédiate du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 28 avril 1998 ;
La société soutient que la commission départementale des impôts a estimé que l'activité reprise présentait un caractère industriel ; que pour déterminer leur valeur locative ses bâtiments ont été qualifiés d'établissement industriel ; qu'elle dispose d'immobilisations concourant à la production qui ouvrent droit à amortissement dégressif ; que même en admettant que l'agrément litigieux relève de la catégorie des décisions discrétionnaires, l'administration n'a pas compte tenu du motif qu'elle a retenu, entendu user de ce pouvoir discrétionnaire ;
Vu l'ordonnance du président de la 2ème chambre du 19 novembre 1998 clôturant l'instruction le 15 décembre 1998 ;
Vu, enregistré au greffe de la cour le 10 décembre 1998, le mémoire présenté pour la Société nouvelle E.G.E.V. confirmant ses précédentes conclusions en demandant en outre que l'Etat soit condamné à lui payer une somme de 10 000 francs sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
La société nouvelle E.G.E.V. soutient que son activité présente un caractère industriel compte tenu à la fois de la nature de son activité et de l'importance des moyens mis en oeuvre ; que ce caractère industriel a été reconnu par l'administration elle-même en ce qui concerne l'évaluation de la valeur locative des bâtiments ; que l'administration va à l'encontre de l'appréciation des éléments de fait qui a été établie par la commission départementale des impôts ; que la plupart des matériels classés dans le poste matériel roulant pouvaient aussi être classés dans le poste matériel et outillage qui ne représente donc pas une faible partie des immobilisations ;
Vu, enregistré au greffe de la cour le 14 décembre 1998, le mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie confirmant ses précédentes conclusions en faisant valoir que la décision litigieuse est motivée alors que la loi du 11 juillet 1979 ne l'imposait pas ; que l'administration ne saurait toutefois avoir ainsi renoncé à exercer son pouvoir discrétionnaire ; que l'importance des immobilisations constituées à 95 % de matériels roulants nécessaires à l'activité de prestations exercée sur les chantiers, ne démontre pas le caractère industriel de l'activité reprise ; qu'il en est de même du fait que pour l'assiette de la taxe foncière, la valeur locative est établie suivant les règles applicables aux établissements industriels ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mars 1999 ;
- le rapport de M. FONTBONNE, premier conseiller ;
- les observations de Me X..., avocat, pour la société nouvelle E.G.E.V. ;
- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1465 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : "Dans les zones définies par l'autorité compétente ou l'aménagement du territoire le rend utile, les collectivités locales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre peuvent, par une délibération de portée générale, exonérer de la taxe professionnelle en totalité ou en partie, les entreprises qui procèdent sur leur territoire ... soit à la reprise d'établissements industriels en difficulté ... En cas ... de reprise d'établissements industriels en difficulté, l'exonération est soumise à agrément ..." ; qu'aux termes de l'article 697 du code général des impôts : "Le taux de la taxe de publicité foncière ou du droit d'enregistrement peut être réduit à 2 %, ... pour les acquisitions immobilières réalisées par les entreprises exploitantes dans le cadre des opérations définies à l'article 1465. La demande du bénéfice de ce régime de faveur est présentée dans l'acte d'acquisition. Elle est soumise à agrément préalable dans les mêmes conditions et pour les mêmes opérations que celles prévues à l'article 1465." ; qu'aux termes de l'article 721 du même code : "Le droit de mutation à titre onéreux prévu par l'article 719 peut être réduit à 2 % pour les acquisitions de fonds de commerce et de clientèles réalisées par les entreprises exploitantes dans le cadre des opérations définies à l'article 1465 ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'activité de la société E.G.E.V. établissement en difficulté repris par la Société nouvelle E.G.E.V. consistait dans l'installation de lignes électriques aériennes et souterraines ainsi que dans l'équipement électrique de bâtiments publics et privés ; que si pour la réalisation des chantiers, cette activité amène à mettre en oeuvre de multiples matériels industriels, elle n'implique pas, même pour partie, l'exécution de fabrications mais seulement des opérations d'assemblage et d'installation ; que si la Société nouvelle E.G.E.V. fait valoir que cette activité comprend la fabrication en atelier d'armoires électriques, elle n'établit pas que les opérations ainsi réalisées, dépasseraient le montage et le cas échéant l'adaptation de composants achetés ; qu'en outre elle ne conteste pas que cet aspect de l'activité n'était lors de l'opération de reprise exercée que pour l'approvisionnement de ses chantiers et ne donnait pas lieu à la commercialisation d'armoires électriques ; que dans ces conditions l'activité reprise par la Société nouvelle E.G.E.V. exercée d'ailleurs avec des immobilisations essentiellement constituées de matériel de transport et d'engins de chantier, et relevant ainsi du secteur économique du génie civil et du bâtiment ne pouvait être regardée comme présentant un caractère industriel au sens des dispositions précitées de l'article 1465 du code général des impôts ; que c'est par suite à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a retenu que l'activité reprise présentait un caractère industriel pour prononcer l'annulation de la décision de refus d'agrément opposée à la société nouvelle E.G.E.V. au motif au contraire de l'absence de caractère industriel de l'activité reprise ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société nouvelle E.G.E.V. tant devant la cour que devant le tribunal administratif ;
Considérant que la circonstance que pour la détermination de leur valeur locative en vue de l'établissement de la taxe foncière sur les propriétés bâties, les bâtiments de la société nouvelle E.G.E.V. aient été évalués comme établissements industriels compte tenu de leur structure et par opposition aux locaux d'habitations et commerciaux, ne saurait être utilement invoquée pour l'application de l'article 1465 du code général des impôts qui s'attache à la nature économique réelle de l'activité exercée ; que la société nouvelle E.G.E.V. ne peut également utilement faire valoir la circonstance qu'à l'occasion d'un litige relatif à l'impôt sur les sociétés, la commission départementale des impôts ait rendu un avis estimant que son activité présentait un caractère industriel ; que s'agissant d'un litige d'excès de pouvoir, la société nouvelle E.G.E.V. ne peut davantage utilement faire valoir, en invoquant les dispositions de l'article L.80-A du livre des procédures fiscales, les définitions des activités industrielles données par des instructions administratives qui, en tout état de cause, se rapportent à des situations différentes et n'entendent pas expliciter la notion d'établissement industriel au sens de l'article 1465 précité ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que le directeur régional des impôts d'Auvergne a, à bon droit, par sa décision du 22 juillet 1993, rejeté la demande d'agrément présentée par la société nouvelle E.G.E.V. et que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Clermont-Ferrand en a prononcé l'annulation ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande de la société nouvelle E.G.E.V. devant le tribunal administratif ;
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante soit condamné à payer une somme à la Société nouvelle E.G.E.V. ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 28 avril 1998 est annulé.
Article 2 : La demande de la Société nouvelle E.G.E.V. devant le tribunal administratif est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la société nouvelle E.G.E.V. tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.