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15/03/1999 | FRANCE | N°98LY01429

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3e chambre, 15 mars 1999, 98LY01429


Vu la requête et les mémoires, enregistrés respectivement le 3 et le 27 août 1998, présentés pour l'association "Maison de l'enfance Prémol", dont le siège est ..., représentée par le président de son conseil d'administration, par Me A..., avocat ;
L'association demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 mai 1998 qui, sur la demande de Mme B... et du syndicat SNAPAC CFDT, a annulé les décisions par lesquelles l'inspecteur du travail de l'Isère et le ministre du travail et des affaires sociales l'avaient, le 30 avril et le 22

octobre 1996, autorisé à procéder au licenciement de Mme B..., délé...

Vu la requête et les mémoires, enregistrés respectivement le 3 et le 27 août 1998, présentés pour l'association "Maison de l'enfance Prémol", dont le siège est ..., représentée par le président de son conseil d'administration, par Me A..., avocat ;
L'association demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 mai 1998 qui, sur la demande de Mme B... et du syndicat SNAPAC CFDT, a annulé les décisions par lesquelles l'inspecteur du travail de l'Isère et le ministre du travail et des affaires sociales l'avaient, le 30 avril et le 22 octobre 1996, autorisé à procéder au licenciement de Mme B..., déléguée syndicale ;
2 ) de rejeter la demande présentée par Mme B... et le SNAPAC CFDT devant le tribunal administratif de Grenoble ;
3 ) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 29 mai 1998 ;
4 ) de prononcer la suspension de l'exécution dudit jugement pour une période de trois mois sur le fondement des dispositions de l'article L.10 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
5 ) de condamner Mme B... à lui verser la somme de 12.000 francs sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
L'association soutient que le tribunal n'a pas répondu aux moyens qu'elle avait fait valoir, après avoir été informée d'un moyen d'ordre public par application de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que les publications au Journal Officiel du 29 juin 1995 de l'avenant 31 de la convention collective ne s'opposait pas, pour son application, à prendre en compte une situation de fait antérieure ; que les stipulations de cet avenant ne prohibent pas une telle façon de procéder ; que toute interprétation contraire est contraire à la volonté des signataires, et que l'association adhère d'ailleurs au SNOGAEC, syndicat signataire ; qu'en application de l'article L.132-7 du code du travail, un avenant se substitue de plein droit aux dispositions qu'il modifie ; que les motifs retenus par l'autorité administrative tenaient autant à la réalité des absences de la requérante qu'au respect des dispositions conventionnelles qui n'étaient pas déterminantes ; que la décision du ministre était également fondée par la circonstance que la mesure envisagée ne présentait pas de lien avec le mandat de Mme B... ; qu'il est établi que le comportement imprévisible de Mme B... perturbait le fonctionnement de l'association et que son remplacement était nécessaire ; que ce même comportement et ses absences ont généré une baisse de fréquentation du centre de loisirs primaire ; qu'il n'existe aucune discrimination, l'impossibilité de parvenir à un accord sur les élections de délégués du personnel incombant principalement à Mme B... ; qu'aucune entrave n'a été portée à l'exercice de son mandat de délégué syndical, qu'elle exerçait de façon négative ; que les procédures disciplinaires à son
encontre n'étaient pas motivées par l'exercice de son mandat ; que le syndicat CFDT a finalement renoncé à l'action pénale pour entrave qu'il avait formée avec la requérante contre l'association ; que la citation directe effectuée par Mme B... devant le tribunal pénal es t également caduque ; qu'elle a renoncé à son action prud'hommale dès mars 1998 ; qu'aucun motif d'intérêt général n'existe pour s'opposer à son licenciement : il demeure une fonction syndicale CGT-FO, représentative et active ; il existe aussi un délégué syndical CGT-FO ; qu'en ce qui concerne la demande de sursis à exécution la réintégration de Mme B... est de nature à l'exposer à une perte définitive d'une somme ne devant pas rester à la charge et à occasionner un préjudice difficilement réparable ; qu'elle soutient des moyens sérieux d'annulation du jugement ; que la demande de suspension est fondée au regard des dispositions de l'article L.10 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistrés le 14 septembre 1998 les mémoires présentés pour Mme Lucie B... et pour le syndicat SNAPAC-CFDT, représenté par son secrétaire général, par Me X..., avocat, qui concluent au rejet des demandes de l'association requérante tendant à la suspension et au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble ;
Ils soutiennent que les conditions nécessaires au prononcé par la cour de telles mesures ne sont pas réunies ;
Vu, enregistrés le 28 septembre 1998 les mémoires produits pour l'association "Maison de l'enfance Prémol" par Me A..., avocat, tendant au prononcé de la suspension et du sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble ;
L'association rappelle au soutien de ces demandes les moyens exposés dans ses mémoires introductifs d'instance ;
Vu, enregistré le 10 octobre 1998, le mémoire en défense présenté pour Mme B... et pour le syndicat SNAPAC-CFDT, représenté par son secrétaire général, par Me X..., avocat ; Mme B... et le syndicat concluent au rejet de la requête et à la condamnation de l'association requérante à leur verser une somme de 15.000 francs sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Ils soutiennent à cet effet que l'employeur de Mme GACHE Z... a déployé une stratégie de harcèlement disciplinaire ; qu'un avenant à une convention collective ne peut avoir d'effet rétroactif ; que des faits antérieurs à son entrée en vigueur ne peuvent être retenus ; que l'association ne démontre pas être neutre du syndicat signataire, et qu'en tout état de cause, une application à la date de signature ne permet pas de comptabiliser depuis cette date 12 mois d'absence consécutifs ; que le texte institue une garantie d'emploi qui s'oppose à tout licenciement ; que l'importance des absences de Mme B... est imputable au comportement de l'employeur qui l'a harcelée par des actions disciplinaires répétées ; que ses absences n'ont pas désorganisé le fonctionnement de l'institution ; qu'elle n'a pas été remplacée pour assurer le même service, mais par une salariée devant travailler à temps partiel ; que ce projet de licenciement est discriminatoire, comme
en témoignent les entraves à la mise en place d'institutions représentatives du personnel (désignation de délégué syndical, élections de délégués du personnel), que la multiplication des actions disciplinaires révèle une entrave aux fonctions de Mme GACHE Z..., que l'administration devait relever ; que des considérations d'intérêt général devaient conduire à refuser le licenciement ;
Vu, enregistrés le 7 décembre 1998, les mémoires produits pour l'association "Maison de l'enfance Premol" par Me A..., avocat, tendant aux mêmes fins que ses demandes initiales ;
L'association soutient que son argumentation est renforcée par les conclusions de l'étude du professeur Y... qu'elle produit; que les moyens qu'elle a fait valoir et qu elle rappelle ne sont pas utilement contestés par la défense, qui développe une argumentation contradictoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 1999 ; - le rapport de M. d'HERVE, premier conseiller ;
- les observations de Me C... substituant la SCP
A...
pour l'Association "maison de l'enfance Prémol" et les observations de Me D... substituant Me X... pour Mme B... et le syndicat SNAPAC CFDT ;
- et les conclusions de M. BERTHOUD, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité :
Considérant qu'aux termes de l'article L.412-18 du code du travail : "le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail..;" ; que, lorsque le licenciement d'un salarié investi d'un tel mandat est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions syndicales de l'intéressé ; que dans le cas où la demande est fondée sur les absences répétées pour maladie du salarié, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les absences de l'intéressé sont d'une importance suffisante pour justifier le licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail et des conditions de fonctionnement de l'entreprise ; qu'au nombre des règles applicables audit contrat appartiennent, lorsqu'elles existent, les conventions collectives auxquelles le contrat de travail fait référence ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant qu'aux termes de l'article 4.4.2. de la convention collective nationale de l'animation socio-culturelle, dans sa rédaction issue de l'avenant du 19 juin 1995 : " ... les arrêts pour maladie dûment justifiés n'entraînent pas la rupture du contrat de travail ( ...) Après douze mois d'absence, consécutifs ou non, au cours d'une période de quinze mois, si l'employeur est dans l'obligation de pourvoir au remplacement définitif du salarié malade, la rupture du contrat de travail est à la charge de l'employeur" ; que si ces dispositions, qui suppriment l'exigence antérieure d'une absence de douze mois consécutifs, sont entrées en vigueur, conformément à l'article 2 dudit avenant, le jour suivant la publication au journal officiel de l'arrêté en prononçant l'extension, soit le 30 juin 1995, cette circonstance ne s'opposait pas à ce qu'il soit tenu compte, pour leur application aux procédures de licenciement postérieures à cette date, des absences pour maladie intervenues antérieurement à la même date, dès lors qu'il résulte clairement desdites dispositions que les signataires de l'avenant n'ont entendu ni différer son effectivité au delà de sa date d'entrée en vigueur, ni conférer un caractère définitif aux situations de fait préexistant à cette même date ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que, dans la période de quinze mois précédant l'ouverture par l'association "Maison de l'enfance Prémol" d'une procédure de licenciement à l'encontre de Mme GACHE Z..., déléguée syndicale, cette dernière a cumulé plus de douze mois, non consécutifs, d'absence pour maladie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 22 octobre 1996 du ministre du travail et des affaires sociales autorisant l'association à procéder à ce licenciement au motif que Mme GACHE Z... n'avait pas été absente pendant une période de douze mois consécutifs, en se fondant ainsi sur les dispositions abrogées de la convention collective de l'animation socio culturelle ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par Mme GACHE Z... et le syndicat national des artistes, des professions de l'animation et de la culture (SNAPAC CFDT) tant devant le tribunal administratif que devant la cour ;
Considérant, en premier lieu, que les absences fréquentes et prolongées de Mme GACHE Z... dont l'imputation à des manoeuvres de l'employeur n'est pas établie, étaient de nature eu égard à ses fonctions de sous-directrice à perturber le fonctionnement de l'association et à nécessiter son remplacement définitif pour assurer la cohérence des actions de l'institution ; que la circonstance que la durée du travail correspondant à ces fonctions ait été réduite à cette occasion est sans incidence sur le bien-fondé de l'appréciation de la nécessité de ce remplacement à laquelle s'est livré le ministre ;
Considérant en deuxième lieu, que la circonstance que des demandes antérieures d'autorisation de licencier la requérante ont été refusées car elle n'étaient pas dépourvues de tout lien avec son activité syndicale ne peut seule suffire à établir l'illégalité de la décision du ministre, en l'absence d'éléments matérialisant dans la présente affaire une volonté discriminatoire, et compte tenu de l'évolution des relations entre la requérante et son employeur ;
Considérant, en dernier lieu, que la remise en cause par le licenciement en litige de la représentation de la seule CFDT au sein du personnel ne peut constituer un motif d'intérêt général sur lequel le ministre pouvait se fonder pour refuser l'autorisation sollicitée par l'association requérante ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association "Maison de l'enfance Prémol" est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 22 octobre 1996 du ministre du travail et des affaires sociales l'autorisant à licencier Mme GACHE Z... ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions susmentionnées et de condamner Mme GACHE Z... à payer à l'association "Maison de l'enfance Prémol" la somme que celle ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que l'association requérante, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à Mme GACHE Z... et au SNAPAC-CFDT la somme qu'ils demandent à ce même titre ;
Article 1er : Le jugement du 29 mai 1998 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme GACHE Z... et le SNAPAC CFDT devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions devant la cour administrative d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de l'association "Maison de l'enfance Prémol" est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 98LY01429
Date de la décision : 15/03/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-07-01-04 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Code du travail L412-18


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. d'HERVE
Rapporteur public ?: M. BERTHOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1999-03-15;98ly01429 ?
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