Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 11 mars 1996 sous le N 96LY00568, présentée par le préfet de l'Isère ;
Le préfet de l'Isère demande à la cour :
1 ) d'annuler l'ordonnance en date du 12 janvier 1996 par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de GRENOBLE a rejeté son déféré tendant à l'annulation du contrat du 28 avril 1992 par lequel le président du conseil général de l'Isère a recruté M. X... en qualité d'administrateur du domaine départemental de VIZILLE ;
2 ) d'annuler pour excès de pouvoir ledit contrat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n 82-213 du 2 mars 1982 modifiée ;
Vu la loi n 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 septembre 1998 :
- le rapport de M. BRUEL, président-rapporteur,
- et les conclusions de M. BERTHOUD, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité du déféré :
Considérant que, aux termes du paragraphe I de l'article 45 de la loi du 2 mars 1982, modifié par la loi du 22 juillet 1982 : "Les actes pris par les autorités départementales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département" ; qu'en vertu du paragraphe II du même article, sont soumises notamment à ces dispositions : "les conventions relatives aux marchés et aux emprunts ainsi que les conventions de concession ou d'affermage de services publics locaux à caractère industriel ou commercial, les décisions individuelles relatives à la nomination ... d'agents du département" ; qu'aux termes du paragraphe III du même article : "Les actes pris au nom du département et autres que ceux mentionnés au paragraphe II sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou à leur notification aux intéressés" ; qu'enfin, aux termes de l'article 46 de la même loi : "le représentant de l'Etat défère au tribunal administratif les actes mentionnés au paragraphe II de l'article 45 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission" ;
Considérant que lorsque la transmission de l'acte au représentant de l'Etat, faite en application des dispositions susmentionnées, ne comporte pas le texte intégral de cet acte ou n'est pas accompagnée des documents annexes nécessaires pour mettre le représentant de l'Etat à même d'apprécier la portée et la légalité de l'acte, il appartient à ce représentant de demander à l'autorité départementale, dans le délai de deux mois de la réception de l'acte transmis, de compléter cette transmission ; que dans ce cas, le délai de deux mois imparti au préfet par l'article 46 de la loi du 2 mars 1982 pour déférer l'acte au tribunal administratif court soit de la réception du texte intégral de l'acte ou des documents réclamés, soit de la décision explicite ou implicite par laquelle l'autorité départementale refuse de compléter la transmission initiale ;
Considérant que le contrat conclu le 28 avril 1992 entre le président du Conseil Général de l'Isère et M. X..., qui avait pour objet de recruter ce dernier en qualité d'administrateur du domaine départemental de VIZILLE, a été transmis au préfet de l'Isère le 14 avril 1995 ; que par lettre du 13 juin 1995, reçue le jour même, le préfet a demandé au président du Conseil Général de compléter cette transmission en lui adressant notamment copie des diplômes et du curriculum vitae de l'intéressé ; que ces pièces doivent être regardées comme des documents annexes nécessaires pour mettre le représentant de l'Etat à même d'apprécier la portée et la légalité du contrat d'engagement d'un contractuel d'une collectivité locale, eu égard aux dispositions de l'article 3 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, dès lors que le contrat ne comportait aucune indication sur la qualification de la personne recrutée ; que, dans ces conditions, la demande de transmission de ces documents a eu pour effet de différer jusqu'à leur réception, intervenue le 25 septembre 1995, le point de départ du délai imparti au représentant de l'Etat pour déférer au tribunal administratif le contrat litigieux ; que, par suite, le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 3ème chambre a rejeté comme tardif son déféré enregistré au greffe le 24 novembre 1995 ; qu'ainsi, ladite ordonnance, en date du 12 janvier 1996, doit être annulée ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur le déféré présenté par le préfet de l'Isère devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Sur la légalité de l'acte en litige :
Considérant qu'aux termes du 3ème alinéa de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors en vigueur : "des emplois permanents peuvent être occupés par des agents contractuels dans les mêmes cas et selon les mêmes conditions de durée que ceux applicables aux agents de l'Etat" et qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : "des agents contractuels peuvent être recrutés dans les cas suivants : 1 - Lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d'occuper les emplois correspondants ; 2 - pour les emplois du niveau de la catégorie A ( ...) lorsque la nature des fonctions ou les besoins du service le justifient" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les missions assignées à l'administrateur du domaine de VIZILLE consistaient à réorganiser sur un plan administratif la gestion de ce domaine et à promouvoir ou développer les activités de celui-ci ; que ces missions, eu égard, à leur nature, pouvaient être confiées à un fonctionnaire territorial et ne nécessitaient donc pas le recours à un agent contractuel ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen du déféré, le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que le contrat de recrutement de M. X... méconnaît les dispositions législatives précitées et qu'il doit, dès lors, être annulé ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser au département de l'Isère la somme qu'il réclame au titre des frais exposés non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Grenoble en date du 12 janvier 1996 est annulée.
Article 2 : Le contrat du 28 avril 1992 par lequel le président du Conseil Général de l'Isère a recruté M. X... en qualité d'administrateur du domaine de VIZILLE est annulé.
Article 3 : Les conclusions du département de l'Isère tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.