Vu le recours, enregistré au greffe de la cour le 27 février 1996, présenté par le ministre de la justice ;
Le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du 21 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 18 août 1992 rejetant la demande de M. X... tendant à accéder à l'échelon exceptionnel de surveillant principal des services extérieurs de l'administration pénitentiaire ;
2 ) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Lyon ;
3 ) de condamner M. X... à payer à l'Etat la somme de 5 000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n 89-567 du 11 août 1989 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 avril 1998 :
- le rapport de M. BRUEL, président-rapporteur ;
- et les conclusions de M. QUENCEZ, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par jugement du 21 décembre 1995, le tribunal administratif de Lyon a, en vertu de l'article 1er de son dispositif, annulé la décision du 18 août 1992 par laquelle le ministre de la justice a rejeté la demande d'accession à l'échelon exceptionnel de surveillant principal des services pénitentiaires formée par M. X... ; que, par l'article 2, il a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par M. X... ; qu'enfin, en vertu de l'article 3, il a condamné l'Etat verser à M. X... une somme de 4 000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Sur la recevabilité du recours du ministre et du recours incident de M. X... :
Considérant que le recours du ministre tend à l'annulation de l'ensemble du jugement susvisé et que le recours incident de M. X..., introduit devant la cour après l'expiration du délai d'appel, tend à l'annulation de l'article 2 du dispositif du même jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions susmentionnées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le ministre n'a intérêt et, partant, n'est recevable qu'à poursuivre l'annulation des articles 1 et 3 du jugement entrepris ; que l'irrecevabilité de l'appel principal en ce qui concerne l'article 2 de ce dispositif entraîne l'irrecevabilité du recours incident de M. X... dirigé contre ledit article ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article L.4-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Par dérogation aux dispositions de l'article L.4, le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin ... statue en audience publique et après audition du commissaire du gouvernement : ... 2 Sur les litiges relatifs à la situation individuelle des agents publics, à l'exception de ceux concernant l'entrée au service, la discipline et la sortie du service ; ... 7 Sur les actions tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une collectivité publique lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur à un montant déterminé par décret en Conseil d'Etat ..." ;
Considérant que les conclusions de M. X... tendaient, d'une part, à l'annulation de la décision susvisée du 18 août 1992 relative à sa situation individuelle, d'autre part, à obtenir une somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts ; qu'il ressort des dispositions législatives ci-dessus que les conclusions en cause, qui sont relatives à la situation individuelle d'un agent public, entraient entièrement dans le champ d'application du 2 de l'article L.4-1 du code, nonobstant la circonstance que les dommages-intérêts réclamés à l' Etat par M. X... excédaient la somme de 50 000 francs au delà de laquelle, en vertu des dispositions combinées des articles L.4-1-7 et R.17-1 du même code, seule une formation collégiale peut statuer sur les actions tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une collectivité publique ; que, dès lors, lesdites conclusions relevaient de la compétence du juge statuant seul en application de l'article L.4-1 précité ; que, par suite, le ministre de la justice n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier pour avoir été rendu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif ;
Sur la recevabilité des conclusions présentées par M. X... devant le tribunal administratif, tendant à l'annulation de la décision du 18 août 1992 :
Considérant qu'aux termes de l'article R.102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Sauf en matière de travaux publics, le tribunal administratif ne peut être saisi que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période de quatre mois susmentionnée. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi ..." ;
Considérant que par lettre du 9 mars 1991, remise à son supérieur hiérarchique le même jour, M. X... a demandé au ministre de la justice de lui accorder le bénéfice de l'échelon exceptionnel prévu par le décret n 89-567 du 11 août 1989 ; que le silence gardé sur cette demande pendant quatre mois a fait naître une décision implicite de rejet que M. X... n'a pas attaquée dans le délai du recours contentieux ; que la décision du 18 août 1992, intervenue postérieurement à l'expiration de ce délai, était purement confirmative de la décision implicite de rejet ; que, par suite, le recours dirigé contre la décision du 18 août 1992, était irrecevable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel faite par le tribunal :
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le ministre de la justice n'était pas la partie perdante devant le tribunal administratif ; que, par suite, les disposions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel faisaient obstacle à ce qu'il fût condamné à payer à M. X... une somme au titre des frais irrépétibles ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la justice est fondé à demander l'annulation des articles 1 et 3 du jugement attaqué et le rejet des conclusions de M. X... tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 18 août 1992, d'autre part, à l'octroi de frais irrépétibles, présentées devant le tribunal administratif ;
Sur les conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L.8-1 du code précité :
Considérant que M. X... succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'il a exposé doit, en conséquence, être rejetée ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de frais irrépétibles formée par le ministre de la justice ;
Article 1er : Les articles 1 et 3 du jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 21 décembre 1995 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Lyon et tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 18 août 1992, d'autre part, à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre de la justice et l'appel incident de M. X... sont rejetés.