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03/04/1998 | FRANCE | N°96LY00176;97LY02309

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3e chambre, 03 avril 1998, 96LY00176 et 97LY02309


Vu 1 ), enregistré au greffe de la cour le 25 janvier 1996 sous le n 96LY00176, le recours présenté par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE qui demande à la cour d'annuler le jugement en date du 24 novembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à rembourser à l'Organisme de gestion de l'enseignement catholique (OGEC) de l'association Le Rocher une somme de 263 165 francs assortie des intérêts au taux légal, en remboursement de cotisations versées au régime de retraite et de prévoyance des cadres ins

titué par la convention collective nationale du 14 mars 1947...

Vu 1 ), enregistré au greffe de la cour le 25 janvier 1996 sous le n 96LY00176, le recours présenté par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE qui demande à la cour d'annuler le jugement en date du 24 novembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à rembourser à l'Organisme de gestion de l'enseignement catholique (OGEC) de l'association Le Rocher une somme de 263 165 francs assortie des intérêts au taux légal, en remboursement de cotisations versées au régime de retraite et de prévoyance des cadres institué par la convention collective nationale du 14 mars 1947 pour la période du 1er janvier 1990 au 30 septembre 1994 ;
Vu 2 ), l'ordonnance, en date du 11 septembre 199,7 par laquelle le président de la cour, saisi le 6 mai 1997 d'une demande de l'OGEC DE L'ASSOCIATION LE ROCHER tendant à l'exécution du jugement susvisé du tribunal administratif de Grenoble du 24 novembre 1995, a ouvert une procédure juridictionnelle en application de l'article R.222-3 alinéa 3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu ladite demande d'exécution, enregistrée comme une requête au greffe de la cour le 11 septembre 1997 sous le n 97LY02309 ; L'OGEC DE L'ASSOCIATION LE ROCHER demande à la cour :
- d'ordonner toute mesure propre à assurer l'exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 novembre 1995 et, en particulier, d'enjoindre à l'Etat de s'acquitter de la condamnation prononcée à son encontre avec les intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 1.000 francs par jour de retard ;
- de lui allouer une somme de 500 francs sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n 59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés, modifiée notamment par la loi n 77-1285 du 25 novembre 1977 ;
Vu la loi n 95-1346 du 30 décembre 1995 portant loi de finances pour 1996 et notamment son article 107 ;
Vu le décret n 96-627 du 16 juillet 1996 portant application de l'article 107 de la loi de finances pour 1996 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 1998 :
- le rapport de M. BOUCHER, conseiller ;

- les observations de Me X..., pour l'OGEC DE L'ASSOCIATION LE ROCHER ;
- et les conclusions de M. QUENCEZ, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le recours du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE et la requête de l'OGEC DE L'ASSOCIATION LE ROCHER tendent respectivement à la réformation et à l'exécution d'un seul et même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur le recours du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE :
En ce qui concerne les conclusions du ministre tendant à la réformation du jugement attaqué :
Considérant qu'en vertu de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1959 modifiée, dans les classes des établissements d'enseignement privés faisant l'objet d'un contrat d'association, l'enseignement est confié à des maîtres liés à l'Etat par contrat ; qu'aux termes de l'article 15 ajouté à la même loi par la loi du 25 novembre 1977 : "Les règles générales qui déterminent les conditions de service et de cessation d'activité des maîtres titulaires de l'enseignement public ainsi que les mesures sociales et les possibilités de formation dont ils bénéficient sont applicables également et simultanément aux maîtres justifiant du même niveau de formation, habilités par agrément ou par contrat à exercer leurs fonctions dans des établissements d'enseignement privés liés à l'Etat par contrat ... - L'égalisation des situations prévues au présent article sera conduite progressivement et réalisée dans un délai maximum de cinq ans" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'Etat, à qui incombe la rémunération des maîtres contractuels ou agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat, doit supporter également les charges sociales afférentes à ces rémunérations, à la condition que ces charges soient légalement obligatoires pour l'employeur ; que tel est le cas des cotisations de prévoyance dues au titre du régime de retraite et de prévoyance des cadres institué par la convention collective étendue du 14 mars 1947, en cause dans le présent litige ;

Considérant, toutefois, que l'Etat n'est tenu de supporter lesdites charges que dans la mesure où il s'agit d'assurer l'égalisation des situations prévue par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1959 ; que la détermination de la proportion desdites cotisations nécessaire pour atteindre cette égalisation relève du pouvoir réglementaire ainsi que le rappelle, en ce qui concerne précisément les cotisations présentement en litige, l'article 107 de la loi de finances du 30 décembre 1995 susvisée, aux termes duquel : "Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les obligations de l'Etat tenant, pour la période antérieure au 1er novembre 1995, au remboursement aux organismes de gestion des établissements d'enseignement privés sous contrat de la cotisation afférente au régime de retraite et de prévoyance des cadres, institué par la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et étendu par la loi n 72-1223 du 29 décembre 1972 portant généralisation de la retraite complémentaire au profit des salariés et anciens salariés, sont égales à la part de cotisation nécessaire pour assurer l'égalisation des situations prévue par l'article 15 de la loi n 59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés, modifiée par la loi n 77-1285 du 25 novembre 1977 ; cette part est fixée par décret en Conseil d'Etat."; que, pour les cotisations dont s'agit, l'article 1er du décret susvisé du 16 juillet 1996 a fixé cette part à 0,062 % de la rémunération brute inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale au titre des périodes concernées ;
Considérant que l'OGEC de l'association Le Rocher, qui a payé les cotisations patronales afférentes au régime de retraite et de prévoyance des cadres de la convention collective du 14 mars 1947, a demandé à l'Etat, par lettre du 15 novembre 1994, le remboursement intégral de ces cotisations ; que l'Etat soutient que le remboursement doit être limité à la part de ces cotisations qui est nécessaire pour assurer une parité de situation entre les maîtres contractuels ou agréés de l'enseignement privé et les maîtres titulaires de l'enseignement public et invoque à cet effet les dispositions susévoquées de l'article 107 de la loi du 30 décembre 1995 et de l'article 1er du décret du 16 juillet 1996 ;

Considérant, d'une part, que les dispositions précitées de l'article 107 de la loi susvisée du 30 décembre 1995 ont pour objet, non de réduire rétroactivement les obligations financières de l'Etat à l'égard des organismes de gestion des établissements d'enseignement privés, mais d'en réaffirmer l'étendue telle qu'elle a été définie par les prescriptions précitées de l'article 15 de la loi du 31 décembre 1959 et de permettre ainsi un règlement des dettes de l'Etat à l'égard desdits organismes conformes à ces prescriptions ; que ces dispositions de l'article 107, qui ne font pas obstacle au droit des organismes de gestion à demander réparation des éventuelles conséquences dommageables du retard mis par le gouvernement à prendre les mesures nécessaires à une exacte application des prescriptions de l'article 15 de la loi du 31 décembre 1959, ne peuvent être regardées comme portant atteinte au principe du droit à un procès équitable énoncé par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, d'autre part, que, compte tenu de ce qui vient d'être dit sur la portée des dispositions de l'article 107 de la loi du 30 décembre 1995, l'OGEC de l'association Le Rocher ne détenait pas un droit au remboursement de la fraction des cotisations en litige excédant ce qui est nécessaire pour parvenir à l'égalisation des situations prévue à l'article 15 de la loi du 31 décembre 1959 et qu'ainsi, cette fraction ne constitue pas un bien dont il aurait pu être dépossédé par l'effet de l'article 107 précité de la loi du 30 décembre 1995, lequel ne peut, dès lors, être regardé comme portant atteinte au droit de toute personne physique ou morale au respect de ses biens énoncé par l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que l'OGEC de l'association Le Rocher ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 1er du protocole additionnel à ladite convention pour soutenir que les dispositions de l'article 107 de la loi du 30 décembre 1995 et celles du décret du 16 juillet 1996 pris sur son fondement, ne sont pas opposables à sa demande de remboursement et que l'Etat est fondé à soutenir que c'est à tort que , par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble l'a condamné à payer à l'OGEC de l'association Le Rocher une somme de 263 165 francs représentant la totalité des cotisations au taux de 1,5 % acquittées pour la période du 1er janvier 1990 au 30 septembre 1994 au titre du régime de retraite et de prévoyance des cadres de la convention collective du 14 mars 1947, alors que le remboursement dû à cet organisme doit être limité à la somme de 10 877,00 francs en application des dispositions susrappelées de l'article 1er du décret du 16 juillet 1996 fixant à 0,062 % de la rémunération brute inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale, la part desdites cotisations dont l'Etat doit supporter la charge ; qu'il y a lieu, dès lors de limiter le montant dû par l'Etat à l'OGEC de l'association Le Rocher à la somme de 10 877,00 francs ;
En ce qui concerne les conclusions de l'OGEC de l'association Le Rocher tendant à la condamnation de l'Etat sur le terrain de la faute dans l'exercice du pouvoir réglementaire :
Considérant qu'à l'appui de sa demande devant le tribunal administratif, l'OGEC de l'association Le Rocher invoquait son droit à obtenir le remboursement de la totalité des cotisations en litige en l'absence de disposition réglementaire limitant ce remboursement et, d'autre part, la faute commise par l'Etat dans l'application de la loi et dans l'exécution du contrat d'association ; que ses prétentions fondées sur la faute résultant du retard mis par l'Etat à prendre les mesures réglementaires nécessaires reposent sur une cause juridique distincte et constituent une demande nouvelle qui, présentée pour la première fois en appel, n'est pas recevable ;
En ce qui concerne l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à l'OGEC de l'association Le Rocher la somme de 4 000,00 francs que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Sur la requête de l'OGEC DE L'ASSOCIATION LE ROCHER :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'exécution :

Considérant qu'aux termes de l'article L.8-4 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt définitif, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. En cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte." ;
Considérant que, comme il vient d'être dit ci-dessus, il y a lieu de réformer le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 novembre 1995 ; que, par suite, il ne peut être fait droit aux conclusions présentées par l'OGEC DE L'ASSOCIATION LE ROCHER tendant à ce que la cour assure l'exécution dédit jugement ;
En ce qui concerne l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à l'OGEC DE L'ASSOCIATION LE ROCHER la somme de 500,00 francs que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La somme de deux cent soixante-trois mille cent soixante-cinq francs (263 165,00 F) que l'Etat a été condamné à verser à l'OGEC de l'association Le Rocher par le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 novembre 1995 est ramenée à dix mille huit cent soixante-dix-sept francs (10 877,00 F).
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 novembre 1995 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions de l'OGEC DE L'ASSOCIATION LE ROCHER dans l'instance n 96LY00176 et sa requête n 97LY02309 sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 96LY00176;97LY02309
Date de la décision : 03/04/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

30-02-07-02-02 ENSEIGNEMENT - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFERENTES CATEGORIES D'ENSEIGNEMENT - ETABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT PRIVES - RELATIONS ENTRE LES COLLECTIVITES PUBLIQUES ET LES ETABLISSEMENTS PRIVES - CONTRIBUTION DE L'ETAT AUX DEPENSES DE FONCTIONNEMENT DES ETABLISSEMENTS PRIVES SOUS CONTRAT D'ASSOCIATION


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1, L8-4
Décret 96-627 du 16 juillet 1996 art. 1
Loi 59-1557 du 31 décembre 1959 art. 4, art. 15
Loi 77-1285 du 25 novembre 1977
Loi 95-1346 du 30 décembre 1995 art. 107


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BOUCHER
Rapporteur public ?: M. QUENCEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1998-04-03;96ly00176 ?
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