La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/1997 | FRANCE | N°95LY01704

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3e chambre, 05 décembre 1997, 95LY01704


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 19 septembre 1995 et 12 janvier 1996, sous le n 95LY01704, présentés pour M. Jacques Y..., demeurant La Dammartine, ..., par la SCP NICOLAY-De LANOUVELLE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
M. Y... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 30 mai 1995, par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie de Lille-Roubaix-Tourcoing à lui payer la somme de 1 500 000 francs av

ec intérêts et capitalisation, en réparation du préjudice subi d...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 19 septembre 1995 et 12 janvier 1996, sous le n 95LY01704, présentés pour M. Jacques Y..., demeurant La Dammartine, ..., par la SCP NICOLAY-De LANOUVELLE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
M. Y... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 30 mai 1995, par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie de Lille-Roubaix-Tourcoing à lui payer la somme de 1 500 000 francs avec intérêts et capitalisation, en réparation du préjudice subi du fait de sa non affiliation à la caisse nationale de retraite des chambres de commerce de 1954 à 1968 ;
2 ) de faire droit à la demande susvisée ainsi qu'à une nouvelle demande de capitalisation des intérêts ;
3 ) de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Lille-Roubaix-Tourcoing à lui verser la somme de 15 000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 52-1611 du 10 décembre 1952 ;
Vu le décret du 30 juillet 1966 ;
Vu les arrêtés ministériels des 3 avril 1954, 25 mai 1956, 28 juillet 1956 et 17 janvier 1958 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 1997 ;
- le rapport de M. BRUEL, président-rapporteur ;
- les observations de Me X..., pour la chambre de commerce et d'industrie de Lille-Roubaix-Tourcoing ;
- et les conclusions de M. QUENCEZ, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Y... recherche la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie de Lille-Roubaix-Tourcoing, venant aux droits de la chambre de commerce de Roubaix à compter du 31 juillet 1966, à raison de la faute qu'aurait commise cet établissement public en ayant omis de l'affilier à la caisse nationale de retraite et de prévoyance du personnel administratif des chambres de commerce (C.N.R.C.C.) pour la période comprise entre le 1er janvier 1956 et le 31 décembre 1968 ;
Sur la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie de Lille-Roubaix-Tourcoing :
En ce qui concerne la période du 1er janvier 1956 au 23 janvier 1958 :
Considérant que le règlement de retraite annexé au statut du personnel administratif des chambres de commerce, homologué par arrêté ministériel du 25 mai 1956 prévoit, dans son article 2, l'affiliation de tout agent titulaire d'une chambre de commerce au régime national de retraite qu'il institue ; que, selon son article 4, ce règlement devait prendre effet le 1er janvier 1956 ; que si les statuts de la C.N.R.C.C. créée par ledit règlement, disposent dans leur article 3 : "Sont admis : en qualité de membres adhérents : les chambres de commerce et régions économiques dont le personnel ne bénéficie pas d'un régime spécial de retraite et prévoyance régulièrement maintenu à titre transitoire.", il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le régime de retraite applicable aux agents de la chambre de commerce de Roubaix, dont le règlement avait été approuvé par décision ministérielle du 25 mai 1919 et son application confirmée par décret du 22 janvier 1936, ait été maintenu provisoirement en vigueur jusqu'à l'intervention de l'arrêté ministériel du 17 janvier 1958 selon lequel le régime national institué en 1956 ne s'applique pas aux agents des chambres de commerce de Roubaix et du Havre ; que, dans ces conditions, à supposer même que ce dernier texte ait été rétroactif, cette rétroactivité eût été illégale ; que, dès lors, la chambre de commerce de Roubaix, qui était tenue d'affilier M. Y... au nouveau régime à compter du 1er janvier 1956 et ne l'a pas fait, a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie de Lille-Roubaix-Tourcoing, attributaire des droits et obligations de celle-ci ; que cette faute a causé un préjudice à M. Y... au titre de la période du 1er janvier 1956 au 23 janvier 1958, date de publication de l'arrêté du 17 janvier 1958 ;
En ce qui concerne la période du 24 janvier 1958 au 31 décembre 1968 :

Considérant que la commission paritaire chargée par la loi précitée du 10 décembre 1952 d'élaborer le statut du personnel administratif des chambres de commerce, était compétente pour délibérer, ainsi qu'elle l'a fait, sur l'exclusion de la chambre de commerce de Roubaix du champ d'application du règlement de retraite institué en 1956 ; que l'arrêté du 17 janvier 1958 entérinant cette délibération n'est donc pas intervenu à la suite d'une procédure irrégulière ; qu'en outre, M. Y... n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté méconnaît le principe d'égalité des citoyens devant la loi, dès lors que les agents de la chambre de commerce de Roubaix n'étaient pas dans la même situation que les agents des chambres de commerce qui ne bénéficiaient pas, avant 1956, d'un régime spécial de retraite ;
Considérant que si M. Y... soutient que la chambre de commerce et d'industrie de Lille-Roubaix-Tourcoing était tenue de l'inscrire à la C.N.R.C.C. dès sa création par décret du 30 juillet 1966, d'une part, l'intervention de ce décret n'emportait pas, par elle-même, abrogation de l'arrêté du 17 janvier 1958, d'autre part, il ne ressort d'aucune des dispositions de ce décret que la nouvelle chambre, attributaire des services gérés par les chambre de commerce et d'industrie de Lille, de Roubaix et de Tourcoing ainsi que de leurs créances et obligations, aurait dû remplir, vis-à-vis des anciens agents de ces chambres, davantage d'obligations que n'en avaient celles-ci ;
Considérant qu'en définitive la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie de Lille-Roubaix-Tourcoing n'est engagée qu'à raison du préjudice subi par M. Y... du fait de sa non affiliation au régime national de retraite des agents des chambres de commerce du 1er janvier 1956 au 23 janvier 1958 ;
Sur le préjudice :
Considérant que M. Y... a produit une démonstration chiffrée précise aux termes de laquelle sa non affiliation au régime national de retraite des agents des chambres de commerce entre le 1er avril 1954 et le 31 décembre 1968, soit pendant 177 mois, lui cause un préjudice à évaluer à 1 500 000 francs ; que la chambre de commerce et d'industrie défenderesse n'a pas contesté cette démonstration dont il y a donc lieu de tenir le résultat pour exact ; que le préjudice résultant de la non affiliation de M. Y... du 1er janvier 1956 au 23 janvier 1958, soit 24 mois et 23 jours, peut donc être calculé sur la base de la somme de 1 500 000 francs à raison de 177 mois, au prorata temporis, pour être finalement fixé, après arrondi, à 200 000 francs ; qu'il y a donc lieu de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Lille-Roubaix-Tourcoing à lui verser cette somme de 200 000 francs ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. Y... a droit aux intérêts au taux légal afférents à l'indemnité de 200 000 francs à compter du 24 septembre 1990, date de réception de sa demande préalable par la chambre de commerce et d'industrie de Lille-Roubaix-Tourcoing ;
Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 19 septembre 1995, 4 octobre 1996 et 7 octobre 1997 ; qu'à chacune de ces dates il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté en totalité sa demande ;
En ce qui concerne l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. Y..., qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser à la chambre de commerce et d'industrie de Lille-Roubaix-Tourcoing la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés ; qu'en revanche, il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Lille-Roubaix-Tourcoing à payer à M. Y... la somme de 6 000 francs ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 30 mai 1995 est annulé.
Article 2 : La chambre de commerce et d'industrie de Lille-Roubaix-Tourcoing est condamnée à verser à M. Y... une somme de 200 000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 1990. Les intérêts échus les 19 septembre 1995, 4 octobre 1996 et 7 octobre 1997 seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La chambre de commerce et d'industrie de Lille-Roubaix-Tourcoing versera à M. Y... une somme de 6 000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux adminsitratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 95LY01704
Date de la décision : 05/12/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-01-03-04 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - AGISSEMENTS ADMINISTRATIFS SUSCEPTIBLES D'ENGAGER LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - OMISSIONS


Références :

Arrêté du 25 mai 1956 art. 2, art. 3
Arrêté du 17 janvier 1958
Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret du 22 janvier 1936
Décret du 30 juillet 1966
Loi 52-1611 du 10 décembre 1952


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BRUEL
Rapporteur public ?: M. QUENCEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1997-12-05;95ly01704 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award