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17/10/1997 | FRANCE | N°95LY00046;95LY00446

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3e chambre, 17 octobre 1997, 95LY00046 et 95LY00446


Vu, 1°) la requête enregistrée au greffe de la cour le 9 janvier 1995 sous le n 95LY00046, présentée par M. Gilles Y..., demeurant La Frégate, ..., par Me X..., avocat ;
M. Y... demande à la cour d'annuler le jugement en date du 9 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Nice a, d'une part, rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 1991 par lequel le secrétariat d'Etat à la mer l'a réintégré et affecté au quartier des affaires maritimes de Nice à compter du 1er octobre 1991 et de l'arrêté du 26 octobre 1992 par lequel le secré

taire d'Etat à la mer l'a radié des cadres à compter du 26 octobre 1992 ...

Vu, 1°) la requête enregistrée au greffe de la cour le 9 janvier 1995 sous le n 95LY00046, présentée par M. Gilles Y..., demeurant La Frégate, ..., par Me X..., avocat ;
M. Y... demande à la cour d'annuler le jugement en date du 9 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Nice a, d'une part, rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 1991 par lequel le secrétariat d'Etat à la mer l'a réintégré et affecté au quartier des affaires maritimes de Nice à compter du 1er octobre 1991 et de l'arrêté du 26 octobre 1992 par lequel le secrétaire d'Etat à la mer l'a radié des cadres à compter du 26 octobre 1992 et, d'autre part, ses demandes tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme correspondant aux traitements qu'il aurait dû percevoir depuis le 30 septembre 1992 ainsi que la somme de 2 000 francs par mois depuis sa radiation des cadres en réparation des préjudices par lui subis, ainsi qu'au paiement d'une astreinte de 5 000 francs par mois à compter de la date de jugement ;
Vu, 2°) la requête enregistrée au greffe de la cour le 8 mars 1995 sous le n 95LY00446, présentée pour M. Gilles Y..., demeurant La Frégate, ..., par Me X..., avocat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le décret n 85-607 du 14 juin 1985 ;
Vu le décret n 86-442 du 14 mars 1986 ;
Vu la loi n 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la décision du président de la cour qui délègue à M. BOUCHER, conseiller rapporteur, les pouvoirs qu'il tient de l'article R.129 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, et la décision de M. BOUCHER transmettant la requête n 95LY00446 à la 3ème chambre pour qu'il y soit statué collégialement ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 1997 ;
- le rapport de M. BOUCHER, conseiller ;
- les observations de Me X... pour M. Y... ;
- et les conclusions de M. QUENCEZ, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête enregistrée sous le n 95LY00046 et la requête enregistrée sous le n 95LY00446 concernent la situation d'un même agent ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;
Sur la légalité de l'arrêté du 30 septembre 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article 12 du décret du 14 juin 1985 relatif à la formation professionnelle des agents de l'Etat : "Les fonctionnaires ont la possibilité de demander ... b) Un congé de formation professionnelle afin de parfaire leur formation personnelle ; la durée de ce congé ne peut excéder trois ans pour l'ensemble de la carrière ; ce congé est accordé dans la limite des crédits disponibles, sans préjudice des dispositions prévues au quatrième alinéa de l'article 16." ; qu'aux termes de l'article 17 de ce même décret : "Le fonctionnaire reprend de plein droit son service au terme du congé, ou au cours de celui-ci, s'il a demandé à en interrompre le déroulement. Le fonctionnaire qui, à l'issue de son congé, est affecté à un emploi situé dans une localité différente de celle où il exerçait ses fonctions lors de sa mise en congé perçoit les indemnités pour frais de changement de résidence prévues par les textes réglementaires en vigueur, sauf si le déplacement a lieu sur sa demande" et qu'aux termes de l'article 24 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des conditions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime des congés de maladie des fonctionnaires : "Sous réserve des dispositions de l'article 27 ci-dessous, en cas de maladie dûment constatée et mettant le fonctionnaire dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, celui-ci est de droit mis en congé de maladie" ;
Considérant que, contrairement à ce qu'il soutient, M. Y... ne se trouvait pas en congé de maladie depuis neuf mois lorsque, par arrêté du 30 septembre 1991, il a été réintégré à compter du 1er octobre 1991 pour être affecté au quartier des affaires maritimes de Nice puis placé en congé de maladie à compter de cette date ; qu'en effet, jusqu'à la date de cette réintégration, il se trouvait en congé de formation et n'avait jamais été placé, ni d'ailleurs demandé à être placé, en congé de maladie ; qu'aucune disposition du décret susvisé du 14 mars 1986 n'imposait que le comité médical départemental soit consulté, avant sa réintégration, sur son aptitude physique à occuper un emploi ; que, dès lors, M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté susmentionné du 30 septembre 1991 ;

Sur la légalité de l'arrêté du 26 octobre 1992 :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si, par courrier du 17 août 1992, M. Y... a été invité à rejoindre son poste au sein de la direction des affaires maritimes de Nice dans un délai de vingt-quatre heures, cette mise en demeure ne comportait pas l'indication qu'une radiation des cadres pour abandon de poste découlerait d'un refus ; que, dans ces conditions, la mise en demeure préalable à la constatation de l'abandon de poste ne peut être regardée comme régulière ; qu'il s'ensuit que M. Y... est fondé à soutenir que l'arrêté du 26 octobre 1992 prononçant sa radiation des cadres est intervenu sur une procédure irrégulière et à demander l'annulation de cet arrêté et du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à son annulation ;
Sur la demande d'indemnité :
Considérant qu'en radiant M. Y... des cadres pour abandon de poste au terme d'une procédure irrégulière, l'administration a commis une faute ; qu'en revanche, M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration l'a considéré comme apte à reprendre son emploi dès lors que le comité médical départemental avait émis en ce sens un avis qui n'est pas sérieusement contesté ; qu'il n'est pas non plus fondé à se prévaloir du fait qu'il n'a pas été mis en disponibilité dès lors qu'il n'a pas contesté et ne conteste pas la légalité du refus implicite opposé à la demande de mise en disponibilité qu'il avait présentée avant sa réintégration ni n'indique à quel titre il aurait pu être placé en disponibilité à la date à laquelle l'administration lui a demandé de rejoindre son poste ;
Considérant que M. Y... a droit à la réparation du préjudice que lui a causé la faute commise par l'administration qui engage la responsabilité de l'Etat ; que, toutefois, en l'absence de service fait, M. Y... ne saurait prétendre au paiement de l'intégralité des traitements qu'il aurait perçus s'il n'avait été irrégulièrement évincé du service ; que l'indemnité à laquelle peut prétendre le requérant doit être évaluée en fonction du préjudice effectivement subi par lui, compte tenu de la nature de la faute commise par l'administration ainsi que du comportement de l'intéressé ;
Considérant que, comme il vient d'être dit, l'administration a commis une faute en prenant une décision de radiation des cadres au terme d'une procédure irrégulière ; que, pour sa part, M. Y... a manqué à ses obligations en ne rejoignant pas, malgré l'invitation de son chef de service, le poste sur lequel il avait été légalement affecté à Nice par un arrêté du 30 septembre 1991 et pour lequel il avait été reconnu apte par le comité médical départemental selon un avis qu'il n'a pas sérieusement contesté ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice de M. Y... en condamnant l'Etat à lui verser une somme de 50 000 francs y compris tous intérêts échus au jour du présent arrêt ;

Sur l'application de l'article L.8-2 et de l'article L.8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt." ; et qu'aux termes de l'article L.8-3 de ce même code : "Saisi de conclusions en ce sens, le tribunal ou la cour peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application de l'article L.8-2 d'une astreinte qu'il prononce dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article L.8-4 et dont il fixe la date d'effet." ;
Considérant qu'en application de ces dispositions et du fait de l'annulation de l'arrêté du 26 octobre 1992 portant radiation des cadres de M. Y..., il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme de réintégrer M. Y... dans ses fonctions de contrôleur de 2ème classe des affaires maritimes au quartier des affaires maritimes de Nice à compter du 26 octobre 1992 et de reconstituer sa carrière à compter de cette même date ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir ces prescriptions d'une astreinte ;
Sur la demande de provision :
Considérant qu'il a été statué ci-dessus sur la demande d'indemnité présentée par M. Y... ; que, dès lors, les conclusions de sa requête n 95LY00446 tendant à l'allocation d'une provision à valoir sur cette indemnité, sont devenues sans objet ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, susvisée : "L'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y... a demandé le bénéfice de l'aide juridictionnelle le 3 mars 1995 ce qui lui a été accordé par décision du 9 novembre 1995 ; qu'il peut, dès lors, se prévaloir des dispositions précitées pour demander l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. Y... une somme de 5 000 francs en application dudit article L.8-1 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 9 décembre 1994 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. Y... tendant à l'annulation de l'arrêté du secrétaire d'Etat à la mer en date du 26 octobre 1992 et à la condamnation de l'Etat au paiement d'une indemnité.
Article 2 : L'arrêté du 26 octobre 1992 portant radiation de M. Gilles Y... des cadres du corps des contrôleurs des affaires maritimes est annulé.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. Gilles Y... une indemnité de cinquante mille francs (50 000 francs).
Article 4 : Il est enjoint au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme de réintégrer M. Gilles Y... dans ses fonctions de contrôleur des affaires maritimes au quartier des affaires maritimes de Nice à compter du 26 octobre 1992 et de reconstituer sa carrière à compter de cette même date.
Article 5 : L'Etat est condamné à verser à M. Y... une somme de 5 000 francs en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. Du fait de cette condamnation, l'Etat ne versera pas à l'avocat de M. Y... la contribution due au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.
Article 7 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n 95LY00446.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 95LY00046;95LY00446
Date de la décision : 17/10/1997
Sens de l'arrêt : Annulation condamnation de l'état
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

36-10-04,RJ1 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CESSATION DE FONCTIONS - ABANDON DE POSTE -Mise en demeure préalable - Contenu - Absence de mention de conséquences d'une abstention d'y déférer - Irrégularité.

36-10-04 La procédure de constatation de l'abandon de poste est irrégulière quand la mise en demeure préalable d'avoir à rejoindre son poste dans un délai fixé adressée à l'agent ne comporte pas l'indication que son abstention d'y déférer entraînerait sa radiation des cadres. Illégalité de l'arrêté prononçant la radiation des cadres.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-3, L8-2, L8-1
Décret 85-607 du 14 juin 1985 art. 12
Décret 86-442 du 14 mars 1986 art. 24
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 37

1. Comp. CE, 1991-01-30, Mme Camier, n° 92845 ;

CE, 1995-05-10, Mlle Lombard et Ministre des postes, des télécommunications et de l'espace, n° 121096 et 121222


Composition du Tribunal
Président : M. Vialatte
Rapporteur ?: M. Boucher
Rapporteur public ?: M. Quencez

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1997-10-17;95ly00046 ?
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