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18/09/1997 | FRANCE | N°97LY00683

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 18 septembre 1997, 97LY00683


Vu la décision en date du 28 février 1997, enregistrée au greffe de la cour le 26 mars 1997, par laquelle le Conseil d'Etat a annulé en toutes ses dispositions l'arrêt, en date du 21 juin 1994, de la cour administrative d'appel de Lyon, qui d'une part a partiellement fait droit aux conclusions tendant à la réformation du jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 27 mai 1993, ayant condamné l'Etat à verser à Mme Y... diverses indemnités à raison des préjudices subis à titre personnel et en sa qualité de tutrice légale de son fils mineur à la suite de l'accident

mortel de la circulation survenu à son mari le 26 décembre 1989...

Vu la décision en date du 28 février 1997, enregistrée au greffe de la cour le 26 mars 1997, par laquelle le Conseil d'Etat a annulé en toutes ses dispositions l'arrêt, en date du 21 juin 1994, de la cour administrative d'appel de Lyon, qui d'une part a partiellement fait droit aux conclusions tendant à la réformation du jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 27 mai 1993, ayant condamné l'Etat à verser à Mme Y... diverses indemnités à raison des préjudices subis à titre personnel et en sa qualité de tutrice légale de son fils mineur à la suite de l'accident mortel de la circulation survenu à son mari le 26 décembre 1989 sur la RN 75 au lieu-dit "La Dangereuse" et, d'autre part, a rejeté pour irrecevabilité la demande présentée par la Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France devant le tribunal administratif de Grenoble tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser en tant qu'elle est subrogée aux droits et actions de Mme Y..., et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Lyon ;
Vu le recours et le mémoire complémentaire, enregistrés le 2 août et le 29 septembre 1993 au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon, présentés par le ministre de l'équipement des transports et du tourisme ;
Le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme demande à la cour:
1 ) d'annuler le jugement, en date du 27 mai 1993, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à verser d'une part à Mme Y... une indemnité de 241.998,43 francs au titre de son préjudice propre, et une indemnité de 6710,50 francs en tant qu'administrateur légal de son fils mineur Aina, et d'autre part à la MACIF une indemnité de 234.589,50 francs, en réparation des conséquences dommageables de l'accident survenu le 26 décembre 1989 sur la route nationale 75 au lieu-dit "la Dangereuse" ;
2 ) de rejeter la demande présentée par Mme Y... et la MACIF devant le tribunal administratif ;
Il soutient que la présence d'une plaque de verglas n'excède pas les risques auxquels les automobilistes peuvent s'attendre en décembre, à une heure matinale ; qu'elle a fait l'objet d'une signalisation, comportant des panneaux fixes et des panonceaux type M9 "risque de verglas"; que l'administration ne peut procéder à la signalisation et au salage de toutes les portions de routes verglacées ; que la conductrice, qui a reconnu rouler à 90 km/h a commis un excès de vitesse compte tenu des circonstances et notamment de sa probable fatigue ;
Vu les autres pièces du dossier;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 septembre 1997 ;
- le rapport de M. BERTHOUD, conseiller ;
- les observations de Me X..., substituant la SCP CAILLAT DAY et
associés, avocat de la MACIF et de Mme Y... ; ;
- et les conclusions de M. BEZARD, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme a demandé à la cour d'annuler le jugement en date du 27 mai 1993 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a déclaré l'Etat responsable de la moitié des conséquences dommageables de l'accident de voiture survenu le 26 décembre 1989 vers 5 heures du matin sur la route nationale 75, au lieu dit "La Dangereuse", au cours duquel M. Paoly Y... a trouvé la mort, et condamné l'Etat à verser d'une part à son épouse une indemnité de 241.998,43 france au titre de son préjudice propre et une indemnité de 6.710,50 francs en tant qu'administrateur légal de son fils mineur Aina, et d'autre part à la MACIF, assureur de la victime, une indemnité de 234.589,50 francs; que par la voie du recours incident, Mme Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en celui de son fils, et la MACIF, se prévalant d'une subrogation dans leurs droits, ont demandé la réformation du jugement, en tant qu'il a exonéré l'Etat de la moitié des conséquences dommageables de l'accident et l'a condamné à leur verser une indemnité insuffisante ; que l'arrêt du 21 juin 1994, par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a statué sur les conclusions susmentionnées, ayant été annulé par le Conseil d'Etat dans toutes ses dispositions, il appartient à la juridiction de renvoi de se prononcer sur l'ensemble de ces conclusions ;
Sur les droits de la MACIF :

Considérant qu'à la suite du décès de M. Y..., ses ayants droit ont bénéficié de la garantie prévue par le contrat passé par ce dernier avec la compagnie d'assurances MACIF et dénommée "avance sur recours" ; qu'il résulte clairement de l'objet d'une telle garantie, qui consiste à verser au bénéficiaire, en cas de décès accidentel de l'assuré, des sommes dont les modalités de calcul sont fixées à l'avance et qui prennent la forme, non d'une réparation totale ou partielle, mais d'une avance sur les indemnités éventuellement obtenues à l'issue du recours engagé par le bénéficiaire contre le tiers responsable de l'accident, que ladite clause du contrat passé par M. Y... avec la MACIF constituait une assurance de personnes, soumise aux règles prévues à l'article L 131-1 et suivants du code des assurances, dans leur rédaction applicable à la date du paiement à Mme Y... des sommes dont le réglement est attesté par les pièces versées au dossier ; que la circonstance que Mme Y... a signé, à la suite du versement par l'assureur d'un capital-décès, une quittance, dont le caractère subrogatoire n'est d'ailleurs pas confirmé par les résultats de l'instruction, ne saurait faire obstacle à l'application des dispositions susmentionnées; que, par ailleurs, si la MACIF a conclu le 28 novembre 1991 avec Mme Y... une transaction aux termes de laquelle l'assureur s'engageait à verser au bénéfice du jeune Aina une rente annuelle temporaire destinée à indemniser le préjudice économique qu'il a subi du fait du décès de son père, elle ne justifie à cet égard d'aucune créance subrogatoire ; qu'il s'ensuit que la MACIF ne saurait invoquer à son profit les dispositions de l'article 121-12 du code des assurances, de telles dispositions n'autorisant la subrogation de l'assureur à l'assuré que dans le cas d'une prestation de caractère indemnitaire payée par l'assureur au titre d'une assurance subrogatoire ; que la MACIF ne peut non plus se prévaloir d'aucune clause au contrat prévoyant la possibilité d'un recours subrogatoire ; qu'il appartient, dès lors, à la compagnie d'assurances, conformément aux clauses du contrat, d'obtenir de la bénéficiaire de la garantie, à l'issue du recours, le remboursement de la somme avancée ; qu'il suit de là que le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme est fondé à demander l'annulation de l'article 1 du jugement attaqué du tribunal administratif de Grenoble qui a condamné l'Etat à verser à la MACIF la somme de 234.589,50 francs, représentant la moitié du capital-décès et des arrérages échus et à venir de la rente susmentionnée ;
Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'accident a été provoqué par le dérapage du véhicule piloté par Mme Y... sur une importante nappe de verglas, dont la formation sur la voie publique était prévisible en raison de la température nocturne alors constatée et de la proximité immédiate du Rhône; que s'il existait, de part et d'autre du lieu de l'accident, des panneaux fixes signalant une "chaussée glissante", l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de la mise en place de panonceaux amovibles mettant en garde contre le risque de verglas ; qu'ainsi, en l'absence de signalisation appropriée, l'entretien normal de la route nationale n'est pas établi ; que par suite, le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu la responsabilité de l'Etat ;
Considérant cependant qu'il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal de gendarmerie versé au dossier, que Mme Y... roulait à une vitesse excessive, compte tenu des circonstances de temps et de lieu, et n'a pas été capable de conserver la maîtrise de son véhicule sur une route rectiligne ; que cette faute est de nature à atténuer la responsabilité de l'Etat à concurrence de la moitié des conséquences dommageables de l'accident, ainsi que l'ont estimé les premiers juges ; que par suite, Mme Y... n'est pas fondée à soutenir, par la voie du recours incident, que l'Etat est entièrement responsable de ces conséquences ;
Sur l'évaluation du préjudice et les droits de Mme Y... et de son fils :
Considérant que les frais funéraires supportés par Mme Y... s'élèvent à la somme, non contestée, de 11.596,87 francs ; que compte tenu des revenus annuels de M. Y..., qui s'élevaient à 110.000 francs à la date de l'accident, il sera fait une juste appréciation du préjudice économique subi par Mme Y... en l'évaluant à 970.000 francs ; que les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation de son préjudice moral en le fixant à 50.000 francs ; qu'il sera fait une juste évaluation du préjudice économique et du préjudice moral résultant pour le jeune Aina du décès de son père, en portant respectivement leur montant à 260.000 francs et à 30.000 francs ; qu'ainsi, les préjudices subis par Mme Y... et par son fils s'établissent respectivement à 1.031.596,87 francs et 290.000 francs ; que, compte tenu du partage de responsabilité retenu, Mme Y... est fondée à demander que ses droits soient portés à 515.798,43 francs et ceux de son fils à 145.000 francs ; qu' il y a lieu de réformer en ce sens l'article 2 du jugement attaqué et de rejeter le surplus des conclusions incidentes présentées par Mme Y... ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant qu'aux dates du 10 novembre 1993 et du 19 juin 1997, il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes, dans le cas où le jugement du tribunal administratif de Grenoble n'aurait pas reçu exécution ;
Sur l'application des dispositions de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que les dispositions susanalysées font obstacle à ce que l'Etat soit condamné à rembourser les frais exposés par la MACIF, partie perdante dans la présente instance ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à Mme Y... la somme de 4.000 francs au titre des frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 27 mai 1993 est annulé.
Article 2 : La demande de la MACIF présentée devant le tribunal administratif est rejetée.
Article 3 : Les sommes de 241.998,43 francs et 6.710,50 francs que l'Etat a été condamné à verser à Mme Y... au titre de son préjudice propre et du préjudice subi par son fils mineur Aina par le jugement susmentionné sont portées respectivement à 515.798,43 francs et 145.000 francs.
Article 4 : L' article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 mai 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Les intérêts des sommes que l'Etat a été condamné à payer porteront intérêt à compter du 10 novembre 1993 et du 19 juin 1997 si le jugement n'a pas reçu exécution.
Article 6 : L'Etat est condamné à verser à Mme Y... la somme de 4.000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 7 : Le surplus des conclusions du recours du ministre de l'équipement des transports et du tourisme est rejeté, ainsi que le surplus des conclusions incidentes présentées par Mme Y....


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 97LY00683
Date de la décision : 18/09/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-05-03-02 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RECOURS OUVERTS AUX DEBITEURS DE L'INDEMNITE, AUX ASSUREURS DE LA VICTIME ET AUX CAISSES DE SECURITE SOCIALE - SUBROGATION - SUBROGATION DE L'ASSUREUR


Références :

Code civil 1154
Code des assurances L131-1, L121-12
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M.BERTHOUD
Rapporteur public ?: M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1997-09-18;97ly00683 ?
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