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19/06/1997 | FRANCE | N°94LY00774

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 19 juin 1997, 94LY00774


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 13 mai et 2 août 1994, présentés pour la société National Westminster Bank S.A, dont le siège social est ..., représentée par son président directeur général en exercice, par Me Kuchukian, avocat ;
La société National Westminster Bank demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 91-1792 du 28 mars 1994, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que la ville de Marseille soit condamnée à lui verser la somme de 656.934,67 francs, montant total

des créances sur ladite ville qui lui ont été cédées par la Société Aixois...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 13 mai et 2 août 1994, présentés pour la société National Westminster Bank S.A, dont le siège social est ..., représentée par son président directeur général en exercice, par Me Kuchukian, avocat ;
La société National Westminster Bank demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 91-1792 du 28 mars 1994, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que la ville de Marseille soit condamnée à lui verser la somme de 656.934,67 francs, montant total des créances sur ladite ville qui lui ont été cédées par la Société Aixoise de Viabilité, Réseaux et Génie civil (S.A.V.R.), avec intérêts de droit ;
2 ) de condamner la ville de Marseille à lui verser les sommes de 28.810,31 francs, 277.926,05 francs, 234.940,46 francs et 115.257,85 francs avec intérêts au taux légal à compter, respectivement, du 31 décembre 1990, 15 février 1991, 15 mars 1991 et 28 mars 1991 ou sinon à compter du 28 mars 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n 81-1 du 2 janvier 1981 modifiée ;
Vu le décret n 81-862 du 9 septembre 1981 modifié ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 5 juin 1997 :
- le rapport de M. BERTHOUD, conseiller ;
- les observations de Me KUCHUKIAN, avocat de la société nationale WESTMINSTER BANK représentée par M. CHANDLER, liquidateur amiable, et de Me COUTARD, avocat de la ville de Marseille ;

Considérant que par marché n 89-128, la ville de Marseille a confié à la Société Aixoise de Viabilité, Réseaux et Génie civil (S.A.V.R.) la réalisation d'ouvrages au stade Weygand pour un montant de 1.709.675,93 francs; que la S.A.V.R a cédé à la société National Westminster Bank, dans le cadre de la loi n 81-1 du 2 janvier 1981, des créances correspondant au règlement de travaux effectués pour un montant total de 656.934,67 francs; que la ville de Marseille a fait procéder à un paiement direct des sommes correspondantes au bénéfice de la S.A.V.R. et des sous-traitants présentés par cette dernière ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant que la requête de la Société National Westminster Bank, qui tend à l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande et à la condamnation de la ville de Marseille à lui régler la somme susmentionnée, n'est pas fondée sur une cause juridique distincte de celle sur laquelle repose sa demande de première instance et ne saurait, dès lors, être regardée comme une demande nouvelle en appel; que contrairement à ce que soutient la ville de Marseille, le mémoire introductif d'instance déposé par la société requérante dans le délai d'appel n'est pas dépourvu de moyens; que par suite, la double fin de non-recevoir opposée par la ville intimée ne peut qu'être rejetée ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que la circonstance que la Société National Westminster Bank n'était pas partie au marché de travaux publics passé entre la ville de Marseille et la S.A.V.R. était sans influence sur la recevabilité de la demande présentée en première instance par cet établissement de crédit sur le fondement de la loi susmentionnée du 2 janvier 1981; que par ailleurs, il résulte de l'instruction que le directeur de la succursale de Marseille de la Société National Westminster Bank était régulièrement mandaté par le conseil d'administration de cette société bancaire pour intenter toutes actions devant toutes juridictions; que par suite, la ville de Marseille n'est pas fondée à soutenir que la demande présentée par la banque en première instance était irrecevable ;

Sur les droits de la société requérante :
Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi susvisée du 2 janvier 1981 : "La cession ... prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date portée sur le bordereau. A compter de cette date, le client de l'établissement de crédit bénéficiaire du bordereau ne peut sans l'accord de cet établissement, modifier l'étendue des droits attachés aux créances représentées par ce bordereau" ; qu'aux termes de l'article 5 : "L'établissement de crédit peut à tout moment, interdire au débiteur de la créance cédée ... de payer entre les mains du signataire du bordereau. A compter de cette notification, dont les formes seront fixées par le décret en Conseil d'Etat prévu à l'art. 13, le débiteur ne se libère valablement qu'auprès de l'établissement de crédit" ; qu'aux termes de l'article 2 dudit décret : "La notification prévue à l'article 5 de la loi n 81-1 du 2 janvier 1981 peut être faite par tout moyen ... En cas de litige, l'établissement qui a notifié doit apporter la preuve de la connaissance par le débiteur de la notification selon les règles de preuve applicables au débiteur de la créance cédée ..." ; qu'enfin, aux termes de l'article 189 du code des marchés publics : "En cas de notification, l'exemplaire unique du marché prévu à l'article 188 doit être remis au comptable assignataire en tant que pièce justificative pour le paiement" ;
Considérant que par lettres des 19 octobre 1990, 11 janvier 1991, 24 janvier 1991 et 31 janvier 1991, adressées au trésorier principal de la ville de Marseille et reçues par ce dernier respectivement les 24 octobre 1990, 21 janvier 1991, 30 janvier 1991 et 5 février 1991, l'établissement de crédit requérant a entendu non seulement demander à la ville de Marseille, débiteur cédé, d'accepter la cession des créances en litige, mais aussi lui interdire, sur le fondement de l'article 5 précité de la loi du 2 janvier 1981, de se libérer de ses dettes en effectuant des paiements à d'autres qu'à la banque, cessionnaire de ces créances ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les trois premières notifications, qui ne mentionnaient pas le numéro du marché dont s'agit et ne faisaient pas référence à un ordre de service, à un acompte ou à une facture, ne comportaient pas les précisions énumérées à l'annexe III du décret du 9 septembre 1981 susmentionné, et permettant de déterminer la nature et l'origine des créances correspondantes, dont le montant s'élevait respectivement à 28.810,31 francs, 115.257,85 francs et 277.926.05 francs ; qu'en outre, elles n'étaient pas accompagnées de l'exemplaire unique du marché mentionné par les articles 188 et 189 du code des marchés publics ; que par suite, c'est à bon droit que le comptable assignataire a regardé ces notifications comme irrégulières et retourné à la banque cessionnaire les bordereaux relatifs à ces créances ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la banque aurait procédé ultérieurement à la notification régulière desdites créances ; que dès lors, les notifications susmentionnées, en tant qu'elles comportaient interdiction de payer à d'autres qu'à la société requérante, n'étaient pas opposables à la ville de Marseille ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment des correspondances, en date des 27 février et 17 mars 1991, échangées entre la banque et le trésorier principal, que la notification reçue par ce dernier le 5 février 1991 comportait les indications permettant l'identification de la créance concernée et était accompagnée de l'exemplaire unique du marché conclu entre la ville de Marseille et la S.A.V.R. ; que la ville soutient que ladite notification était irrégulière dès lors que cet exemplaire n'était pas cantonné à la part du marché de la S.A.V.R et ne permettait donc pas, compte tenu de l'existence de sous-traitants, l'individualisation de la créance concernée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2-II du code des marchés publics : "L'acceptation de chaque sous-traitant et l'agrément des conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance doivent être demandées dans les conditions suivantes ... Dans le cas où la demande est présentée après la conclusion du marché ... Le titulaire doit en outre établir que la cession ou le nantissement de créance résultant du marché ne fait pas obstacle au paiement direct du sous-traitant en produisant soit l'exemplaire unique du marché qui lui a été délivré, soit une attestation de l'établissement de crédit bénéficiaire de la cession ou du nantissement" ;
Considérant que si la ville de Marseille a versé au dossier plusieurs actes portant déclaration et désignation de sous-traitants de la société S.A.V.R., au profit desquels elle a fait procéder à un paiement direct, il résulte de l'instruction qu'en l'absence de production par la S.A.V.R. de l'exemplaire unique du marché ou de l'attestation de l'établissement de crédit bénéficiaire du nantissement du marché, l'agrément des conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance n'a pu légalement intervenir antérieurement à la notification de la cession de la créance dont s'agit ; que par suite, l'exemplaire unique du marché transmis au comptable par la banque cessionnaire n'avait pas à être cantonné à la part de marché du cédant ; qu'il suit de là que la notification de cession de créance reçue par le trésorier principal le 5 février 1991 et portant sur un montant de 234 940,46 francs, devait être regardée comme régulière; qu'elle était donc opposable à la ville de Marseille, qui ne pouvait, dès lors, se libérer de cette dette en payant entre les mains de la S.A.V.R ou de ses sous-traitants ;
Considérant qu'il ressort des pièces produites par la ville de Marseille elle-même que les versements effectués, postérieurement à la notification susmentionnée, au bénéfice des sous-traitants de la S.A.V.R., sont supérieurs à la somme de 234.940,46 francs; qu'il résulte de ce qui précède que, alors même qu'elle ne s'est pas engagée à payer directement l'établissement cessionnaire de cette créance dans les formes prévues par l'article 6 de la loi susvisée, la ville de Marseille ne saurait se prévaloir de ces versements pour refuser à la société National Westminster Bank le paiement de cette somme ; que par suite, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a entièrement rejeté sa demande d'indemnité, et à demander la condamnation de la ville de Marseille à lui verser la somme de 234.940,46 francs, accompagnée des intérêts au taux légal, à compter du 28 mars 1991, date de cette demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions susanalysées font obstacle à ce que la société National Westminster Bank, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser à la ville de Marseille la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement, en date du 28 mars 1994, du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La ville de Marseille est condamnée à payer à la société National Westminster Bank la somme de 234.940,46 francs, accompagnée des intérêts au taux légal à compter du 28 mars 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société National Westminster Bank et de sa demande de première instance est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées pour la ville de Marseille et tendant à ce qu'il soit fait application à son bénéfice des dispositions de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 94LY00774
Date de la décision : 19/06/1997
Sens de l'arrêt : Annulation condamnation de la ville de marseille
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - Cession de créance (loi n° 81-1 du 2 janvier 1981) - Notification au maître de l'ouvrage de la cession de créance - Production de l'exemplaire unique du marché non cantonné à la part de marché de l'entrepreneur cédant - Régularité en l'absence d'agrément régulier des sous-traitants (1).

39-05, 39-05-01-01-03 Faute de la production par l'entrepreneur principal de l'exemplaire unique du marché ou de l'attestation de l'établissement de crédit bénéficiaire de la cession de créance intervenue en application de la loi du 2 janvier 1981, l'agrément des conditions de paiement d'un sous-traitant par le maître d'ouvrage public viole les dispositions de l'article 2-II du code des marchés publics et ne peut légalement ouvrir droit au paiement direct de ce sous-traitant. Un agrément intervenu dans de telles conditions n'est pas opposable à l'établissement de crédit bénéficiaire d'une cession de créances qui a procédé auprès du comptable assignataire du maître d'ouvrage à une notification régulière de la cession de créance, au regard des exigences fixées par l'article 189 du code des marchés publics, en joignant l'exemplaire unique, qui lui avait été remis par l'entreprise principale et qui ne comportait aucune mention d'une part du marché qui aurait été sous-traitée.

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - REMUNERATION DU CO-CONTRACTANT - PRIX - REMUNERATION DES SOUS-TRAITANTS - Droit au paiement direct - Absence - Défaut de production par l'entrepreneur principal de l'exemplaire unique du marché ou d'une attestation de l'établissement bancaire bénéficiaire d'une cession de créance (1).


Références :

1.

Rappr. CE, 1989-06-02, S.A. Phinelec, T. p. 782


Composition du Tribunal
Président : M. Lukaszewicz
Rapporteur ?: M. Berthoud
Rapporteur public ?: Mme Erstein

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1997-06-19;94ly00774 ?
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