Vu la requête, enregistrée le 27 juin 1995 au greffe de la cour, présentée pour M. X... demeurant à BRIDES-LES-BAINS (73570), par Me FAHY, avocat ;
M. X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement, en date du 13 février 1995, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes en décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre des années 1984, 1985 et 1986 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 10 000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 77/388 adoptée par le conseil des communautés européennes le 17 mai 1977 ;
Vu le décret n°67-604 du 27 juillet 1967 ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 avril 1997 :
- le rapport de M. CHANEL, conseiller ;
- les observations de Me FAHY, avocat de M. X... ;
- et les conclusions de M. BONNET, commissaire du gouvernement ;
Sur la vérification de comptabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article L.52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux années en litige : "Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres et documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1 Les entreprises dont l'activité principale est de vendre des marchandises, objets fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement dont le chiffre d'affaires n'excède pas 1 800 000 francs ; 2 Les autres entreprises industrielles et commerciales, lorsque leur chiffre d'affaires n'excède pas 540 000 francs" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X..., qui exerçait à Courchevel (Savoie) une activité saisonnière de taxi à laquelle il a adjoint à compter du 1er mai 1985 une activité de travaux publics, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices 1984 et 1985, du 5 mars au 3 juillet 1987 ; que, M. X... étant, s'agissant de ces deux exercices, en situation de taxation d'office en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée et d'évaluation d'office en ce qui concerne ses bénéfices industriels et commerciaux, les irrégularités qui entacheraient la vérification de comptabilité seraient sans influence sur la régularité de ces impositions, dès lors que la situation de taxation d'office et d'évaluation d'office ne procède pas de cette vérification ; qu'en ce qui concerne l'année 1986, il résulte des mentions non contestées de l'avis de vérification que les opérations de vérification se sont déroulées du 3 juin au 3 juillet 1987, soit dans un délai inférieur à celui fixé par l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;
Sur la notification de redressements et la réponse aux observations du contribuable :
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige l'administration à mentionner dans la notification de redressements ou la réponse aux observations du contribuable les articles du code général des impôts sur lesquels elle entend fonder ses redressements ; qu'en tout état de cause, la circonstance que le vérificateur ait mentionné des articles erronés n'a pas induit en erreur le contribuable sur les redressements qui étaient envisagés ;
En ce qui concerne les années 1984 et 1985 :
Considérant que la notification de redressements en date du 20 juillet 1987 comportait les bases et éléments servant au calcul des impositions conformément aux dispositions de l'article L.76 du livre des procédures fiscales ; que l'administration a, en tout état de cause, précisé les motifs pour lesquels elle entendait appliquer la procédure de taxation d'office ou d'évaluation d'office ; que, M. X... ayant été imposé d'office, l'administration, laquelle au demeurant a suffisamment motivé sa réponse, n'était pas tenue de répondre aux observations du contribuable ;
En ce qui concerne l'année 1986 :
Considérant que la notification de redressements en date du 20 juillet 1987 comportait la mention exigée par les dispositions de l' article L.57 du livre des procédures fiscales, de la nature et des motifs des redressements envisagés par l'administration ; que le moyen tiré de ce que la notification de redressements serait insuffisamment motivée doit être écarté ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant que le vérificateur a rectifié le crédit de taxe sur la valeur ajoutée et, par voie de conséquence, la taxe sur la valeur ajoutée exigible au cours de la période vérifiée, notamment en excluant du droit à déduction la taxe sur la valeur ajoutée acquittée pour l'acquisition, les réparations, l'entretien et le carburant de véhicules automobiles utilisés par M. X... pour son entreprise saisonnière de taxi et à des fins privées ou au profit de son entreprise de travaux publics, au motif que l'article 237 de l'annexe II au code général des impôts s'opposait, en l'espèce, à cette déduction ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 237 de l'annexe II au code général des impôts : "Les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, qui constituent une immobilisation ou, dans le cas contraire, lorsqu'ils ne sont pas destinés à être revendus à l'état neuf, n'ouvrent pas droit à déduction ... Toutefois, cette exclusion ne concerne pas ... les véhicules ou engins acquis par les entreprises de transports publics de voyageurs et affectés de façon exclusive à la réalisation desdits transports" ;
Considérant que M. X... soutient que ces dispositions, en tant qu'elles maintiennent une restriction aux conditions d'exercice du droit à déduction, sont incompatibles avec l'article 17 de la directive n 77/388 du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires aux termes duquel : "2. Dans la mesure où les biens et services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable : a. La taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti redevable de la taxe à l'intérieur du pays ... 5. En ce qui concerne les biens et services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées aux paragraphes 2 et 3 et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction, la déduction n'est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations. Ce prorata est déterminé pour l'ensemble des opérations effectuées par l'assujetti conformément à l'article 19 ... 6. Au plus tard avant l'expiration d'une période de quatre ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente directive, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, déterminera les dépenses n'ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. En tout état de cause, seront exclues du droit à déduction les dépenses n'ayant pas un caractère strictement professionnel, telles que les dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation. Jusqu'à l'entrée en vigueur des règles visées ci-dessus, les Etats membres peuvent maintenir toutes les exclusions prévues par leur législation nationale au moment de l'entrée en vigueur de la présente directive ..." ;
Considérant qu'il résulte clairement de ces dispositions qu'elles visent les exclusions du droit à déduction particulières à certaines catégories de biens, services ou d'entreprises et non pas les règles applicables à la définition même des conditions générales d'exercice du droit à déduction ; qu'il suit de là que la condition tenant à l'affectation exclusive à l'exploitation des biens et services pouvant ouvrir droit à déduction est devenue, depuis le 1er janvier 1979, date impartie aux Etats membres pour adapter leur législation et leur réglementation interne, incompatible avec l'objectif défini par la sixième directive, dans la mesure où elle exclut de tout droit à déduction les biens et les services qui font l'objet d'une affectation seulement partielle à l'exploitation, alors même que ces biens et services sont utilisés pour les besoins des opérations taxées ; que, dès lors, la circonstance que les véhicules appartenant à M. X... ont été partiellement affectés à d'autres usages que l'activité d'exploitant de taxi ne pouvait autoriser le vérificateur à exclure en totalité le droit à déduction de la taxe ayant grevé l'acquisition et l'utilisation de ces biens ; que l'administration ne propose à la cour aucun autre fondement susceptible de justifier, fût-ce en partie, les redressements contestés ; que, par suite, M. X... établit le défaut de base légale des rehaussements de taxe sur la valeur ajoutée fondéssur l'affectation non exclusive à l'activité de transport public de voyageurs des véhicules en cause ;
Considérant qu'en vertu du II de l'article 210 de l' annexe II au code général des impôts pris sur le fondement des dispositions des articles 271 et 273 de ce code, les immobilisations qui sont cédées, apportées ou qui ont disparu avant le commencement de la quatrième année qui suit celle de leur acquisition, de leur importation ou de leur première utilisation donnent lieu à la régularisation de la taxe initialement déduite, diminuée d'un cinquième par année civile ; que l'attribution à l'épouse de M. X..., le 30 juin 1985, dans le cadre de la liquidation de la communauté conjugale, du véhicule automobile acquis en décembre 1984, constitue une cession au sens des dispositions du II de l' article 210 de l'annexe II au code général des impôts ; que le requérant invoque vainement tant l'article 748 du code général des impôts, qui concerne les droits d'enregistrement, que l'article 815 du code civil qui est afférent à l'indivision ; que, par suite, l'administration a procédé, à bon droit, à la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée afférente audit véhicule ;
En ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux :
Considérant que, si M. X... fait valoir qu'aucune plus-value ne peut être retenue en ce qui concerne le véhicule attribué à son épouse le 30 juin 1985, il résulte de l'instruction que l'administration n'a pas imposé le contribuable à ce titre ; que, pour le surplus, le requérant se borne à demander "l'annulation de tous les redressements qui découlent des prises de position erronées" de l'administration "en particulier, en ce qui concerne les questions d'amortissements et de plus-values de cession ... les intérêts ..." et à se référer aux moyens qu'il a exposés en première instance et dans sa réclamation ; qu'il ne met ainsi pas la cour en mesure de se prononcer sur les erreurs qu'aurait pu commettre le tribunal administratif en rejetant ses demandes ;
Sur les autres moyens :
Considérant qu'en se référant de façon générale à sa réclamation et à ses mémoires de première instance, M. X... ne permet pas à la cour d'apprécier les erreurs qu'aurait pu commettre le tribunal administratif en écartant les moyens de ses demandes qu'il ne développe plus en appel ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté en totalité ses demandes ; Sur les frais non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 5 100 francs ;
Article 1er : Il est accordé décharge à M. X... des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1986 afférents aux redressements fondés sur l'affectation non exclusive à l'activité de transport public de voyageurs des véhicules.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 13 février 1995 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat est condamné à payer à M. X... la somme de cinq mille cent francs (5 100 francs) en application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.