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05/05/1997 | FRANCE | N°94LY00237

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 05 mai 1997, 94LY00237


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 24 février 1994, présentée pour M. Daniel X..., demeurant à Caranne (84),par Me BASSOMPIERRE, avocat ; M. X... demande à la cour :
1 - de réformer le jugement n 89 4428 du 25 novembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Institut National des Appellations d'Origine ( I.N.A.O ) à lui verser une indemnité de 120.000 francs, qu'il estime insuffisante, en réparation du préjudice causé par le refus de cet organisme de soumettre sa récolte de vins de l'année 1987 aux opérations d'agrément pour l'a

ppellation "Gigondas" ;
2 - de condamner l'INAO à lui verser la som...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 24 février 1994, présentée pour M. Daniel X..., demeurant à Caranne (84),par Me BASSOMPIERRE, avocat ; M. X... demande à la cour :
1 - de réformer le jugement n 89 4428 du 25 novembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Institut National des Appellations d'Origine ( I.N.A.O ) à lui verser une indemnité de 120.000 francs, qu'il estime insuffisante, en réparation du préjudice causé par le refus de cet organisme de soumettre sa récolte de vins de l'année 1987 aux opérations d'agrément pour l'appellation "Gigondas" ;
2 - de condamner l'INAO à lui verser la somme de 325.584 francs avec intérêts légaux à compter du 14 novembre 1989, et capitalisation desdits intérêts, ainsi que la somme de 30.000 francs au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier;
Vu le livre des procédures fiscales;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 avril 1997 :
- le rapport de M. BERTHOUD, conseiller ;
- les observations de Me BASSOMPIERRE, avocat de M. X... ;
- et les conclusions de Mme ERSTEIN, commissaire du gouvernement ;

Considérant que devant le tribunal administratif de Marseille, l'Institut National des Appellations d'Origine ( I.N.A.O ), a soutenu, en défense, que la demande d'indemnité de M. X... se heurtait aux dispositions de l'article L. 122 du Livre des procédures fiscales, dès lors qu'il n'avait pas produit ses déclarations de revenus et avis d'imposition; que les premiers juges ont omis de répondre à ce moyen; que dès lors, le jugement attaqué, en date du 25 novembre 1993, par lequel le tribunal administratif a condamné l'I.N.A.O à verser à M. X... une indemnité de 120.000 francs, doit être annulé ;
Considérant qu' il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Marseille ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant, en premier lieu, que la demande de M. X... n'est pas dépourvue de moyens et que le préjudice dont il se prévaut a été chiffré; qu'en second lieu, si le 11 octobre 1989, date d'enregistrement de sa demande au tribunal administratif de Marseille, M. X... ne justifiait d'aucune décision expresse lui refusant l'indemnité qu'il sollicitait, il est constant qu'il a, le 15 novembre 1989, demandé à l'I.N.A.O de lui allouer une indemnité; qu'ainsi, à la date à laquelle le tribunal administratif a statué, le silence gardé pendant plus de quatre mois par l'I.N.A.O sur cette réclamation avait fait naître une décision implicite de rejet contre laquelle devaient être regardées comme dirigées les conclusions de la demande de M. X...; que dès lors, aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de motivation de la demande, de l'absence de chiffrage du préjudice ou de l'absence de décision préalable ne peut être opposée à ladite demande ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article 1 du décret 74-871 du 19 octobre 1974: " les vins pour lesquels est revendiquée une AOC ne peuvent être mis en circulation sans un certificat d'agrément délivré par l'Institut National des Appellations d'Origine (I.N.A.O) après un examen ..." ;

Considérant que l'illégalité de la décision par laquelle l'I.N.A.O a refusé, le 8 janvier 1988, de faire effectuer les prélèvements d'échantillons de la récolte viticole de M. X... et par suite, de lui délivrer le certificat d'agrément qu'il sollicitait pour cette récolte, aux motifs que la partie de sa propriété viticole située dans l'aire de production de l'appellation d'origine contrôlée "Gigondas" ne pouvait produire plus de 200 Hl et que la récolte déclarée provenait donc en partie d'une production extérieure, a été constatée par un jugement du tribunal administratif de Marseille, en date du 7 juillet 1989, passé en force de chose jugée; que cette illégalité, imputable à une erreur de fait qui n'est plus susceptible d'être discutée devant le juge administratif, a constitué, alors même que cette décision a été prise par l'I.N.A.O dans le cadre de la procédure réglementaire et dans l'exercice normal de ses compétences, et que l'institut a tiré les conséquences administratives de son annulation en accordant à M. X..., le 12 septembre 1989, l'agrément qu'il sollicitait, une faute de nature à engager la responsabilité de cet établissement public ;
Sur le préjudice et les droits à réparation :
Considérant qu'aux termes de l'article L.122 du livre des procédures fiscales: "Lorsque des contribuables réclament à l'Etat, aux départements, aux communes ou aux établissements publics autres que les établissements à caractère industriel et commercial des indemnités ou dommages-intérêts dont le montant dépend de leurs bénéfices ou revenus ou de la valeur de leurs biens, les collectivités publiques intéressées ainsi que les experts appelés à fournir un rapport sur ces demandes d'indemnités ou de dommages-intérêts peuvent recevoir de l'administration des impôts communication des déclarations produites et des évaluations fournies par ces contribuables pour l'établissement ou la liquidation de l'un quelconque des impôts ou taxes prévus au code général des impôts, à l'exception des droits perçus à l'occasion de mutations à titre gratuit. Sous réserve des dispositions particulières prévues en matière d'expropriation, ces déclarations et évaluations sont opposables aux demandeurs dans la mesure où elles sont antérieures au fait sur lequel se fonde leur demande" ;
Considérant que l'évaluation de la perte de bénéfices ou de revenus subie par M. X... en raison de la décision de l'I.N.A.O en date du 8 janvier 1988 ne saurait prendre pour base les déclarations de revenus que l'intéressé devait faire à l'administration fiscale au titre des années 1987 à 1989, dès lors que ces déclarations ne pouvaient être, compte tenu de la date de la décision critiquée, exigées du contribuable par l'administration fiscale antérieurement au fait générateur de sa créance; qu'ainsi, M. X... ne peut se voir opposer, en ce qui concerne le préjudice commercial dont il se prévaut, les dispositions précitées de l'article L. 122 du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert désigné en référé, que l'impossibilité, pour M. X... de vendre sa récolte en appellation "Gigondas" avant le 12 septembre 1989, qui constitue la conséquence directe de la faute de l'I.N.A.O, lui a causé un préjudice commercial résultant notamment du refus des caveaux d'acquérir les vins mis en bouteille provenant de la récolte litigieuse après l'apparition de nouveaux millésimes, de la perte de débouchés à l'exportation, de la nécessité de vendre en gros des lots de vin qui auraient pu être vendus au détail à un prix plus élevé, et des surcoûts du vieillissement en fût de chêne, auxquels s'ajoutent les frais de transport et de stockage des vins commercialisés tardivement; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 75.000 francs ;
Considérant, en revanche, que M. X..., qui n'a produit aucun document fiscal au titre des années en litige, ne justifie d'aucun préjudice fiscal dont il serait fondé à demander réparation; que si l'immobilisation de la récolte a réduit en 1988 et 1989 les recettes courantes de l'exploitation viticole de M. X..., l'intéressé, qui a procédé à une diminution importante du capital social en 1988, n'apporte pas la preuve que cette circonstance a rendu nécessaire le recours à l'emprunt ou la renonciation à des investissements ; qu'ainsi, le caractère certain et direct du préjudice financier allégué par M. X... n'est pas établi ;
Considérant enfin que si M. X... a subi au cours des années 1988 et 1989 des tracas et des difficultés personnelles et familiales, ainsi qu'une atteinte temporaire à sa réputation professionnelle, ces divers troubles dans ses conditions d'existence ne peuvent être regardés que comme partiellement causés par la faute susmentionnée, dès lors, notamment, que M. X... allègue avoir demandé lui-même son inculpation ; que la fraction de ce préjudice qui est directement imputable au fait de l'I.N.A.O doit être évaluée, dans les circonstances de l'espèce, à 15 000 francs ;
Considérant que dans ces conditions, l'ensemble du préjudice indemnisable s'établit à 90.000 francs ; qu'il y a lieu de condamner l'I.N.A.O à verser à M. X... cette somme, accompagnée, conformément à sa demande, des intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 1989 ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée par M. X... les 20 janvier 1993 et 24 février 1994 ; qu'à ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes, dans la mesure où il n' a pas été procédé au règlement des sommes dues antérieurement à ces dates ;
Sur les frais d'expertise:
Considérant que dans les circonstances de l'affaire, les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 28.668,30 francs, doivent être mis à la charge de l'I.N.A.O ;
Sur l'application des dispositions de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des frais exposés devant le tribunal et la cour, et non compris dans les dépens, qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. X..., en condamnant l'I.N.A.O, partie tenue aux dépens, à lui verser la somme de 5000 francs en application des dispositions susmentionnées;
Article 1er : Le jugement, en date du 25 novembre 1993, du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : L'Institut National des Appellations d'Origine (I.N.A.O. ) est condamné à payer à M. Daniel X... la somme de 90.000 francs; cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 1989; les intérêts échus les 20 janvier 1993 et 24 février 1994 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts, dans la mesure où il n' a pas été procédé au règlement des sommes dues antérieurement à ces dates.
Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 28.668,30 francs, sont mis à la charge de l'I.N.A.O.
Article 4 : L'I.N.A.O est condamné à payer à M. X... la somme de 5 000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... et de sa demande de première instance, ainsi que le surplus des conclusions du recours incident de l'I.N.A.O sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 94LY00237
Date de la décision : 05/05/1997
Sens de l'arrêt : Annulation condamnation de l'i.n.a.o
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03-07-01,RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - MODALITES DE FIXATION DES INDEMNITES - OPPOSABILITE DES DECLARATIONS FISCALES PRODUITES PAR LES VICTIMES -(Article L. 122 du livre des procédures fiscales) - Opposabilité de déclarations exigibles après le fait générateur de la créance - Absence (1).

60-04-03-07-01 L'article L. 122 du livre des procédures fiscales prévoit que, dans certains cas, le préjudice que fait valoir un contribuable dans une action en responsabilité dirigée contre l'Etat, une commune, un département ou un établissement public administratif peut être évalué sur la base des déclarations produites ou des évaluations fournies par ce contribuable pour la liquidation d'impôts ou de taxes, lorsqu'elles sont antérieures au fait sur lequel se fonde sa demande. L'évaluation de la perte de bénéfice ou de revenu subie par M. B. en raison d'une décision illégale datant du 8 janvier 1988 ne saurait prendre pour base les déclarations de revenu que l'intéressé devait faire à l'administration fiscale au titre des années 1987 à 1989, dès lors que ces déclarations ne pouvaient être, compte tenu de la date de la décision en cause, exigées du contribuable par l'administration fiscale antérieurement au fait générateur de sa créance.


Références :

CGI Livre des procédures fiscales L122
Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 74-871 du 19 octobre 1974 art. 1

1.

Rappr. CE, 1974-05-22, Sieur Charrois, p. 297


Composition du Tribunal
Président : M. Lukaszewicz
Rapporteur ?: M. Berthoud
Rapporteur public ?: Mme Erstein

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1997-05-05;94ly00237 ?
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