Vu, enregistrée au greffe de la cour le 30 novembre 1994, l'ordonnance en date du 26 octobre 1994 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat attribue à la cour administrative d'appel de Lyon le jugement de la requête enregistrée le 26 septembre 1994 au secrétariat du Conseil d'Etat, présentée par M. Saïd X... demeurant ..., tendant à l'annulation du jugement en date du 6 juillet 1994 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la contribution spéciale que lui a été assigné pour un montant de 48 630 francs par état exécutoire du 23 novembre 1993 émis par le directeur de l'Office des migrations internationales ;
Vu, enregistrée le 26 septembre 1994 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat et le 30 novembre 1994 au greffe de la cour, la requête présentée pour M. Saïd X... tendant à l'annulation du jugement du 6 juillet 1994 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la contribution spéciale qui lui a été assignée pour un montant de 48 630 francs par état exécutoire du 23 novembre 1993 émis par le directeur de l'Office des migrations internationales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ratifiée par la France en vertu de la loi du 31 décembre 1973 et publiée au journal officiel par décret du 3 mai 1974 ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mars 1997 ;
- le rapport de M. BEZARD, conseiller ;
- et les conclusions de M. QUENCEZ, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure suivie devant le tribunal administratif :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'hommme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit sur le bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement ... 3. Tout accusé a droit notamment à : ... b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ... d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. e) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience." ; que les principes que fixe ledit article 6 sont applicables à la contestation devant les juridictions administratives de la contribution spéciale prévue à l'article L.341-7 du code du travail en cas d'occupation d'un travailleur étranger non muni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, laquelle, dès lors qu'elle présente le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elle vise et n'a pas pour objet la seule réparation pécuniaire d'un préjudice, doit être regardée, même si le législateur a laissé le soin de l'établir et de la prononcer à une autorité administrative, comme une "accusation en matière pénale" au sens des stipulations de l'article 6 précité ;
Considérant, d'une part, que si M. X... soutient qu'il aurait été privé d'interprète durant son interrogatoire par les services de police, alors qu'il comprend difficilement le français, cette circonstance, n'a pu, en tout état de cause, constituer une violation des stipulations de la convention précitée qui ne sont applicables qu'aux procédures juridictionnelles ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte des mentions figurant sur le jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 juillet 1994 que l'affaire de M. X... a été appelée à l'audience publique du 28 juin 1994 ; qu'ainsi le moyen tiré de l'absence de débat public manque en fait ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'entre l'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif, le 9 février 1994, et l'audience du 28 juin 1994, M. X... a pu disposer du temps et des facilités nécessaires pour organiser sa défense ; que, par ailleurs, le requérant, dès lors qu'il avait, en application des articles R.138 à R.157 du code des tribunaux admministratifs et des cours administratives d'appel, la faculté d'interroger lui-même ses accusateurs et de produire leurs contre témoignages dans le cadre de la procédure écrite et contradictoire applicable devant le tribunal administratif, ainsi qu'il l'a fait devant la cour, en vue de contester l'exactitude des mentions figurant dans les procès-verbaux établis par les services de police, n'est pas fondé à soutenir qu'en n'accèdant pas à sa demande de confrontation avec lesdits témoins à charge les premiers juges ont enfreint les principes que fixe la convention précitée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure portant atteinte à son droit de bénéficier d'un procès équitable, tel que garanti par ladite convention ;
Sur le bien-fondé de la contribution spéciale : Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L.341-6 du code du travail : "Nul ne peut, directement ou par personne interposée, engager, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit, un étranger non muni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France" ; qu'aux termes des dispositions de l'article L.341-7 de ce même code : "Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être intentées à son encontre, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l'article L.341-6 premier alinéa, sera tenu d'acquitter une contribution spéciale au bénéfice de l'Office des migrations internationales ..." et qu'aux termes de l'article L.611-10 dudit code : "Les inspecteurs du travail, les contrôleurs du travail et les fonctionnaires de contrôle assimilés constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier des procès-verbaux établis par les services de police les 19 et 20 février 1991, qu'alors que M. Saïdi X..., ressortissant tunisien, avait regagné son pays d'origine pour y prendre ses congés, le restaurant à l'enseigne "La Tunisie Verte" dont il est propriétaire à Lyon a été exploité par l'un de ses frères, M. Khalifa X... et deux autres ressortissants tunisiens, tous trois étant dépourvus de titre les autorisant à exercer une activité salariée en France ;
Considérant que pour obtenir la décharge de la contribution spéciale que lui a été assignée en raison de ces faits, M. Saïd X... a excipé devant le tribunal administratif du caractère inexact des déclarations des trois contrevenants en cause recueillies dans lesdits procès-verbaux, et allégué qu'ils auraient, selon lui, ouvert le restaurant à son insu ; que, toutefois, en ne retenant pas son argumentation les premiers juges n'ont pas renversé la charge de la preuve ou mis à sa charge une preuve négative, dès lors que lesdits procès-verbaux, qui font foi jusqu'à preuve contraire, établissent la matérialité de l'ouverture du restaurant et l'absence de titre de travail des intéressés ; que M. Saïd X... ne saurait utilement faire valoir qu'il n'en était pas informé ; que l'attestation envoyée trois ans après les faits par le frère du requérant n'est pas de nature, dans les termes mêmes où elle a été rédigée, à établir l'inexactitude des déclarations précises de celui-ci consignées au moment des faits et qui sont en parfaite convergence avec celles de ses deux compatriotes, lesquelles désignent M. Saïd X... comme leur employeur ;
Considérant, enfin, que la circonstance que M. X... n'ait pas fait l'objet de poursuites pénales n'est pas de nature à faire obstacle à ce qu'il soit fût légalement assujetti à la contribution spéciale, eu égard à l'indépendance existant entre les deux procédures ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande de confrontation sollicitée par le requérant, que M. Saïd X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à être déchargé de l'obligation de payer la somme de 48 630 francs à laquelle il a été assujetti par état exécutoire émis le 23 novembre par l'office des migrations internationales en application de l'article L.341-7 du code du travail ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instnces devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que les dispositions précitées s'opposent à ce que M. Saïd X..., qui succombe dans l'instance, puisse obtenir le remboursement des frais irrépétibles de l'instance ; que sa demande doit, en conséquence, être rejetée ; qu'il y a lieu, en revanche, de condamner M. Saïd X... à payer à l'Office des migrations internationales la somme de 5 000 francs en application de ces mêmes dispositions et de rejeter le surplus des conclusions dudit Office sur ce point ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : M. Saïd X... est condamné à verser la somme de 5 000 francs à l'Office des migrations internationales en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.