La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/1996 | FRANCE | N°94LY00461

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 05 décembre 1996, 94LY00461


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 21 mars 1994, présentée pour la commune de Saint-Martin-de-Castillon, représentée par son maire en exercice, par Me X..., avocat ;
La commune de Saint-Martin-de-Castillon demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement avant-dire droit en date du 17 mai 1991 du tribunal administratif de Marseille et le jugement du 22 décembre 1993 par lequel ce même tribunal l'a condamnée à verser à l'association Aéroclub d'APT d'une part une indemnité de 142 609 francs, avec intérêts de droit à compter du 22 juin 1988, en réparation d

u préjudice causé par l'arrêté du 26 mai 1987, par lequel le maire de la...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 21 mars 1994, présentée pour la commune de Saint-Martin-de-Castillon, représentée par son maire en exercice, par Me X..., avocat ;
La commune de Saint-Martin-de-Castillon demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement avant-dire droit en date du 17 mai 1991 du tribunal administratif de Marseille et le jugement du 22 décembre 1993 par lequel ce même tribunal l'a condamnée à verser à l'association Aéroclub d'APT d'une part une indemnité de 142 609 francs, avec intérêts de droit à compter du 22 juin 1988, en réparation du préjudice causé par l'arrêté du 26 mai 1987, par lequel le maire de ladite commune a interdit à l'Aéroclub de poursuivre ses activités sur l'aérodrome de Saint-Martin-de-Castillon et d'autre part la somme de 5 000 francs au titre des frais irrépétibles ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'association Aéroclub d'APT devant le tribunal administratif de Marseille ;
3°) de condamner ladite association à lui verser la somme de 20 000 francs au titre des frais irrépétibles ;
4°) de faire procéder à une nouvelle expertise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 1996 :
- le rapport de M. BERTHOUD, conseiller ;
- les observations de Me GARNIER, avocat de l'association Aéroclub d'Apt ;
- et les conclusions de Mme ERSTEIN, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité de la commune de Saint-Martin de CASTILLON :
Considérant qu'aux termes de l'article D.231-1 du code de l'aviation civile : "Les aérodromes non ouverts à la circulation aérienne publique comprennent : ... ( ...) 3 ) les aérodromes à usage privé ; l'autorisation de les créer est donnée par arrêté préfectoral" ; qu'aux termes de l'article D-233-1 du même code : "sont considérés comme aérodromes à usage privé les aérodromes créés par une personne physique ou morale de droit privé, pour son usage personnel ou celui de ses employés et invités" ; qu'enfin, aux termes de l'article D.233-6 dudit code : "L'arrêté qui autorise la création de l'aérodrome fixe les conditions dans lesquelles ce dernier sera utilisé" ;
Considérant que par arrêté en date du 26 mai 1987, le maire de Saint Martin de Castillon a interdit à l'association Aéroclub d'Apt de poursuivre ses activités sur l'aérodrome à usage privé de cette commune jusqu'à l'intervention d'une décision judiciaire mettant fin au litige alors pendant entre l'association et le bailleur du terrain où fonctionne cet aérodrome ; que par jugement du 26 novembre 1987, devenu définitif, le tribunal administratif de Marseille a annulé ledit arrêté au motif que cette décision, interdisant toute activité sur l'aérodrome à l'association Aéroclub d'Apt pour un laps de temps indéterminé, revêtait un caractère disproportionné par rapport à l'objectif poursuivi ; que l'illégalité de l'arrêté susmentionné, qui résulte d'un jugement revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint-Martin de Castillon ;
Considérant que la double circonstance que l'Aéroclub d'Apt a le caractère d'une association sans but lucratif exploitant un aérodrome privé, au sens de l'article D.233-1 du code de l'aviation civile, et aurait occupé sans titre, à la suite de la résiliation de son bail, le terrain où était installé cet aérodrome, est sans influence sur son droit à obtenir réparation du préjudice subi du fait de la suspension complète de ses activités durant la période du 4 juin 1987 au 22 décembre 1987 ;
Considérant, il est vrai, que si les allégations de la commune requérante selon lesquelles l'association n'aurait pas régulièrement déclaré à l'autorité compétente les modifications de la liste de ses pilotes ne sont pas confirmées par les pièces produites au dossier, il résulte de l'instruction que l'association faisait fonctionner sur l'aérodrome une école de pilotage, alors que l'article 6 de l'arrêté préfectoral du 11 août 1970 autorisant la création de l'aérodrome lui interdisait l'activité d'écolage ; que cependant la commune requérante ne saurait se prévaloir de cette irrégularité, qui est dépourvue de lien avec l'interdiction édictée par le maire de Saint-Martin de Castillon, et n'a ainsi pu, même indirectement, être à l'origine du préjudice causé à l'association par cette décision, pour soutenir que sa responsabilité est de fait dégagée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions dirigées contre le jugement avant-dire droit en date du 17 mai 1991, que la commune de Saint-Martin de Castillon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par ledit jugement, le tribunal administratif de Marseille l'a déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables qu'a pu avoir pour l'association Aéroclub d'Apt l'intervention de l'arrêté du 26 mai 1987 ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'aux termes de l'article R.138 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les mémoires complémentaires, les mémoires ou observations en défense, les répliques et autres mémoires ou observations ainsi que les pièces qui y sont jointes éventuellement sont déposés au greffe et communiqués dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues pour les requêtes" ; que la commune de Saint-Martin de Castillon soutient que le mémoire par lequel l'association Aéroclub d'Apt a chiffré ses prétentions après dépôt du rapport d'expertise, et qui comportait ainsi des éléments nouveaux sur lesquels le tribunal s'est fondé pour rendre son jugement ne lui a pas été communiqué avant l'audience ; que ces allégations ne sont infirmées par aucune des pièces du dossier ; que, dès lors, la requérante est fondée à demander l'annulation du jugement du 22 décembre 1993, par lequel le tribunal administratif de Marseille a statué après avoir fait procéder à une expertise, sur la demande d'indemnité présentée par l'association Aéroclub d'Apt, comme ayant été rendu sur une procédure irrégulière ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'association Aéroclub d'Apt ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les informations et documents recueillis par l'expert désigné par le tribunal administratif, et dont il a été tenu compte pour la rédaction du rapport d'expertise, ont été communiqués aux parties avant le dépôt dudit rapport ; qu'ainsi, le caractère contradictoire des opérations d'expertise a été respecté ; que la double circonstance que l'expert aurait eu des contacts téléphoniques avec les responsables de l'association Aéroclub d'Apt et que ladite association aurait été représentée, au cours d'une réunion organisée par l'expert, par des personnes non habilitées par cette association, ne permet pas d'établir que ces opérations, dont la validité n'est d'ailleurs pas contestée par l'Aéroclub, seraient entachées d'irrégularité ;

Considérant qu'il ressort des constatations opérées par l'expert que le préjudice subi par l'Aéroclub à la suite de la suspension de ses activités, qui résulte de l'immobilisation des appareils du 4 juin au 22 décembre 1987 et de la désaffection, au cours des premiers mois de l'année 1988, d'une partie des pilotes, correspond au déficit réel de l'exercice 1987 et au bénéfice prévisible non réalisé durant la période susmentionnée, compte tenu notamment du défaut d'amortissement des heures gratuites dont bénéficiaient les pilotes brevetés ayant financé leurs appareils ; qu'il convient cependant de retrancher de ce préjudice le manque à gagner afférent à l'activité d'écolage, qui ne pouvait être légalement pratiquée sur l'aérodrome, ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice global subi par l'association du fait de la suspension de ses activités légales en l'évaluant à la somme de 50.000 francs ; que l'association Aéroclub d'Apt est fondée à demander la condamnation de la commune de Saint-Martin de Castillon à lui verser cette somme, augmentée des intérêts de droit à compter du 22 juin 1988, date de sa demande ;
Sur les frais d'expertise exposés en première instance :
Considérant que les frais d'expertise, dont le montant s'élève à 21 740,10 francs doivent être mis à la charge de la commune de Saint-Martin-de-Castillon ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant qu'aux termes de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner la commune de Saint-Martin-de-Castillon à verser à l'association Aéroclub d'APT la somme de 5 000 francs au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement en date du 22 décembre 1993 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La commune de SAINT-MARTIN-DE-CASTILLON est condamnée à verser à l'association Aéroclub d'APT la somme de 50.000 francs, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 1988.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée pour l'association Aéroclub d'APT et de la requête de la commune de SAINT-MARTIN-DE-CASTILLON sont rejetés.
Article 4 : Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge de la commune de Saint-Martin-de-Castillon.
Article 5 : La commune de Saint-Martin-de-Castillon versera à l'association Aéroclub d'APT la somme de 5 000 francs au titre de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 94LY00461
Date de la décision : 05/12/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-04-01-04-02 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE INDEMNISABLE DU PREJUDICE - AUTRES CONDITIONS - SITUATION EXCLUANT INDEMNITE


Références :

Code de l'aviation civile D231-1, D-233-1, D233-6, D233-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R138, L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BERTHOUD
Rapporteur public ?: Mme ERSTEIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1996-12-05;94ly00461 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award