Vu, enregistrée au greffe de la cour le 2 septembre 1994, la requête présentée pour Mme Nicole X... demeurant 13, PLace des Arts à Thonon-les-Bains, Mme Germaine MOGENET, demeurant 10, rue d'Arve à Gaillard et M. Bernard MOGENET, demeurant 4, rue Branville à Caen, par la SCP VOUTAY VULLIET, avocats au barreau de Thonon-les-Bains ;
Les requérants demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 juin 1994 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Haute-Savoie des 7 mai 1992 et 1er décembre 1993 déclarant respectivement d'utilité publique le projet de la commune de Gaillard de création d'une voie d'accès au collège et cessibles les terrains nécessaires à sa réalisation ;
2°) d'annuler les arrêtés litigieux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 novembre 1996 :
- le rapport de M. FONTBONNE, conseiller ;
- les observations de Me Y... substituant la SCP DALMAIS-GRANJON, avocat de Mme X... et de Mme Z... Veuve A... ;
- et les conclusions de GAILLETON, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la déclaration d'utilité publique du 7 mai 1992 :
Considérant qu'il résulte des dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique qu'après l'intervention d'une déclaration d'utilité publique la procédure doit être poursuivie par un arrêté de cessibilité ayant pour but d'identifier précisément les parcelles concernées et devant, aux termes dudit code, être notifié individuellement à chaque propriétaire ; qu'à l'occasion d'un recours dirigé contre l'arrêté de cessibilité, le propriétaire concerné peut invoquer par voie d'exception l'illégalité de la déclaration d'utilité publique ; qu'il dispose ainsi d'une possibilité claire, concrète et effective de contester l'ensemble de la procédure administrative préalable à l'expropriation ; que, par suite, le fait que le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ne prévoit pas que la déclaration d'utilité publique doive faire l'objet d'une notification individuelle et que sa seule publication ait pour effet de faire courir le délai de recours contentieux à son encontre n'est pas de nature à rompre l'équilibre entre les prérogatives nécessaires de l'administration et le respect du droit de propriété et ne méconnaît pas ainsi les dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant aux administrés le droit d'accès à un tribunal ;
Considérant que la circonstance que la déclaration d'utilité publique litigieuse concerne un nombre très limité de propriétaires et que son intervention puisse être le cas échéant regardée comme s'inscrivant à la suite d'un litige opposant le Syndicat intercommunal à vocation multiple de l'agglomération annemassienne aux consorts A... n'est en tout état de cause pas de nature à lui conférer le caractère d'un acte individuel ;
Considérant que les dispositions de l'article R.104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel issues de l'article 9 du décret du 28 novembre 1983 prévoyant que les délais de recours ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés dans la notification de la décision, ne s'appliquent qu'aux actes individuels ;
Considérant que la déclaration d'utilité publique litigieuse en date du 7 mai 1992 a été affichée en mairie le 1er juin 1992 ; que cette publication a suffi à faire courir le délai de recours contentieux ; que, par suite, si la commune a cru devoir notifier ladite déclaration d'utilité publique aux consorts A... le 28 mai 1993, l'accomplissement de cette formalité, à laquelle la commune n'était nullement tenue n'a pu avoir pour effet de différer le point de départ du délai de recours contentieux ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté comme tardives leurs conclusions tendant à l'annulation de la déclaration d'utilité publique du 7 mai 1992, enregistrées au greffe du tribunal administratif le 28 juillet 1993 ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de cessibilité du 1er décembre 1993 :
Considérant que les requérants invoquent par voie d'exception l'illégalité de la déclaration d'utilité publique sur le fondement de laquelle est intervenue l'arrêté de cessibilité litigieux ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le secrétaire général de la préfecture, signataire de la déclaration d'utilité publique a reçu délégation de signature par arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 27 janvier 1992 publié au recueil des actes administratifs du 7 avril 1992 ; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte en cause manque en fait ;
Considérant que les requérants sont propriétaires d'une parcelle d'un lotissement desservi par une voie privée en impasse ; qu'à l'extrémité de cette impasse une parcelle cadastrée E398 bénéficiant d'une servitude de passage sur ladite impasse, et contigüe à diverses parcelles formant le domaine du collège Jacques Prévert, a été acquise par le Syndicat intercommunal à vocation multiple de l'agglomération annemassienne (S.I.V.M.A.A.) qui y a édifié des logements de fonction pour le personnel du collège ; que la parcelle E398 s'étant alors de fait trouvée réunie à l'ensemble du domaine du collège, la voie privée en cause est devenue un accès cyclable et piétonnier du collège utilisé par de nombreux élèves ; que les consorts A... estimant que la servitude de passage grevant cette voie privée ne bénéficiait qu'à la parcelle E398 et non à l'ensemble du collège ont engagé devant les juridictions judiciaires diverses procédures encore pour partie pendantes tendant à voir définir la nature et l'étendue de cette servitude ; que la déclaration d'utilité publique sur le fondement de laquelle est intervenue l'arrêté de cessibilité litigieux tend à permettre à la commune de Gaillard d'acquérir le sol de la voie privée pour en faire une voie communale assurant un deuxième accès au collège ;
Considérant qu'il entre dans les compétences d'une commune d'établir les voiries nécessaires pour assurer les dessertes correspondant aux besoins de ses habitants ainsi qu'aux besoins des équipements publics implantés sur son territoire même si ces équipements relèvent d'autres collectivités publiques et répondent à des besoins plus larges que ceux des seuls habitants de la commune ; que les consorts A... ne sont par suite pas fondés à soutenir que le projet en cause ne présenterait pas un intérêt communal et que sa déclaration d'utilité publique n'aurait pu être prononcée qu'au bénéfice du S.I.V.M.A.A. ou du département ;
Considérant qu'une opération ne peut légalement être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
Considérant que la voie en cause permet à une proportion importante des élèves du collège d'y accéder à pied à partir de leur domicile par un trajet nettement plus court et offrant de meilleures conditions de sécurité que l'emprunt de rues supportant un fort trafic automobile ; que, par suite, au regard de ces avantages et alors même que le collège dispose bien entendu d'une entrée principale, la création de ce deuxième accès qui, en empruntant une voie déjà établie, n'entraîne qu'une atteinte très limitée à la propriété privée, a pu légalement être déclarée d'utilité publique ;
Considérant que la circonstance que ladite déclaration d'utilité publique serait intervenue pour pallier le fait que la servitude de droit privé préexistante, telle qu'elle était susceptible d'être définie par les juridictions judiciaires, n'aurait pas permis le maintien de ce deuxième accès au collège, ne saurait être regardée comme procédant d'un détournement de pouvoir ou de procédure dès lors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus l'opération répond à un besoin d'intérêt général ;
Considérant que, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus le projet présente en lui-même un caractère d'utilité publique, la solution pouvant être apportée par l'autorité judiciaire au litige opposant le S.I.V.M.A.A. aux consorts A... sur la nature et l'étendue de la servitude de droit privé préexistante est sans influence sur l'appréciation de la légalité de la déclaration d'utilité publique ; que les requérants ne sont par suite pas fondés à demander que la Cour surseoit à statuer jusqu'à l'intervention de décisions judiciaires définitives ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté de cessibilité du 1er décembre 1993 ;
Article 1er : La requête des consorts A... est rejetée.