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10/07/1996 | FRANCE | N°93LY01228

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4e chambre, 10 juillet 1996, 93LY01228


Vu la requête, enregistrée le 12 août 1993 au greffe de la cour sous le n° 93LY01228, présentée pour M. Y..., demeurant chemin des mulets, Les Taillades, (84300) CAVAILLON, par Me X..., avocat ;
M. Y... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 91-3076, en date du 3 juin 1993, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge des compléments d'imposition, tant en matière d'impôt sur le revenu que de taxe sur la valeur ajoutée, auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1985 ;
2°) de prononcer la décharge de ces imposit

ions ;
3°) de prononcer le sursis à exécution du jugement et des imposition...

Vu la requête, enregistrée le 12 août 1993 au greffe de la cour sous le n° 93LY01228, présentée pour M. Y..., demeurant chemin des mulets, Les Taillades, (84300) CAVAILLON, par Me X..., avocat ;
M. Y... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 91-3076, en date du 3 juin 1993, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge des compléments d'imposition, tant en matière d'impôt sur le revenu que de taxe sur la valeur ajoutée, auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1985 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de prononcer le sursis à exécution du jugement et des impositions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la sixième directive du conseil des communautés européennes n° 77-388 du 17 mai 1977 modifiée, en matière d'harmonisation des législations des états membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
Vu la loi n° 76-1067 du 27 novembre 1976 interdisant l'usage des oestrogènes en médecine vétérinaire ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 1996 :
- le rapport de M. BONNAUD, conseiller ;
- et les conclusions de M. BONNET, commissaire du gouvernement ;

Sur le principe des impositions et ses conséquences :
Considérant que M. Y... soutient que son activité illicite de vente de substances à action oestrogène susceptibles d'être administrées aux animaux dont la chair ou les produits sont destinés à la consommation humaine n'entre pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, défini par l'article 2 de la sixième directive du conseil des communautés, conformément à la jurisprudence de la cour de justice des communautés européennes et ne peut, par voie de conséquence, générer un profit imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; qu'à tout le moins, il appartient à la cour de surseoir à statuer jusqu'à la décision de la cour de justice qu'elle devrait saisir, à titre préjudiciel, de cette question ;
Considérant qu'il résulte de l'article 2 de la sixième directive, dans l'interprétation donnée par la cour de justice des communautés européennes (Affaires VERENIGING HAPPY FAMILY, MOL, WITZEMANN) que les opérations effectuées par un assujetti ne font naître aucune dette de taxe sur le chiffre d'affaires lors de la livraison de produits dans la mesure où ceux-ci ne font pas partie d'un circuit économique autorisé par les états membres ; qu'il résulte de la réglementation applicable aux substances à action oestrogène, et notamment des lois du 27 novembre 1976 du 7 juillet 1984 alors en vigueur, que seule l'administration aux animaux destinés à la consommation humaine faisait l'objet d'une interdiction, sous réserve d'ailleurs d'exceptions, et non leur fabrication et leur commercialisation ; qu'il résulte clairement de ce qui précède que ces produits faisaient partie intégrante du circuit économique les concernant, nonobstant les restrictions apportées à leur emploi, et entraient dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée au sens de l'article 2 susmentionné dans l'interprétation que lui donne la cour de justice ; que, par suite, sans qu'il y ait lieu de saisir cette instance, les ventes de produits oestrogènes réalisées par M. Y... étaient soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et le profit qui en était tiré relevait, en tout état de cause, de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;
Considérant qu'il est constant que M. Y... n'a souscrit aucune déclaration de chiffre d'affaires et de résultats au titre de cette activité ; qu'il se trouvait, dès lors, en situation de taxation d'office en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'évaluation d'office des bénéfices industriels et commerciaux ;
Sur la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L.50 du livre des procédures fiscales : "Lorsqu'elle a procédé à un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu, l'administration des impôts ne peut plus procéder à des redressements pour la même période et pour le même impôt, à moins que le contribuable ne lui ait fourni des éléments incomplets ou inexacts" ;

Considérant que M. Y... soutient que l'administration ne pouvait, après l'achèvement de la vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble, procéder à des redressements au titre de l'année 1985 ; que, toutefois, par lettre en date du 24 avril 1986, M. Y... a déclaré aux services fiscaux avoir cessé toute activité au 31 décembre 1984 ; que les pièces de la procédure pénale communiquées à l'administration, et notamment les procès-verbaux d'audition de M. Y..., en date des 1er et 3 août 1985, reconnaissant avoir reçu en juin 1985 des produits dont il assurait une commercialisation illicite démontrent l'inexactitude de cette déclaration ; que ces faits ne sont pas contredits par la circonstance, à la supposer établie, que les poursuites pénales ont été limitées aux années 1981 à 1984 ; qu'ainsi, conformément aux dispositions précitées de l'article L.50 du livre des procédures fiscales, l'administration pouvait procéder à des redressements au titre de l'année 1985 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le service, qui n'a eu accès aux pièces de la procédure pénale qu'après la levée des scellés intervenue en 1988, ait disposé avant cette date des informations sur la poursuite de cette activité ; qu'en tout état de cause, les dispositions de l'article L.50 du livre des procédures fiscales sont sans application en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant que, dans la notification de redressements, le vérificateur a suffisamment informé le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'il avait obtenus à l'occasion de la communication des pièces par l'autorité judiciaire pour que l'intéressé ait, ainsi, été mis à même d'en demander la production avant la mise en recouvrement des impositions ; qu'en l'absence d'une telle demande, l'administration n'avait pas l'obligation de communiquer spontanément les documents en cause ; que la même information contenue dans la mise en demeure de produire les déclarations de chiffre d'affaires et de résultats ne faisait pas obstacle à ce que M. Y... en conteste l'exactitude ; qu'en application de l'article L.76 du livre des procédures fiscales, les impositions ayant été établies d'office, l'administration n'avait pas l'obligation de répondre aux observations du contribuable formulées après la notification des redressements ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les redressements résultent de l'exploitation des renseignements issus de la procédure pénale, communiqués au service, et non d'une vérification de comptabilité ; que M. Y... se prévaut, dès lors, en vain de l'absence d'envoi préalable d'un avis de vérification ;
Sur le bien-fondé :
Considérant qu'en vertu de l'article L.193 du livre des procédures fiscales, il appartient à M. Y..., qui a fait l'objet de procédures d'impositions d'office régulières, d'apporter la preuve de l'exagération des redressements ;

Considérant qu'en l'absence de tout document comptable retraçant les opérations de ventes occultes, la méthode du vérificateur consistant à retenir les recettes relevées dans les "carnets" de l'intéressé, à évaluer les achats hors taxes à la moitié de ces recettes et à déduire les frais généraux estimés, permettant ainsi au contribuable d'en discuter les éléments, ne peut être regardée comme viciée dans son principe, ni comme sommaire dans son application ;
Considérant que, si M. Y... soutient qu'il a agi comme commissionnaire et non comme négociant, il n'apporte à l'appui de cette prétention, au demeurant contredite pour une partie de la période en cause, par la circonstance qu'il procédait seul aux achats, aux préparations, au conditionnement et à la vente des produits, aucun document, tel un contrat de mandat ou tout autre pièce, de nature à établir qu'il agissait pour le compte d'un ou plusieurs commettants ;
Considérant qu'en se bornant à produire des factures émises par la société qui l'employait ou libellées à son nom, M. Y... n'établit pas, en tout état de cause, que les recettes retracées par les "carnets" saisis par l'autorité judiciaire correspondraient pour partie à des ventes régulières au profit de la société qui l'employait et d'autres laboratoires ; que, s'il prétend que la prise en compte des recettes méconnait les principes de la comptabilité commerciale, il ne fournit aucun élément pour démontrer, sur ce point, une exagération des redressements, alors, au surplus, que le caractère occulte de l'activité le conduisait à procéder exclusivement à des encaissements en espèces ;
Considérant que, contrairement à ce qu'il affirme, M. Y... n'a proposé, dans sa réponse aux notifications datée du 6 août 1986, aucune méthode de reconstitution des recettes et des bénéfices tirés de son activité ; que la circonstance que la vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble n'ait révélé aucun enrichissement reste sans incidence sur la réalité des dissimulations constatées par le service ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 93LY01228
Date de la décision : 10/07/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-06-02-01-01,RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - PERSONNES ET OPERATIONS TAXABLES - OPERATIONS TAXABLES -

19-06-02-01-01 Si les dispositions de l'article 2 de la sixième directive du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 interdisent, dans l'interprétation que leur donne la Cour de justice des communautés européennes, l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des livraisons de produits qui ne font pas partie d'un circuit économique autorisé par les Etats membres, la commercialisation de substances à action oestrogène entre dans le champ d'application de cette taxe, dès lors que la législation nationale interdit seulement, à certaines conditions, leur administration, mais non leur fabrication et leur commercialisation. Il en résulte clairement que leur taxation ne méconnaît pas ces dispositions.


Références :

CEE Directive 388-77 du 17 mai 1977 Conseil Sixième Directive art. 2
CGI Livre des procédures fiscales L50, L76, L193
Loi 76-1067 du 27 novembre 1976

1.

Cf. CJCE, 1988-07-05, affaire n° 269/86, Mol, Rec. p. 3645 ;

CJCE, 1988-07-05, affaire n° 289/86, Vereniging Happy Family Rustenburgerstraat, Rec. p. 3669 ;

CJCE, 1990-12-06, affaire n° C343/89, Witzemann, Rec. I, p. 4492


Composition du Tribunal
Président : M. Megier
Rapporteur ?: M. Bonnaud
Rapporteur public ?: M. Bonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1996-07-10;93ly01228 ?
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