Vu la décision en date du 6 juillet 1994, enregistrée au greffe de la cour le 27 septembre 1994, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour, en application de l'article R.80 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le jugement du recours du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ;
Vu le recours, enregistré au secrétariat du Conseil d'Etat le 6 juin 1994, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ; le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle demande à la cour :
- d'annuler le jugement du 22 mars 1994 par lequel le tribunal administratif de Lyon a déchargé la société "Nouvelles Galeries Réunies" du paiement de la somme de 40 825 francs mise à sa charge par décision du 28 janvier 1993 du préfet de la Loire ;
- de rejeter la demande présentée par la société ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le décret n° 88-77 du 22 janvier 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 1996 :
- le rapport de Mme LAFOND, conseiller ;
- les observations de Me GRANGE, avocat de la société des Nouvelles Galeries réunies ;
- et les conclusions de M. QUENCEZ, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une décision en date du 28 janvier 1993, le préfet de la Loire a mis à la charge de la société française des Nouvelles Galeries Réunies, aux droits et obligations de laquelle vient la société des Galeries Lafayette, une pénalité d'un montant de 40 825 francs, en application des dispositions de l'article L.323-8-6 du code du travail, au motif que la société n'avait pas respecté, en 1991, pour son établissement de Saint-Etienne, les obligations pesant sur elle en matière d'emploi des handicapés ; que le tribunal administratif de Lyon ayant, par jugement en date du 22 mars 1994, prononcé la décharge de ladite pénalité, le ministre relève appel dudit jugement ;
Sur la recevabilité du recours du ministre :
Considérant que si le recours du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 6 juin 1994, a été signé par un fonctionnaire qui n'avait pas reçu délégation de signature du ministre, il a été régularisé le 5 décembre 1994 devant la cour par le délégué à l'emploi qui a déclaré s'en approprier les conclusions et qui avait reçu délégation permanente de signature du ministre en vertu d'un arrêté en date du 9 avril 1993, publié le 15 avril 1993, pris par ce dernier en application des dispositions du décret du 23 janvier 1947 ;
Considérant que la circonstance que le ministre ait fait appel du jugement attaqué devant le Conseil d'Etat, conformément d'ailleurs aux indications mentionnées dans la lettre de notification dudit jugement, alors que le litige relevait de la compétence de la cour, est sans incidence sur la recevabilité de son recours ;
Considérant que ledit recours contient toutes les précisions nécessaires permettant d'identifier le jugement attaqué, qui y est joint, et mettre la cour à même d'apprécier la portée des conclusions dont elle est saisie ;
Sur les conclusions du recours du ministre :
Considérant qu'aux termes de l'article L.323-1 du code du travail : "Tout employeur occupant au moins vingt salariés est tenu d'employer, à temps plein ou à temps partiel, des bénéficiaires de la présente section dans la proportion de 6 % de l'effectif total de ses salariés. Pour les entreprises à établissements multiples, cette obligation d'emploi s'applique établissement par établissement." ; qu'aux termes de l'article L.323-4 de ce code : "L'effectif total de salariés, visé au premier alinéa de l'article L.323-1, est calculé selon les modalités définies à l'article L.431-2 ; toutefois, les salariés occupant certaines catégories d'emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières, déterminées par décret, ne sont pas décomptés dans cet effectif." ; qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 22 janvier 1988 codifié à l'article D.323-3 du code du travail : "Ne sont pas pris en compte dans l'effectif total des salariés visés à l'article L.323-1 (1er alinéa) les salariés occupant des emplois qui relèvent des catégories d'emplois (exigeant des conditions d'aptitude particulières) énumérées à la liste annexée au présent décret. Cette liste sera reconsidérée en fonction des résultats de la première année d'application de la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés. Une commission désignée parmi les membres du conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des travailleurs handicapés et présidée par une personnalité nommée par le ministre chargé de l'emploi est chargée de présenter des propositions en vue de ce réexamen." ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que lorsque l'effectif de chaque établissement d'une entreprise s'élève au minimum à vingt salariés, après déduction éventuelle de certaines catégories d'emplois, cette entreprise est tenue d'employer certains salariés dans la proportion de 6 % en 1991, et faute de satisfaire à cette obligation, de s'acquitter du versement de la pénalité prévue par l'article L.323-8-6 du code du travail ; qu'en vertu des dispositions de l'article L.323-3 du même code, les bénéficiaires de cette obligation d'emploi ne sont pas uniquement des personnes handicapées, reconnues travailleurs handicapés par la COTOREP ;
Considérant que l'article D.323-3 précité, en se référant à la nomenclature des professions et catégories socio-professionnelles, a entendu définir le champ d'application des dispositions qu'il édicte et exclure de l'effectif total des salariés , visés à l'article L.323-1 susmentionné, les catégories d'emploi qui se trouvaient être à l'époque définies par les rubriques de la nomenclature qu'il énumère ;
Considérant, en premier lieu, que la liste annexée à l'article D.323-3 du code du travail revêt un caractère limitatif en raison de l'énumération à laquelle elle procède des catégories d'emploi non décomptées dans l'effectif des salariés visés à l'article L.323-1 du même code et de la possibilité de modification de son contenu prévue par le second alinéa de l'article D.323-3 ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que les vendeurs de rayon spécialisé en grand magasin ou en grande surface relèvent -dans la version 1983 de la nomenclature- des rubriques 55-12 à 55-17, par le biais d'un commentaire figurant sous chacune de ces rubriques ; que la rubrique 55-10, intitulée "vendeurs de grands magasins", n'a été instituée qu'ultérieurement -dans la version 1984 de la nomenclature- sans pour autant que les commentaires figurant sous les autres rubriques soient supprimés ; qu'ainsi, l'article D.323-3, en se référant à la seule rubrique 55-10 figurant dans la nomenclature des professions et catégories socio-professionnelles, doit nécessairement être regardé comme ayant entendu viser les vendeurs de grand magasin, à l'exclusion des vendeurs de rayon spécialisé qui relèvent d'autres rubriques, et ce, alors même que ladite rubrique mentionnée sur la liste annexée à l'article D.323-3 n'introduit aucune distinction entre vendeurs de rayon spécialisé et vendeurs polyvalents en grand magasin ;
Considérant que si, postérieurement à l'adoption du décret susvisé du 22 janvier 1988, la nomenclature a été modifiée -en 1990- pour introduire le terme "polyvalents" dans l'intitulé de la rubrique 55-10, cette modification, qui a eu pour objet de clarifier la répartition des emplois entre les différentes rubriques, n'a eu ni pour objet ni pour effet de modifier le champ d'application des catégories d'emploi exigeant des conditions d'aptitude particulières tel qu'il se trouvait déjà défini à l'époque par les rubriques de la nomenclature des professions et catégories socio-professionnelles énumérées sur la liste annexée à l'article D.323-3 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour décharger la société de la pénalité litigieuse, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que, le premier ministre n'ayant pas pu subdéléguer à la commission nationale des nomenclatures d'activités et de produits instituée auprès de l'institut national de la statistique et des études économiques, le pouvoir de modifier les catégories de salariés exclus de l'effectif du personnel pris en compte pour le calcul des obligations d'un employeur au titre de l'article L.323-1 susmentionné du code du travail, qui lui était délégué par l'article L.323-4 précité du même code, la modification, postérieurement à la publication du décret du 22 janvier 1988, de l'intitulé de la catégorie professionnelle n° 55-10, devenu "vendeurs polyvalents de grands magasins" était sans incidence sur les obligations de la société ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Galeries Lafayette devant la cour ;
Considérant que la circonstance que la régularité formelle des déclarations annuelles produites par la société française des Nouvelles Galeries Réunies n'aurait jamais été contestée est sans incidence sur le bien-fondé de la pénalité litigieuse ;
Considérant qu'il appartient à la société Galeries Lafayette, pour chaque emploi dont elle demande l'exclusion de l'effectif de la société française des Nouvelles Galeries Réunies, de démontrer que l'emploi en cause entre dans une des catégories énumérées dans la liste annexée à l'article D.323-3 du code du travail ; que, si elle soutient que la rubrique 55-10 intitulée "vendeurs de grands magasins" est la seule qui corresponde aux salariés de l'intéressée, ses allégations sont dépourvues de précisions permettant d'en apprécier la portée ; que, notamment, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir que lesdits salariés ne relèveraient pas de l'une des rubriques 55-13 à 55-17 qui incluent chacune les "vendeurs de rayon spécialisé en grand magasin" ; que, par suite, les vendeurs de la société française des Nouvelles Galeries Réunies ne peuvent être regardés comme entrant dans la catégorie des vendeurs de grands magasins telle qu'elle est définie à la rubrique 55-10 de la nomenclature reprise dans la liste annexée à l'article D.323-3 du code du travail ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a déchargé la société française des Nouvelles Galeries Réunies de la pénalité prévue à l'article L.323-8-6 du code du travail, d'un montant de 40 825 francs, mise à sa charge au titre de l'année 1991 pour son établissement de Saint-Etienne ;
Article 1er : Le jugement en date du 22 mars 1994 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société française des Nouvelles Galeries Réunies devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.