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08/02/1996 | FRANCE | N°93LY01179

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 08 février 1996, 93LY01179


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 6 août 1993, présentée pour la commune de VALENCE, par la société d'avocats DURAND - BARTHELEMY - PRUD'HOMME, ;
La commune de VALENCE demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 1er juillet 1993 par lequel le tribunal administratif de GRENOBLE a condamné la société LAURENT RAFFIN à lui verser une indemnité de 144 000 francs, qu'elle estime insuffisante, en réparation du préjudice subi du fait des désordres affectant la piscine du Polygone ;
2°) de condamner la société LAURENT RAFFIN à lui verser

la somme de 844 837 francs et à supporter la totalité des frais d'expertise ;...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 6 août 1993, présentée pour la commune de VALENCE, par la société d'avocats DURAND - BARTHELEMY - PRUD'HOMME, ;
La commune de VALENCE demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 1er juillet 1993 par lequel le tribunal administratif de GRENOBLE a condamné la société LAURENT RAFFIN à lui verser une indemnité de 144 000 francs, qu'elle estime insuffisante, en réparation du préjudice subi du fait des désordres affectant la piscine du Polygone ;
2°) de condamner la société LAURENT RAFFIN à lui verser la somme de 844 837 francs et à supporter la totalité des frais d'expertise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 1996 :
- le rapport de Mme HAELVOET, conseiller ;
- les observations de Me PRUD'HOMME, avocat de la commune de Valence ;
- et les conclusions de M. COURTIAL, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de GRENOBLE a décidé que les désordres affectant certains éléments de la toiture de la piscine, dont la construction avait été confiée par la commune de VALENCE à la société LAURENT RAFFIN, engageaient la responsabilité décennale des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil et fixé à 30 % la part de responsabilité incombant à ladite société, compte tenu des fautes imputables au maître d'ouvrage ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il n'est pas contesté que les désordres dont s'agit, et qui consistent en une opacification et une moindre résistance des éléments translucides de la partie sud de la toiture, par l'effet des rayonnements du soleil, ont exclusivement pour origine l'inadaptation du matériau dont sont constitués ces éléments ; que même si le brunissement des lamelles, non apparent au moment de la réception de l'ouvrage et qui contraint l'utilisateur à recourir en permanence à un éclairage artificiel, ne rend pas l'immeuble impropre à sa destination, ces rayonnements ont affecté la capacité de résistance de la toiture ; qu'il convient ainsi de constater que la solidité de l'ensemble est menacé, même si le péril n'est pas immédiat, dès lors que la garantie décennale couvre non pas les désordres, mais les malfaçons dont ils procèdent ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la société LAURENT RAFFIN, les premiers juges ont admis à juste titre que la commune de VALENCE était fondée à invoquer la responsabilité décennale des constructeurs ;
Considérant, ainsi qu'il vient d'être dit, que les désordres ont pour seule origine le choix d'un matériau non adapté aux effets des rayons ultraviolets ; que si le cahier des clauses techniques particulières, joint au marché, permettait à l'entreprise de proposer des variantes aux marques préconisées par ledit cahier, il est constant que le choix de la composition de la couverture incombait aux services techniques de la commune, chargés de la maîtrise d'oeuvre de l'opération ; qu'il résulte du rapport d'expertise que le matériau retenu, qui ne correspondait pas à une suggestion de la société Laurent Raffin, était constitué de chlorure de polyvinyle non plastifié, matière dont les inconvénients liés au vieillissement, et décrits par l'expert, ne sont pas contestés ; que, par suite, et alors qu'il n'est pas allégué que l'exécution des travaux n'aurait pas été conforme aux prescriptions techniques ou aux règles de l'art, les désordres sont imputables à la commune de VALENCE ; que, néanmoins, il appartenait à l'entreprise de formuler des réserves sur la qualité du matériau retenu ; qu'ainsi, les désordres sont également imputables à la mission confiée à la société LAURENT RAFFIN ; qu'il sera fait une exacte appréciation de la responsabilité de l'entreprise en la ramenant à 10 % des désordres ;
Sur le préjudice :

Considérant, d'une part, que le coût total de reprise des travaux s'élève à la somme non contestée de 844 837 francs, dont les honoraires de maîtrise d'oeuvre évalués à 40 000 francs ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que, pour remédier aux désordres, il convient de procéder à la dépose des panneaux détériorés et à leur remplacement par des éléments d'une composition adaptée aux rayonnements du soleil, lesquels ne peuvent être regardés comme apportant une amélioration au fonctionnement de l'ouvrage, tel qu'il avait été défini au marché initial ;
Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu de tenir compte de la vétusté de la toiture ; qu'il n'est pas contesté que les désordres sont apparus sept années après la date de mise en service de l'ouvrage, alors qu'il résulte des pièces fournies que la durée normale de fonctionnement d'un tel élément est de quinze ans ; qu'ainsi l'abattement doit être fixé à la somme de 362 176 francs, correspondant à un coefficient de vétusté de 45 %, applicable au coût indemnisable de la reprise, déduction faite des honoraires de maîtrise d'oeuvre ; que le préjudice s'élève ainsi à la somme de 482 661 francs ; qu'eu égard au partage de responsabilité retenu, la société LAURENT RAFFIN doit être condamnée au versement d'une indemnité de 48 266 francs ;
Sur les frais d'expertise exposés en première instance :
Considérant qu'aux termes de l'article R.217 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction. Ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties" ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre la totalité de ces frais à la charge de la commune de VALENCE ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de VALENCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas condamné la société LAURENT RAFFIN à l'indemniser de la totalité du préjudice subi ; qu'en revanche, ladite société est partiellement fondée à soutenir que, c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser une somme de 144 000 francs à la commune de VALENCE ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code susvisé : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de VALENCE à payer à la société LAURENT RAFFIN une somme au titre des frais que cette dernière a exposés ;
Article 1er : La somme que la société LAURENT RAFFIN a été condamnée à payer à la commune de VALENCE par le jugement du tribunal administratif de GRENOBLE du 1er juillet 1993 est ramenée de 144 000 francs à 48 266 francs.
Article 2 : Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge de la commune de VALENCE.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de GRENOBLE en date du 1er juillet 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus de la requête de la commune de VALENCE ainsi que des conclusions du recours incident de la société LAURENT RAFFIN est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 93LY01179
Date de la décision : 08/02/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-06-01-04-03-01 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DESORDRES DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DECENNALE DES CONSTRUCTEURS - N'ONT PAS CE CARACTERE


Références :

Code civil 1792, 2270
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R217, L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme HAELVOET
Rapporteur public ?: M. COURTIAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1996-02-08;93ly01179 ?
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