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25/01/1996 | FRANCE | N°95LY01365

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 25 janvier 1996, 95LY01365


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 28 juillet 1995 sous le n° 95LY01365, présentée pour la société anonyme BOUYGUES dont le siège social est ... par Me Xavier Y..., avocat et pour la société anonyme de droit italien Ansaldo Industria dont le siège social Via Pieragostini 50, 161501 Gênes (Italie), par Me X... de Pardieu, avocat ;
la société BOUYGUES et la société Ansaldo Industria demandent à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance en date du 13 juin 1995 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté comme portée devant

un ordre de juridiction incompétent pour en connaître leur demande tendant...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 28 juillet 1995 sous le n° 95LY01365, présentée pour la société anonyme BOUYGUES dont le siège social est ... par Me Xavier Y..., avocat et pour la société anonyme de droit italien Ansaldo Industria dont le siège social Via Pieragostini 50, 161501 Gênes (Italie), par Me X... de Pardieu, avocat ;
la société BOUYGUES et la société Ansaldo Industria demandent à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance en date du 13 juin 1995 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître leur demande tendant à ce que soit décidée une expertise aux fins de donner un avis sur l'origine des travaux supplémentaires qu'elles ont engagés, sur la cause des préjudices et des retards qu'elles ont supportés et sur les éléments chiffrés des différents postes de préjudices et des pénalités à la suite de leur réclamation relative à l'exécution du marché qu'elles ont conclu avec la société European Synchrotron Radiation Facility en vue de la réalisation du Synchroton à Grenoble ;
2°) d'ordonner une expertise aux fins énumérées ci-dessus ;
3°) de condamner la société European Synchrotron Radiation Facility à leur verser une somme de 25 000 francs en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 janvier 1996 :
- le rapport de M. JOUGUELET, président-rapporteur ;
- les observations de Me A... substituant Me DE PARDIEU, avocat de la société ANSALDO INDUSTRIA, et de Me Z... substituant la SCP RAMBAUD MARTEL, avocat de la société European Synchrotron Radiation Facility ;
- et les conclusions de M. COURTIAL, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 131 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Notification de la requête présentée au juge des référés est immédiatement faite au défendeur éventuel avec fixation d'un délai de réponse" ;
Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, leur demande d'expertise a été notifiée à European Synchroton Radiation Facility ;
Considérant, d'autre part, que l'ordonnance de référé est rendue à la suite d'une procédure particulière adaptée à la nature de la demande et à la nécessité d'assurer une décision rapide ; que cette procédure, qui garantit le caractère contradictoire de l'instruction, se suffit à elle-même ; qu'ainsi les sociétés BOUYGUES et Ansaldo Industria ne sont pas fondées à soutenir, dés lors que l'article R. 128 ne prévoit pas cette communication, que le juge des référés était tenu, avant de se prononcer sur leur demande d'expertise, de leur communiquer, en exécution des dispositions de l'article R. 131, les observations en défense présentées par European Synchroton Radiation Facility en réponse à la notification qui lui avait été faite de cette demande ;
Considérant, enfin, que la procédure de référé ne comporte obligatoirement ni audience publique ni convocation des parties ; que, par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'ordonnance attaquée qui a été rendue sans audience, aurait été pour ce motif irrégulière ;
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article R 128 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Le président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel ou le magistrat que l'un d'eux délègue peut, sur simple requête qui, devant le tribunal administratif, sera recevable même en l'absence d'une décision administrative préalable, prescrire toutes mesures utiles d'expertise ou d'instruction" ;
Considérant que la société civile de droit français "European Synchroton Radiation Facility" a, par un marché passé le 1er décembre 1989, confié à un groupement d'entreprises représentées par la société BOUYGUES la réalisation des travaux afférents au lot B du Synchroton ; que la société BOUYGUES et la société Ansaldo Industria ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à l'organisation d'une expertise sur l'origine des travaux supplémentaires que le groupement aurait réalisés, sur la cause de leurs préjudices et des retards qu'elles ont supportés et sur les éléments chiffrés des différents postes de préjudices et des pénalités ;

Considérant d'une part qu'il résulte de l'instruction que l'ouvrage est destiné à une exploitation par la société "European Synchroton Radiation Facility" à des fins scientifiques et doit, en vertu de l'article 24 de ses statuts fixés par la convention internationale du 16 décembre 1988, être démantelé au moment de la liquidation de la société ; qu'il n'a donc pas été remis dès son achèvement à l'une des deux personnes morales de droit public françaises détenant des parts de son capital (Centre National de la Recherche Scientifique et Commissariat à l'Energie Atomique) ; que, d'autre part, il ressort des mêmes statuts que ces deux personnes sont minoritaires dans le capital de la société, la majorité des actions appartenant à des personnes morales étrangères ; qu'enfin, si aux termes de l'article 12 de ces statuts "le personnel employé par la société reçoit un salaire correspondant à celui des agents du Commissariat Français à l'Energie Atomique", ce personnel n'est pas pour autant soumis au même statut que les agents de cet établissement public ; qu'ainsi le marché passé par cette société n'a pas pour objet la construction d'un ouvrage public concourant à la réalisation des mêmes objectifs que ceux des établissements publics français ayant la qualité d'associés de la société ou de l'Etat français ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société European Synchroton Radiation Facility ne peut être regardée comme agissant pour le compte d'une personne de droit public française ;
Considérant qu'un contrat signé entre des personnes privées est un contrat de droit privé même s'il contient des clauses exorbitantes ou a pour objet de réaliser des travaux publics ; que, par suite, la circonstance que le marché passé entre la société European Synchroton Radiation Facility et le groupement d'entreprises comporterait des clauses exorbitantes ou aurait pour objet de lui confier des travaux publics est sans incidence sur la nature du marché litigieux ; qu'enfin, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, ledit marché n'est pas une convention comportant occupation du domaine public ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le litige opposant les sociétés BOUYGUES et Ansaldo Industria à la société European Synchroton Radiation Facility, né de l'application de ce marché, est soumis aux règles de droit privé et n'est pas de nature à relever, même pour partie, de la compétence de la juridiction administrative ; que, par suite, les sociétés appelantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître leur demande d'expertise ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la société European Synchroton Radiation Facility qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer la société BOUYGUES et la société Ansaldo Industria une somme quelconque au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de condamner la société BOUYGUES et la société Ansaldo Industria à payer chacune à la société European Synchroton Radiation Facility une somme de 3 000 francs au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la société BOUYGUES et de la société Ansaldo Industria est rejetée.
Article 2 : La société BOUYGUES et la société Ansaldo Industria sont condamnées chacune à payer à la société European Synchroton Radiation Facility une somme de 3 000 francs.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 95LY01365
Date de la décision : 25/01/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-01-02-02-03 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - NOTION DE CONTRAT ADMINISTRATIF - NATURE DU CONTRAT - CONTRATS N'AYANT PAS UN CARACTERE ADMINISTRATIF - CONTRATS RELATIFS AU DOMAINE PRIVE


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R131, R128, L8-1
Convention du 16 décembre 1988 Paris Synchrotron


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. JOUGUELET
Rapporteur public ?: M. COURTIAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1996-01-25;95ly01365 ?
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