Vu 1°) la décision en date du 16 décembre 1994 par laquelle le Conseil d'Etat a, sur le pourvoi en cassation formé par M. Y..., annulé l'article 2 de l'arrêt n° 91LY01078 rendu le 6 avril 1993 par la cour administrative d'appel de Lyon, en tant que ledit arrêt a condamné la commune de Vernols à verser à M. Y... la somme de 10 000 francs tous intérêts compris ;
Vu l'arrêt susvisé ;
Vu le mémoire, enregistré au greffe de la cour le 3 avril 1995, présenté pour M. Y... ; il demande la condamnation de la commune de Vernols à lui verser la somme de 59 241,53 francs au titre de son préjudice matériel, qui est égale aux traitements qu'il aurait dû percevoir sur la base de trois heures par semaine, avec les intérêts de droit à compter du 15 septembre 1990 pour les sommes dues entre le 1er janvier et le 15 septembre 1990, à compter du 24 décembre 1991 pour la somme due entre le 15 septembre 1990 et le 24 décembre 1991, à compter de l'enregistrement du mémoire en réplique devant la cour administrative d'appel pour la somme due au titre de la période du 25 décembre 1991 au 31 juillet 1992, à compter du 21 mai 1993 pour la somme due pour la période du 1er août 1992 au 21 mai 1993, à compter du 20 octobre 1993 pour la somme due entre le 22 mai et le 30 septembre 1993, et à compter de l'enregistrement du présent mémoire pour la somme due au titre de la période du 1er octobre 1993 au 31 décembre 1994 ; il demande la capitalisation des intérêts au 24 décembre 1991, au 24 juin 1994 ainsi qu'au 3 avril 1995 ; que la somme de 10 000 francs devra s'imputer prioritairement sur les intérêts, en vertu de l'article 154 du code civil ; que les sources de revenus perçues avant la révocation ne sauraient être prises en compte ; que la procédure disciplinaire suivie à l'encontre de l'exposant, et le refus de le réintégrer sont constitutifs d'un préjudice moral qui sera évalué à la somme de 10 000 francs, avec intérêts à compter du 15 septembre 1990, capitalisés au 24 décembre 1991 et au 24 juin 1994 ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés le 13 juillet et le 14 septembre 1995, présentés pour la commune de Vernols ; elle soutient que M. Y... dépasse le maximum légal de 39 heures par semaine ; que l'article 7 du décret-loi du 29 octobre 1936 n'autorise les cumuls que pour une période limitée, ne peuvent porter que sur deux emplois ni préjudicier au principal ; que M. Y... n'a pu être légalement titularisé, puisqu'il occupe un emploi à temps incomplet ; qu'il ne saurait être réintégré ; elle demande la réduction importante des demandes de M. Y... ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 14 septembre 1995, présenté pour M. Y... ; il demande à ce que le préjudice matériel soit porté à la somme de 65 539,64 francs compte tenu de la période d'éviction du premier semestre 1995, la capitalisation des intérêts à la présente date, et la condamnation de la commune de Vernols à lui verser, au titre des trois instances en cours, et en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les sommes de 3 558 francs, 3 558 francs et 5 930 francs ;
Vu 2°) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 3 avril 1995, sous le n° 95LY00564, présentée pour la commune de Vernols, représentée par son maire en exercice, par Me VIGNANCOUR, avocat ; la commune de Vernols demande à la cour d'annuler le jugement
prononcé le 22 décembre 1994, en tant que ledit jugement, d'une part, a annulé la décision en date du 17 mai 1993 par laquelle le maire de Vernols a refusé de réintégrer M. Y... dans son emploi de secrétaire de mairie, d'autre part, a condamné la commune requérante à lui verser la somme de 3 000 francs en réparation du préjudice causé à l'intéressé par le refus illégal de réintégration ; elle demande la condamnation de M. Y... à lui verser la somme de 5 000 francs en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 1995 :
- le rapport de M. RIQUIN, conseiller ;
- les observations de Me FAURE substituant Me VIGNANCOUR, avocat de la commune de Vernols ;
- et les conclusions de M. BONNET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes enregistrées sous les n° 95LY00412, 95LY00564 et 95LY00565 présentent à juger des questions connexes ; qu'il y a lieu d'y statuer par un seul arrêt ;
Sur le refus de réintégration de M. Y... :
Considérant que M. Y..., qui exerçait au moment des faits les fonctions de secrétaire de mairie à temps incomplet de la commune de Vernols, a été révoqué par un arrêté du maire en date du 20 février 1990 ; que, par un jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 3 octobre 1991, confirmé sur ce point par un arrêt de la cour en date du 6 avril 1993, cette décision a été annulée en raison de l'inexactitude matérielle des faits dont elle était entachée ; qu'il suit de là que la révocation de M. Y... devant être regardée comme n'étant jamais intervenue, la commune avait l'obligation de procéder, d'office, à la réintégration de l'intéressé dans les cadres de l'administration municipale ; que la circonstance, à la supposer établie, que M. Y... ne serait pas en droit de cumuler plusieurs emplois publics est seulement de nature à permettre à la commune, si elle s'y croit fondée, de procéder au licenciement de M. Y... après avoir procédé à sa réintégration, mais pas de justifier a posteriori la mesure de révocation dont celui-ci a fait l'objet ; que dès lors la commune de Vernols n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué prononcé le 22 décembre 1994, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision en date du 17 mai 1993 par laquelle le maire de Vernols a refusé de réintégrer M. Y... ;
Sur les conclusions de M. Y... tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Vernols portant nomination de Mlle X... en qualité de secrétaire de mairie :
Considérant, en premier lieu, que les conclusions présentées par M. Y..., tendant à l'annulation de la décision par laquelle Mlle X... a été nommée secrétaire de mairie, ne constituaient nullement une demande d'injonction, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui a rejeté lesdites conclusions comme irrecevables pour ce motif ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement dans cette mesure ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Considérant que Mlle X... a été nommée secrétaire de mairie en remplacement de M. Y..., à la suite de la révocation dont celui-ci a fait l'objet ; qu'à défaut d'emplois identiques ou équivalents à celui de secrétaire de mairie dans la commune, l'annulation de la révocation de M. Y... entraînait nécessairement l'obligation pour la commune de Vernols de rapporter la décision par laquelle Mlle X... a été nommée dans cet emploi ; que, dès lors, M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 22 décembre 1994, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté susmentionné du maire de Vernols ;
Sur le préjudice indemnisable de M. Y... :
Sur le préjudice matériel :
Considérant que, ainsi que l'a jugé l'arrêt de la cour en date du 6 avril 1993, les dispositions de l'article 9 du décret-loi du 29 octobre 1936, relatives au cumul de rémunérations ne sauraient avoir pour effet de décharger la commune de Vernols de l'obligation de réparer le préjudice causé par sa faute ; que M. Y... est fondé à obtenir, en réparation du préjudice subi du fait de son éviction, une indemnité compensant la perte de revenus résultant de celle-ci ; que, dans les circonstances de l'espèce, cette indemnité correspond au montant des traitements dont il a été illégalement privé ; qu'il n'est pas contesté que ce montant s'élève, sur la base d'un emploi de secrétaire de mairie à temps incomplet de trois heures par semaine, à la somme de 65 539,64 francs pour la période allant de la date de la révocation au 30 juin 1995 ;
Considérant que les intérêts ne peuvent courir qu'à compter, d'une part, des échéances des sommes dont la collectivité publique est redevable, et d'autre part, de la date de réception par l'administration des réclamations de l'intéressé ; qu'il en résulte que M. Y... a droit aux intérêts de la somme due pour la période du 1er janvier au 31 août 1990, soit 7 521,80 francs, à compter du jour de la réception par le maire de la commune de Vernols de la demande préalable de M. Y... datée du 15 septembre 1990 ; que M. Y... a droit aux intérêts de la somme due pour la période du 1er septembre 1990 au 30 novembre 1991, soit 14 340,22 francs, à compter du 24 décembre 1991 ; que M. Y... a droit aux intérêts de la somme due pour la période du 1er décembre 1991 au 31 juillet 1992, soit 7 871,65 francs, à compter du 21 septembre 1992 ; que M. Y... a droit aux intérêts de la somme due pour la période du 1er août 1992 au 30 avril 1993, soit 9 029,63 francs, à compter du jour de la réception par le maire de la commune de Vernols de la demande préalable de M. Y... datée du 21 mai 1993 ; que M. Y... a droit aux intérêts de la somme due pour la période du 1er mai 1993 au 30 septembre 1993, soit 5 088,97 francs, à compter du 20 octobre 1993 ; que M. Y... a droit aux intérêts de la somme due pour la période du 1er octobre 1993 au 31 décembre 1994, soit 15 389,25 francs, à compter du 3 avril 1995, et de la somme due pour la période du 1er janvier au 30 juin 1995, soit 6 298,11 francs, à compter du 14 septembre 1995 ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 24 décembre 1991, le 24 juin 1994 et le 3 avril 1995 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année des intérêts sur les sommes dues respectivement au 24 décembre 1990, au 24 juin 1993 ainsi qu'au 3 avril 1994 ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Sur le préjudice moral :
Considérant que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral résultant de la révocation illégale en l'évaluant à la somme de 5 000 francs ; que cette somme portera intérêts à compter du 15 septembre 1990 ; que lesdits intérêts seront capitalisés au 24 décembre 1991, au 24 juin 1994, ainsi qu'au 14 septembre 1995 ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Vernols, qui doit être regardée comme la partie perdante au sens des dispositions précitées, obtienne le remboursement de ses frais de procédure ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la commune de Vernols à verser à M. Y... la somme de 10 000 francs ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en date du 22 décembre 1994 est annulé, en tant que ledit jugement a rejeté la demande de M. Y... tendant à l'annulation de la décision par laquelle Mlle X... a été nommée secrétaire de mairie.
Article 2 : La décision par laquelle le maire de la commune de Vernols a nommé Mlle X... est annulée.
Article 3 : La commune de Vernols est condamnée à verser à M. Y... la somme de 65 539,64 francs au titre du préjudice matériel.
Article 4 : La somme de 7 521,80 francs due au titre du préjudice matériel pour la période du 1er janvier au 31 août 1990, portera intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par le maire de la commune de Vernols de la demande préalable de M. Y... datée du 15 septembre 1990 ; la somme due au titre du préjudice matériel pour la période du 1er septembre 1990 au 30 novembre 1991, soit 14 340,22 francs, portera intérêts à compter du 24 décembre 1991 ; la somme due au titre du préjudice matériel pour la période du 1er décembre 1991 au 31 juillet 1992, soit 7 871,65 francs portera intérêts à compter du 21 septembre 1992 ; la somme due au titre du préjudice matériel pour la période du 1er août 1992 au 30 avril 1993, soit 9 029,63 francs, portera intérêts à compter du jour de la réception par le maire de la commune de Vernols de la demande préalable de M. Y... datée du 21 mai 1993 ; la somme due au titre du préjudice matériel pour la période du 1er mai 1993 au 30 septembre 1993, soit 5 088,97 francs, portera intérêts à compter du 20 octobre 1993 ; la somme due au titre du préjudice matériel pour la période du 1er octobre 1993 au 31 décembre 1994, soit 15 389,25 francs, portera intérêts à compter du 3 avril 1995 ; la somme due au titre de la période du 1er janvier au 30 juin 1995, soit 6 298,11 francs, portera intérêts à compter du 14 septembre 1995 ; les intérêts échus le 24 décembre 1991, le 24 juin 1994 et le 3 avril 1995 sur les sommes dues respectivement au 24 décembre 1990, au 24 juin 1993 ainsi qu'au 3 avril 1994 seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 5 : La commune de Vernols est condamnée à verser à M. Y... la somme de 5 000 francs au titre du préjudice moral. Cette somme portera intérêts à compter du 15 septembre 1990. Lesdits intérêts seront capitalisés au 24 décembre 1991 puis au 24 juin 1994, ainsi qu'au 14 septembre 1995.
Article 6 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Clermont-Ferrand prononcé le 22 décembre 1994 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : La commune de Vernols est condamnée à verser à M. Y... la somme de 10 000 francs en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 8 : La requête n° 95LY00564 de la commune de Vernols est rejetée.
Article 9 : Le surplus des conclusions de la requête n° 95LY00565 présentées par M. Y... est rejeté.