Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 20 décembre 1993, présentée pour M. Gilbert X..., demeurant ... à GAILLARD (Haute-Savoie), par la SCP PROUTEAU-SIMOND, avocat, et tendant à ce que la cour :
1°) annule le jugement en date du 29 septembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Grenoble n'a que partiellement fait droit à ses demandes tendant à la décharge, d'une part, du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel il a été assujetti au titre de la période du 1er avril 1981 au 31 décembre 1984, d'autre part, de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1983 et, enfin, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1981 à 1984 ;
2°) prononce la décharge de ces impositions ;
3°) condamne l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à lui verser la somme de 15 000 francs ;
4°) ordonne que, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête, il soit sursis à l'exécution du jugement ;
Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code général des impôts ; Vu le livre des procédures fiscales ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 septembre 1995 ;
- le rapport de Mme HAELVOET, conseiller ;
- les observations de Me GUICHARD, avocat de M. X... ;
- et les conclusions de M. COURTIAL, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que lors de la vérification de la comptabilité de son entreprise, M. X... n'a présenté aucun livre comptable ; que le bénéfice imposable et les bases passibles des taxes sur le chiffre d'affaires de la période considérée ont, par suite, été établis selon la procédure de rectification d'office, prévue par l'article L.75 du livre des procédures fiscales alors en vigueur ; que les recettes ont été reconstituées au vu notamment des apports effectués sur les comptes bancaires et d'épargne ouverts au nom du requérant et des membres de son foyer fiscal ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est pas sérieusement contesté, que ces comptes enregistraient indifféremment des opérations privées et professionnelles ; que la confusion des patrimoines ainsi constatée autorisait l'administration, en l'absence de comptabilité régulière et probante, à se fonder sur l'ensemble des mouvements ayant affecté ces comptes pour évaluer le montant des recettes imposables ; qu'en raison de cette même confusion, les pièces retraçant ces mouvements constituaient des documents comptables dont l'examen ne peut être rattaché qu'à la vérification de comptabilité ; que, par suite, les moyens relatifs à l'irrégularité de la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble sont inopérants ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
Considérant qu'il appartient au requérant, eu égard à la procédure d'imposition suivie, d'apporter la preuve de l'exagération des redressements qu'il conteste, et, en particulier, de démontrer que les sommes assimilées à des recettes professionnelles ne présentent pas ce caractère ;
Considérant que, ainsi qu'il a été dit, la circonstance que l'administration ait reconstitué ces recettes en fonction des sommes portées au crédit des comptes bancaires et d'épargne, sans distinction de la nature professionnelle ou privée de ces comptes, ne saurait permettre de regarder cette méthode comme radicalement viciée, eu égard à l'absence d'une comptabilité régulière et probante et à la confusion des patrimoines ;
Considérant qu'il n'est pas établi que les versements d'un montant de 19 800 francs et de 28 800 francs, effectués respectivement le 19 octobre 1981 et au cours de l'année 1982, proviendraient des sommes perçues lors de la cession, par Mme X..., d'un fonds de commerce, le 22 décembre 1980 ; que l'attestation établie en 1987 ne saurait, notamment en l'absence de toute indication sur le mode de versement, justifier que les sommes de 30 000 francs déposées en 1982 et de 49 600 francs inscrites au crédit des comptes en 1984 correspondraient à des prêts familiaux ; qu'il n'est pas davantage établi, faute de production d'un contrat de prêt ayant date certaine, que la somme de 14 000 francs, enregistrée en 1984 au crédit du compte ouvert auprès de la Société générale, représenterait le remboursement d'un prêt consenti à un tiers ; qu'aucune pièce justificative de la nature et du montant des dépenses professionnelles alléguées, dont la déduction a été écartée, n'est fournie ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'eu égard à la nature de la procédure suivie et au caractère nécessairement forfaitaire de l'évaluation des bases d'imposition, l'administration ne peut être regardée comme justifiant de la mauvaise foi du contribuable ; que, par suite, il convient de substituer les intérêts de retard aux majorations appliquées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est que partiellement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1981, 1982, 1983 et 1984, du complément de taxe professionnelle pour l'année 1981 et du complément de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er avril 1981 au 31 décembre 1984 ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit à la demande de M. X... ;
Article 1er : Les intérêts de retard sont substitués aux pénalités de mauvaise foi mises à la charge de M. X... et afférentes au complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1982 et 1984 et de taxe sur la valeur ajoutée pour les mêmes années, dans la limite desdites pénalités.
Article 2 : M. X... est déchargé de la différence entre le montant des pénalités qui lui ont été assignées au titre des années 1982 et 1984 et celui résultant de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 29 septembre 1993, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.